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“Ma sclérose en plaques m’a obligé à réinventer ma sexualité

PhotoAlto/Frédéric Cirou / Getty Images/PhotoAlto « Soudain, j’ai découvert qu’un autre monde était possible. Qu’on pourrait avoir une vie sexuelle différente, qu’on pourrait avoir du plaisir sans chercher à tout prix l’orgasme. »

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« Soudain, j’ai découvert qu’un autre monde était possible. Qu’on pourrait avoir une vie sexuelle différente, qu’on pourrait avoir du plaisir sans chercher à tout prix l’orgasme. »

TÉMOIGNAGE – Il y a vingt ans, j’ai eu ma première crise de sclérose en plaques. J’ai perdu la vue d’un œil pendant un certain temps, puis, au cours des années suivantes, j’ai ressenti pratiquement tous les symptômes de cette maladie auto-immune. Perte de sensations dans certaines parties du corps, picotements permanents dans d’autres, douleurs, problèmes moteurs ou urinaires…

Ce que je n’avais pas réalisé, c’est que cette maladie aurait aussi des conséquences dramatiques sur ma vie sexuelle. Et même si les médecins ont pu m’aider pour la plupart de mes questions, je me suis retrouvé sans réponse sur le plan sexuel. Après des années d’errance médicale, j’ai dû trouver seule les moyens de réinventer toute ma sexualité – et pour le meilleur !

“Vous souffrez de sclérose en plaques”

J’avais 24 ans lorsque j’ai reçu mon diagnostic. Le neurologue m’a dit froidement : « Vous souffrez de sclérose en plaques. Si vous avez des questions, vous pouvez prendre rendez-vous. » Le choc a été extrêmement violent. J’imaginais que je deviendrais une statue de sel et que je mourrais dans les trois ans. C’est mon médecin généraliste qui, voyant ma détresse, m’a recommandé un spécialiste extraordinaire. Plein d’empathie, ce neurologue a pris le temps de m’expliquer le processus de la sclérose en plaques, les traitements et m’a assuré que ma vie n’était pas en danger. Un an après l’annonce de ma maladie, j’ai commencé à respirer un peu.

J’ai commencé un traitement et au fil des années qui ont suivi, j’ai souffert d’une série de “pousse”, ces périodes qui peuvent durer plusieurs mois durant lesquels la maladie se manifeste de manière qui peut être très douloureuse et invalidante. C’est lors de l’une d’elles que j’ai découvert à quel point la sclérose en plaques pouvait affecter mes organes génitaux et mes sensations sexuelles.

Symptômes pouvant affecter les organes génitaux

Jusqu’à présent, j’avais vécu ma sexualité d’une manière qui me semblait épanouissante, et surtout, sans me poser de questions. Pour moi, le sexe hétéro était comme ce que l’on voyait dans les films : le sexe devait tourner exclusivement autour des organes génitaux et devait avoir pour objectif l’orgasme. Sauf que lors de ces poussées, je perdais parfois toute sensation au niveau de la vulve ou du clitoris et perdais complètement ma capacité à avoir un orgasme. Que faire dans ces cas ? Et comment en parler avec mon partenaire ?

Vers la fin de la vingtaine, j’ai rencontré l’homme qui allait devenir mon mari, puis mon ex-mari. Au début, j’ai eu une poussée de sclérose en plaques touchant les organes génitaux, avec laquelle il a eu beaucoup de mal. Il pensait que je simulais mes symptômes pour cacher que je ne voulais pas de lui. Je me sentais seul, accusé et coupable, même si je n’y étais pour rien. Nous ne savions même pas que nous pouvions chercher le plaisir ailleurs.

Si le sujet n’avait pas été aussi tabou auprès des professionnels de santé, les choses auraient pu être plus simples. Mais finalement, j’ai changé de traitement et j’ai vécu six ans sans poussée. Mon mari et moi nous sommes séparés pour des raisons sans rapport avec notre vie sexuelle, et j’ai mis entre parenthèses mes interrogatoires pendant un moment.

