« Ma voix a mis du temps à s’installer et à s’identifier »

Chaque jour, une personnalité s’invite dans l’univers d’Élodie Suigo. Lundi 22 avril 2024 : l’auteure, compositrice et interprète, Irma. Elle vient de sortir « House of Cards », le premier single d’un futur projet qui s’appellera « Urban Folk ». Elle sera également sur scène le 11 juin aux Bouffes Parisiens et le 15 mai à l’Élysée Montmartre à Paris.

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L'auteure-compositrice-interprète Irma pose lors d'une séance photo à Paris en mars.  (JOËL SAGET / AFP)

Irma, c’est cet orchestre féminin arrivé d’un coup sur le devant de la scène musicale, d’abord en France, puis en Europe et dans le monde. Son premier album, Lettre au Seigneur a marqué une rencontre et une fusion avec un public conquis au point de devenir producteur via la plateforme MyMajorCompagny.com en 2011. Les albums L’aube (2020) et Douala Paris (2022) suivra. Aujourd’hui, elle est de retour avec Château de cartesc’est le premier single d’un futur projet qui s’intitulera Folk urbain. Elle sera également sur scène le 11 juin aux Bouffes Parisiens et le 15 mai avec Nick Mulvey, à l’Élysée Montmartre, à Paris.

franceinfo : Château de cartes c’est folk et acoustique. Toi et une guitare. Et cette voix, qui se fait davantage entendre. Il a fallu du temps pour entendre cette voix.

Irma : Cela a pris du temps. On a beaucoup parlé, par ailleurs, de cette voix qui a mis du temps à trouver, qui a mis du temps à s’imposer et à s’identifier aussi, mais qui est là, enfin !

Ça aide beaucoup de gens qui vous écoutent, ce voyage, ce chemin de vie, cette façon d’avancer, cette introspection en quelque sorte. Qu’est-ce qui vous fait perdre pied à un moment donné ?

C’est assez paradoxal parce qu’à l’époque tout a explosé, c’était assez fou, parce que j’étais très jeune. Et, le fait d’avoir quelque chose de très exposé d’un coup… Quand les tournées s’arrêtent, quand on est entre deux albums, on se demande : « Mais sans ça, qui suis-je ? » et c’est de là qu’est venue cette réflexion. C’était à un moment où j’avais un peu perdu la voix, au propre comme au figuré, et je me demandais, mais sans tout ça, est-ce que j’existe ?

Pour quoi Château de cartes ?

C’est cette recherche de rapprocher les contraires. « maison« , c’est la chose qui semble solide, construite et « Cartes » car il est très fragile. Il n’y a pas de solidité sans fragilité et vice versa.

« ‘House of Cards’ est une manière de parler d’une rupture qui s’est très mal passée et de montrer à quel point, du jour au lendemain, les choses qui nous paraissent les plus solides peuvent s’effondrer sans que nous n’y puissions rien. il. »

Comme si tu n’avais pas droit au bonheur et c’est assez surprenant car à bien y regarder, ta famille t’a toujours donné des armes. Tes parents t’ont toujours laissé suivre ton chemin, aller à Paris, ce qui n’a pas été facile. Loin de ta sœur qui t’a donné envie d’aller sur MySpace et à qui tu as chanté tes premières chansons. Avec les deux premières personnes qui y croient, hors du cercle familial et qui s’appellent Gad Elmaleh et will.i.am. L’histoire ressemble à un conte de fées. Le vivez-vous comme tel ?

Oui et non. C’est à dire oui, dans le sens où je vis d’un coup ma passion et d’un coup, je peux me lever tous les jours, prendre ma guitare et jouer. Mais c’est là aussi que l’on comprend toutes les impressions que nous laissent les injonctions sociales de toute nature, ou toutes les expériences traumatisantes que nous avons pu vivre, tout ce qui laisse à l’intérieur de nous. C’est qu’au fond, toutes ces choses sur lesquelles je n’ai pas travaillé m’empêchent de vraiment en profiter. Et c’est ce qui est fou à ce moment-là, c’est que je vis toutes ces choses et de l’extérieur, tout semble magique et au fond de moi, c’est un peu infernal. Et je ne comprends pas pourquoi. Surtout, je me dis, tu n’as pas le droit de ne pas aller bien, parce que regarde tout ce qui se passe, regarde tout ce qui t’arrive.

Il n’y a jamais eu de victimisation dans quoi que ce soit de ce que vous avez fait. En plus, c’est quelque chose qu’on fuit, qu’on rejette presque. Pour quoi ?

Il y a une citation de Martin Luther King dont je me souviens toujours : «Les ténèbres ne peuvent pas chasser les ténèbres, seule la lumière peut le faire« C’est quelque chose qui m’a toujours marqué.

« Je me suis toujours dit que ce n’est pas en me concentrant sur ce qui ne va pas que je pourrais apporter de la positivité. C’est comme si je m’étais toujours donné cette mission d’incarner ce que je voulais voir dans le monde. »

Quand on pense musique folk, on pense aussi à Jack Kerouac et donc à son livre Sur la route sorti en 1956. Il y a beaucoup de cela dans votre façon de vivre. N’est-ce pas un résumé de votre vie ?

Totalement. C’est le fait d’être partout chez soi et en même temps de toujours chercher l’autre ou plutôt de se chercher dans l’autre.

Passons à la scène. Vous serez seul sur scène le 11 juin aux Bouffes Parisiens et le 15 mai, à l’Élysée Montmartre à Paris accompagné d’un chanteur américain. Ce sont en réalité deux propositions complètement différentes.

Nick Mulvey est donc un chanteur folk, mais vraiment folk au sens très traditionnel du terme. L’histoire de cette rencontre est assez incroyable car elle n’a eu lieu que virtuellement jusqu’à présent. Quand Château de cartes a touché de plus en plus de monde, je reçois un message de sa part. Il m’écrit qu’il a écouté la chanson et qu’il la trouve superbe, etc. Et qu’il a regardé tout mon travail. Et à ce moment-là, il ne sait pas que pendant les deux années que j’ai passées à New York, il était tout le temps à mes oreilles. Je lui ai répondu : le message que tu viens de m’envoyer est incroyable car tu m’as accompagné pendant deux ans, notamment dans les moments où j’avais besoin de cette paix qu’apporte ta musique. Et à partir de là, il m’a demandé de l’accompagner dans sa tournée européenne.