Marine Le Pen accuse Emmanuel Macron de partage inexistant

POLITIQUE – Malgré les éclaircissements et les démentis des experts sur la question : la polémique sur la dissuasion nucléaire a repris sur ce Pont de l’Ascension. C’est Marine Le Pen elle-même qui a remis une pièce dans la machine, via une plateforme à Le Figaro et commentaires faits à la presse. Comme elle l’avait déjà fait par le passé, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale a accusé Emmanuel Macron de vouloir « partager » la dissuasion nucléaire avec d’autres pays de l’UE.

Qu’un président de la République parle de partage du nucléaire français est vraiment dommage », a fustigé le député du Pas-de-Calais, accusant le chef de l’Etat de vouloir « déposséder les Français de ce qui leur appartient, d’un des éléments essentiels de leur souveraineté et de leur capacité à se défendre “. Une présentation des choses pour le moins trompeuse qui a provoqué la colère du ministre des Armées sur le réseau social X.

La dissuasion nucléaire est un sujet sérieux, qui mérite un traitement approfondi, éclairé et argumenté. L’extrême droite veut créer une polémique électorale : cela ne sert pas les intérêts de la France et ce n’est pas acceptable “, a dénoncé Sébastien Lecornu, affirmant qu’il n’a jamais été question de ” partage » des armes nucléaires comme l’affirme le triple candidat à la présidentielle.

« Intérêts vitaux »

Mais alors, qu’en est-il ? Tout part des propos tenus par Emmanuel Macron, vendredi 2 mai, lorsqu’il évoquait les conditions de l’avènement d’une autonomie stratégique de l’Union européenne en matière de défense. Et voici ce qu’il a dit : « Je suis favorable à l’ouverture de ce débat qui doit donc inclure la défense anti-missile, le tir d’armes à longue portée, les armes nucléaires pour ceux qui en possèdent ou qui ont des armes nucléaires américaines sur leur sol. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège réellement et de manière crédible. »

Une déclaration interprétée par certains dirigeants politiques comme un partage (voire un don) d’armes nucléaires aux partenaires de l’UE. En réalité, Emmanuel Macron n’a rien changé à la doctrine française. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder ce qu’il a dit à la 27e promotion de l’école de guerre en février 2020. » Soyons clairs : les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne. Dans cet esprit, j’espère qu’un dialogue stratégique se développera avec nos partenaires européens qui y sont prêts sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective. », a affirmé le chef de l’Etat.

Cependant, c’est bien en cas d’attaque contre notre” intérêts vitaux » que la France menace de dégainer l’arme ultime, en plus de l’engagement pris dans le cadre de l’article V de la charte de l’Otan concernant l’assistance mutuelle entre pays membres de l’alliance en cas d’attaque. Le tout en restant flou sur le périmètre de notre « intérêts vitaux » pour ne pas inciter l’adversaire à venir tester nos limites.

“Macron n’a jamais appelé au partage”

Mais ensuite, en élargissant le « intérêts vitaux » du pays vers l’espace européen constitue-t-il une rupture ? Pas vraiment, selon plusieurs spécialistes. “ Depuis François Mitterrand, il a toujours été question de prendre acte de la solidarité de plus en plus importante entre les pays membres de l’UE.souligne auprès de l’AFP Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

« Emmanuel Macron n’a jamais appelé au partage de nos armes nucléaires. La dimension européenne » qu’il évoque existe depuis la création de la dissuasion nucléaire française, on en trouve des références dans le Livre Blanc. (en défense) à partir de 1972 Par exemple “, explique à franceinfo Héloïse Fayet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste de la dissuasion nucléaire.

Dans ce document, en effet, qui fait référence et établit la stratégie de défense de la France, on lit précisément ceci : « La France vit dans un réseau d’intérêts qui dépasse ses frontières. Elle n’est pas isolée. L’Europe occidentale dans son ensemble ne peut donc manquer de bénéficier indirectement de la stratégie française qui constitue un facteur de sécurité stable et déterminant en Europe. (…) Nos intérêts vitaux résident dans notre territoire et dans ses approches “. Le président de la République était alors Georges Pompidou.

Sur les réseaux sociaux, cet expert alerter régulièrement sur les raccourcis effectués à ce sujet, que ce soit dans la presse ou dans la classe politique. Cependant, malgré cette évidence pour les initiés, de nombreux politiques imaginent que Paris va soudainement remettre ses codes nucléaires à ses partenaires européens. Comme si l’étendue territoriale de notre « intérêts vitaux » signifiait la fourniture de l’utilisation d’armes nucléaires.

Non seulement ce n’est pas le cas, mais ce concept vise avant tout à répondre aux défis géostratégiques auxquels est confrontée l’UE. Notamment dans la perspective d’une réélection de Donald Trump qui pourrait conduire au retrait du parapluie américain dont bénéficient plusieurs pays européens. ” Il existe un avenir dans lequel les Américains maintiennent leur protection nucléaire et un scénario dans lequel elle est brisée ou disparaît., explique Bruno Tertrais. D’où l’intérêt pour la France, seule puissance nucléaire de l’Union européenne depuis le Brexit, de se projeter sur le sujet.

D’autant qu’il n’existe a priori aucun monde où une frappe chez l’un de nos voisins n’entraînerait pas une réponse automatique de Paris. Ce que résume Bruno Tertrais en ces termes, toujours cités par l’agence de presse : “Il serait pour le moins imprudent qu’un chef d’Etat opposant considère que faire peser une menace très grave sur la Pologne ou la Roumanie (…) ne comporterait aucun risque de mettre en jeu la dissuasion nucléaire française”.

Même son de cloche pour Héloïse Fayet, à franceinfo : « Avec la construction européenne, l’imbrication des intérêts vitaux est si forte qu’on ne peut imaginer que la Pologne, par exemple, soit touchée sans que la France ne le soit au même moment ou peu après. “.

Sur le réseau social X, Sébastien Lecornu a confirmé cette position, conforme à la doctrine de dissuasion nucléaire française. ” Le contexte géostratégique actuel nous appelle à repenser la défense du continent européen, avec nos alliés. La France a fait le choix historique, sous la houlette du général de Gaulle, d’adopter un modèle unique dont le cœur est notre dissuasion. Cela nous permet d’être à l’avant-garde de cet effort collectif. » il expliqua. C’est ce dont Emmanuel Macron entendait débattre. Ce que Marine Le Pen feint de ne pas comprendre.

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Anna

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