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« Mes deux grands-pères m’ont donné le goût de la photographie »


Net ne lui parlez pas de politique ! « Je garde mes distances avec ce monde-là, non pas que cela ne m’intéresse pas, mais ma vie est ailleurs désormais », assure-t-elle. Inutile de lui poser des questions sur l’actualité gouvernementale ou parlementaire. L’aînée des quatre enfants de Valéry Giscard d’Estaing n’a pas l’intention de commenter les soubresauts de la scène politique française.

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Ce matin de juillet où nous la rencontrons dans la galerie photo* qu’elle a ouverte dans la capitale en 2007, elle coupe court à chaque fois que le sujet est abordé. « N’insistez pas », prévient-elle avec un grand sourire. « J’habite loin de tout ça, je vis à Los Angeles presque huit mois par an », s’excuse Valérie-Anne Giscard d’Estaing.

À LIRE AUSSI Rencontre avec Anny Duperey : « Avec les réseaux sociaux, on est passé directement de la désignation à l’exécution » C’est d’ailleurs à Santa Monica qu’elle passe le plus clair de son temps avec son mari, l’éditeur Bernard Fixot. « Nous nous sommes installés là-bas en 2012. À l’époque, Bernard souhaitait développer l’activité d’édition de XO aux États-Unis. Nous lui avons fait comprendre qu’il devait être là-bas… Nous avons donc traversé l’Atlantique », raconte-t-elle.

Ses deux grands enfants étant restés à Paris, Valérie-Anne Giscard d’Estaing découvre les charmes de la Californie. « Je le savais déjà, mais c’est une chose d’y venir en touriste, c’en est une autre d’y vivre », confie-t-elle. La galeriste y a immédiatement ouvert une antenne américaine de son établissement parisien.

Le rêve américain

Installé dans un ancien entrepôt de 600 m22sur Michigan Avenue, dans une gare transformée en centre culturel, le « Bergamot Station Arts Center », Valérie-Anne Giscard d’Estaing multiplie depuis les expositions consacrées à de grands artistes internationaux.

Autrefois spécialisée dans la photographie narrative, sa galerie s’intéresse désormais davantage aux artistes plasticiens qu’aux reporters. Au printemps, elle proposait une série de l’artiste australien Vee Speers qui colorise des photos d’identité judiciaire, donnant vie et humanité aux prisonniers de droit commun des années 1930 à 1950.

Après avoir exposé les séduisants autoportraits de la Chinoise Ziqian Liu, elle a inauguré le 7 septembre à Los Angeles une exposition de l’artiste d’origine brésilienne Mona Kuhn. Kuhn a pris des photos dans une maison mythique de West Hollywood : un bâtiment construit en 1922 dans un style futuriste par Rudolf Schindler (1887-1953), qui y a vécu jusqu’à sa mort.

“Mona a trouvé dans les archives de cet architecte, élève de Frank Lloyd Wright (1867-1959), une lettre d’amour intrigante. Ce texte lui a donné envie d’imaginer la femme à laquelle il était destiné”, explique Valérie-Anne Giscard d’Estaing, qui expose également “hors les murs” (pendant l’été, à la maison Guerlain des Champs-Élysées) et participe à la plupart des grandes foires internationales dédiées à la photographie. L’exposition de rentrée de sa galerie parisienne sera consacrée (à partir du 13 septembre) à la Hollandaise Marie Cécile Thijs, qui présentera des natures mortes et des portraits dans un style inspiré de la peinture flamande du XVIIe siècle.et siècle.

À LIRE AUSSI Rencontre avec Helena Noguerra : « Kundera m’a sauvée des assauts des dragueurs lourds » La photographie a toujours occupé une place importante dans sa vie, confie Valérie-Anne. « Ce sont mes deux grands-pères qui m’ont transmis mon amour de la photographie en me léguant les photographies qu’ils avaient prises sur des plaques de verre », raconte-t-elle. Du côté de son père, Edmond Giscard d’Estaing (1894-1982), haut fonctionnaire, était également écrivain. Du côté de sa mère, François Sauvage de Brantes (1899-1944) était également « un homme très créatif ».

Née en 1953, Valérie-Anne ne l’a pas connu. (Il est mort au camp de Mauthausen où il avait été déporté pour faits de résistance, NDLR). « Ma grand-mère m’a pourtant donné son vieux Rolleiflex. Je l’ai gardé, raconte-t-elle. J’aime me souvenir de cette grand-mère (Aymone de Faucigny-Lucinge, NDLR) dont l’imagination a égayé mon enfance. »

Noms des fleurs

« Passionnée de botanique, elle a eu l’idée de donner à ses filles des prénoms qui rappelaient des noms de fleurs », souligne-t-elle. Les générations suivantes se sont conformées à ce choix. Anne-Aymone (« anémone ») a ainsi prénommé Valérie-Anne (« valériane ») et Jacinte (« jacinthe ») les deux filles qu’elle aurait avec Valéry Giscard d’Estaing. Le moment venu, Valérie-Anne a perpétué cette tradition en prénommant sa fille… Iris.

Mais revenons à la photographie. Après son bac, et bien qu’elle se sente déjà très attirée par le monde de l’art, la jeune Valérie-Anne n’ose pas se tourner tout de suite vers ce domaine. « Par conformisme familial, j’ai commencé par faire Sciences Po », plaisante-t-elle. Elle y est admise à 17 ans et obtient son diplôme en 1974. « Une année mémorable », s’amuse-t-elle, se remémorant son implication dans le comité de soutien de son père. « Je devais préparer les concours de sortie de l’Institut d’études politiques (IEP). Je n’ai pas été très assidue dans mes cours ce mois de mai-là », avoue-t-elle.

