Malgré la crise en Tunisie, les jeunes inventeurs se démarquent – 10/06/2024 à 08:10

Deux ingénieurs tunisiens, Khaoula Ben Ahmed et Souleima Ben Tamime, assemblent des composants électroniques utilisés dans le nouveau système de fauteuil roulant de leur équipe dans un laboratoire à Tunis, le 6 juin 2024 (AFP/FETHI BELAID)

Un fauteuil roulant contrôlé par le cerveau, la voix ou les grimaces : finaliste d’un prestigieux prix européen, cette invention conçue par quatre ingénieurs tunisiens met en valeur le potentiel de la jeunesse, dans un pays plongé dans la stagnation socio-économique.

Les inventeurs se sont rencontrés à l’Institut supérieur des sciences médicales de Tunis, où ils ont développé le prototype de leur application Moovobrain dès 2017, avant de créer la start-up Gewinner deux ans plus tard.

Cette équipe fait partie des trois lauréats – choisis parmi plus de 550 candidats – du Prix des jeunes inventeurs de l’Office européen des brevets (OEB), un organisme intergouvernemental, qui sera décerné le 9 juillet à Malte.

L’annonce de l’OEB mettant en avant un savoir-faire technologique “made in Tunisie” contraste avec la morosité actuelle du pays, dominé par la crise socio-économique.

La Tunisie est également secouée par de fortes tensions politiques depuis le coup d’État par lequel le président Kais Saied s’est octroyé tous les pouvoirs en 2021.

Chaque année, des milliers de Tunisiens, notamment des jeunes, prennent la mer à la recherche d’une vie meilleure en Europe.

L’inspiration initiale de Moovobrain est venue de Souleima Ben Temime, 28 ans, développeur d’entreprise et co-fondateur, dont l’oncle s’est retrouvé paralysé, également dans la partie supérieure du corps, après un grave accident, et « contraint d’utiliser un fauteuil roulant pour se déplacer” et être assisté à tout moment.

– « Visibilité et crédibilité » –

L’ingénieur tunisien Souleima Ben Tamime teste un prototype du nouveau système de fauteuil roulant de son équipe dans un laboratoire de Tunis, le 6 juin 2024 (AFP / FETHI BELAID)

« Il était devenu complètement dépendant. Les besoins étaient sous mes yeux, j’en ai parlé à mes amis et nous avons décidé d’utiliser les technologies numériques de santé que nous maîtrisons pour fabriquer un produit qui pourrait bénéficier à beaucoup de monde”, raconte-t-elle à l’AFP.

Pour les personnes à mobilité réduite, toute action, même “demander à être tournée vers la télévision”, alors qu’elles “ne peuvent pas parler, n’ont plus d’autonomie, peut devenir très éprouvante sur le plan psychologique”, ajoute Khaoula Ben Ahmed, 28 ans. , co-fondateur et gérant, lors d’une démonstration de chaise à Tunis.

Agés de 28 et 27 ans, Sirine et Ghofrane Ayari (aucun lien de parenté) complètent l’équipe.

“La valeur ajoutée” de cette invention, souligne Khaoula Ben Ahmed, c’est “d’avoir quatre solutions en une : piloter avec une tablette, mais aussi sans bouger les mains en contrôlant avec la voix, et si on en est privé, par les expressions faciales”. comme des grimaces, ou simplement par la pensée”, avec des ondes cérébrales.

Le fait que l’équipe ait atteint la finale du prix Jeunes Inventeurs “nous apportera visibilité et crédibilité” car “il n’est pas toujours facile de convaincre les investisseurs ou les fabricants de fauteuils que notre solution est vraiment innovante et utile pour les personnes à mobilité réduite”, a déclaré Mme Ben Ahmed.

Le Prix des jeunes inventeurs – qui récompense des « inventeurs exceptionnels de moins de 30 ans » – est doté d’un premier prix de 20 000 euros, d’un deuxième de 10 000 euros et d’un troisième de 5 000 euros, précise l’OEB dans un communiqué.

“C’est la première fois qu’une équipe tunisienne et arabe atteint la finale” de ce concours international lancé en 2021, selon l’OEB, qui décernera le même jour son prestigieux Prix de l’inventeur européen.

– “Avantage” –

L’ingénieur tunisien Khaoula Ben Ahmed tient une puce électronique à côté de la télécommande joystick du nouveau système de fauteuil roulant de son équipe dans un laboratoire à Tunis, le 6 juin 2024 (AFP / FETHI BELAID)

Être une femme était plutôt “un avantage” pour ce projet “car nous avons participé à des challenges pour les femmes, nous avons reçu des financements pour les entrepreneurs”, souligne Khaoula Ben Ahmed. Plus de 44% des ingénieurs en Tunisie sont des femmes, selon l’UNESCO, et il existe “un écosystème favorable” aux start-up, note Mme Ben Ahmed, malgré la crise profonde que traverse le pays.

La start-up Gewinner livrera très prochainement les quatre premiers fauteuils équipés de sa technologie à une association de personnes handicapées à Sousse (centre-est de la Tunisie), notamment « pour avoir des +retours+ d’utilisateurs », précise-t-elle.

A l’international, Gewinner vise l’Europe et a déjà noué un partenariat avec un constructeur italien pour une commercialisation à court terme.

Selon les inventeurs, même si chaque chaise intelligente, équipée de leur application, coûte environ 2 000 euros, cette technologie peut être rendue accessible au plus grand nombre, y compris dans les pays les moins aisés.

“En Tunisie, nous avons préparé 30 unités, non pas avec l’idée que ce sera l’utilisateur final qui paiera, mais avec des organisations soutenant des associations qui pourront parrainer l’achat de chaises ou l’adaptation de notre technologie”, souligne Mme. Ben Ahmed.

Louis

A chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées, un article à la fois. 📝🔎

Recent Posts

« Les Portes de Gaza », l’histoire d’une famille survivante des attentats du 7 octobre et le retour de Manu Chao

Dans Tout Public du vendredi 20 septembre, Amir Tibon évoque son récit du conflit israélo-palestinien et de l'attaque du Hamas…

2 minutes ago

« Promouvoir une culture de la paix »

Alors que de nombreuses populations du monde entier sont en proie à des conflits armés, la Journée internationale de la…

3 minutes ago

Faites-vous partie de la « classe moyenne » qui pourrait être épargnée ?

Face à une situation budgétaire jugée « très grave » par Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, des efforts importants…

4 minutes ago

« Il faut avoir le courage d’affronter » la réalité, déplore l’avocat de Gisèle Pelicot

Gisèle Pelicot et l'un de ses avocats, Stéphane Babonneau, le 18 septembre à Avignon. ANTONY PAONE / REUTERS Alors que…

6 minutes ago

Ligue 1 – Angers Sco. Haris Belkebla : « Répéter les efforts, c’est un peu dans mes gènes »

Arrivé à Angers Sco le 18 août dernier, Haris Belkebla a dû patienter près d'un mois avant de disputer son…

11 minutes ago

nous avons écouté « Romance » et « Tout pour moi »

jeIl a fallu trois ans. Trois ans pour réentendre Clara Luciani et ses compositions. Son troisième album, intitulé Mon sang…

14 minutes ago