Vulvodynie et dyspareunie

C’est au début de la pandémie de Covid que j’ai commencé à voir les choses différemment. On m’a diagnostiqué une vulvodynie et une dyspareunie. (douleurs génito-pelviennes fréquentes dans la sclérose en plaques, ndlr). Le schéma des rapports sexuels centrés sur la pénétration n’était plus possible et une fois de plus, je me demandais comment m’en passer.

La tournée mondiale que j’avais prévu de faire a été annulée, j’ai repris le travail et j’ai fait un burn-out. Ensuite, c’était comme si le fil reliant mon cerveau à mon entrejambe avait été coupé. En plus de la douleur, j’ai perdu ma capacité à avoir des orgasmes et tout désir sexuel. Tout ce qui m’avait excité jusqu’à présent n’avait plus d’effet sur moi. Mon médecin m’a dit « Parlez à votre neurologue » J’ai envoyé un mail à ma neurologue qui ne m’a jamais répondu (quand, plus tard, je lui ai écrit sur un autre sujet, elle m’a répondu dans les 24 heures), ma gynécologue ne savait pas quoi me dire. Encore une fois, personne n’avait d’aide pour moi et je me suis dit « ça va être ma vie, plus d’orgasmes, plus de désir ? »

Comment j’ai découvert la sexualité non génitale

Après avoir pleuré pendant des mois, je me suis dit “Merde, peut-être que je peux avoir une sexualité différente”. J’ai commencé avec des recherches Google et des comptes Instagram qui parlaient de positivité sexuelle. Deux livres ont changé ma vie : Sexe lent, d’Anne et Jean-François Descombes et Au-delà de la pénétration par Martin Page.

Soudain, j’ai découvert qu’un autre monde était possible. Qu’on pourrait avoir une vie sexuelle différente, qu’on pourrait avoir du plaisir sans chercher à tout prix l’orgasme. A cette époque, j’avais un partenaire très attentif et très ouvert à la découverte et ensemble nous avons commencé nos explorations. J’ai commencé à me concentrer sur mes sensations, découvrant quels nouveaux domaines pourraient me procurer du plaisir.

C’est ainsi que j’ai découvert la sexualité non génitale : une vie intime qui se passe ailleurs que sur le pénis, la vulve ou le vagin, et qui permet de développer une sensibilité dans d’autres domaines. J’ai appris à éprouver un plaisir intense en me faisant toucher la poitrine, les fesses ou le cou, grâce à des massages. Cela a complètement changé ma vision de l’intimité : la question du plaisir est devenue une question plus globale, de toutes les manières d’être connecté aux sensations agréables de mon corps et d’éprouver toutes les manières dont il peut réagir.

Maintenant, pour moi, le plaisir charnel passe par bien plus que ce que l’on considère comme du sexe, et c’est génial ! La question de l’orgasme, quant à elle, est devenue complètement secondaire. Quand mon corps le permet, j’ai aussi une sexualité génitale qui me procure beaucoup de plaisir. Il ne s’agit pas de dire que la sexualité non génitale vaut mieux qu’une sexualité plus conventionnelle, mais plutôt d’ouvrir le champ des possibles !

Aujourd’hui, j’ai 44 ans et je me rends compte que j’ai passé beaucoup trop de temps sous l’emprise des injonctions qui rythment nos sexualités. L’injonction de jouir à tout prix, l’injonction d’avoir une sexualité génitale, l’injonction de coucher ensemble trois fois par semaine, sinon, on ne peut pas être un couple épanoui… Ce que je découvre, c’est qu’il n’y a pas de norme en matière de sexualité, autre que celui que nous voulons construire. Et dans cette démarche, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par des professionnels ! Il existe des sexologues formés pour accompagner les patients sur leurs représentations de la sexualité et le côté émotionnel, d’autres qui peuvent aider sur le côté physiologique, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques.

Ce témoignage a été recueilli et édité par Aïda Djoupa. Avez-vous une histoire à raconter? Écrivez-nous à temoignage@huffingtonpost.fr. Nous vous répondrons avec des instructions !

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Anna

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