Le 19 mai 1974, son père est élu président de la République. Trois jours plus tard, elle passe le « grand oral » qui marque la fin de ses études au lycée de la rue Saint-Guillaume. « Le jury a été très gentil avec moi. Il faut dire que j’y ai rencontré plusieurs hauts fonctionnaires que j’avais rencontrés pendant la campagne électorale », avoue-t-elle.

Dans l’effervescence des jours qui suivent l’accession de son père à l’Élysée, elle est embauchée au ministère de la Culture, dans le cabinet de Michel Guy. Elle y devient l’assistante de Bruno Foucart, alors en charge de la défense du patrimoine historique.

La jeune diplômée y a passé deux années qu’elle qualifie rétrospectivement de très formatrices. « C’était une manière pour moi de faire une transition en douceur entre mon cursus d’origine et le monde de la culture », analyse-t-elle. Valérie-Anne Giscard d’Estaing a alors rencontré de grands photographes : Raymond Depardon, qui avait suivi son père pour un film, réalisé pendant la campagne, mais aussi Jacques Henri Lartigue, « un ami de la famille », dit-elle. C’est lui qui a pris la photo officielle du septennat.

Son souvenir de ce passage au ministère de la Culture est teinté de nostalgie. « Michel Guy a été un très grand ministre. Son action a été immense même s’il n’est resté en poste que quelques mois. Qu’il s’agisse du lancement de la décentralisation dans le domaine culturel, de la création de grandes infrastructures comme le musée Picasso à Paris ou du soutien au spectacle vivant », souligne-t-elle.

Les mémoires de son père

En 1976, un remaniement ministériel met un terme à l’aventure. Valérie-Anne Giscard d’Estaing rejoint alors la maison d’édition Fayard. « J’ai commencé par publier des ouvrages illustrés. Et là encore, j’ai été mise en contact avec de nombreux photographes », souligne-t-elle. Avec son amie, Sylvie Pierre-Brossolette (ancienne rédactrice en chef de Indiquer (alors membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, NDLR), elle se lance également dans l’écriture de livres de cuisine.

« Ils n’apparaissaient que sous notre prénom mais avaient beaucoup de succès, surtout celui qui s’appelait La cuisine des jeunes “, sourit-elle. Suivront de nombreuses autres œuvres traitant de la gastronomie, parfois signées Valérie-Anne Létoile. “Je suis assez gourmande”, avoue la galeriste.

En 1979, elle offre aux Éditions n° 1 un livre intitulé Recettes de mon villageC’est à cette occasion qu’elle rencontre Bernard Fixot. « C’était l’époque des beaux jours de Gault et Millau. Je voulais préserver ce patrimoine culinaire menacé par la mode de la “Nouvelle Cuisine” », explique-t-elle. Ce fut un immense succès.

À LIRE AUSSI Rencontre avec Martin Parr : « J’aime ne pas être là où on m’attend » En attendant, Valérie-Anne Giscard d’Estaing a entamé une nouvelle carrière : celle de productrice. D’abord à la radio, sur Europe 1, mais aussi à la télévision, sur la Une. Elle y programme notamment deux émissions culinaires avec Pierre Bonte et Évelyne Dhéliat : Bon Appétit France Et La Maison de TF1.

La défaite de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 met un terme brutal à cette expérience audiovisuelle. Sa fille ne s’étendra pas sur le sujet. « C’était surtout une période difficile pour mon père », confie-t-elle. Valérie-Anne Giscard d’Estaing se concentre désormais sur l’édition.

SON DIMANCHE IDÉAL : ” EEn famille ou entre amis. Dans la mesure du possible, c’est une journée que j’essaie de rendre chaleureuse et conviviale. Selon la saison et les endroits où je me trouve, je fais du vélo en bord de mer, à Santa Monica, des balades en forêt, dans le Loir-et-Cher. En hiver, je passe beaucoup de temps en cuisine ; en été, dans les festivals.

Son plus grand best-seller est sorti en 1983. C’était le Livre des inventionsElle a vendu plus de 250 000 exemplaires par an pendant deux décennies. L’éditeur publie les trois volumes des mémoires de son père, Pouvoir et vie (1988-2006). Parallèlement, elle gère une collection chez Robert Laffont. « Mais à la fin des années 1990, la librairie a commencé à connaître des difficultés. Notamment le secteur des beaux livres. J’ai alors décidé de me lancer dans une nouvelle aventure. »

De l’édition à la photographie

Elle fonde ensuite l’Agence PhotoXII avec quelques uns de ses amis : Jean-Marie Périer mais aussi Patrick Chauvel. Ainsi que des photojournalistes de Paris Match, dont le directeur Roger Thérond (1924-2001) était proche d’elle. L’agence organise régulièrement des événements. « À chaque fois que nous avions des expositions dans le hall de nos locaux du boulevard de Sébastopol, nous avions une foule immense. C’est ainsi qu’est née l’idée de la Galerie XII », poursuit-elle.

Pourquoi cette référence au chiffre douze dans ces deux noms ? « C’est une coïncidence. J’aime la symbolique de ce chiffre. Il est aussi facile à traduire et à prononcer en anglais. Pourtant, j’ai très tôt voulu me tourner vers l’international. Vous me direz que j’aurais pu l’appeler Photo2000, mais je me suis dit que ce serait vite dépassé. Je crois que j’ai eu raison », confie-t-elle avec humour.

À LIRE AUSSI Rencontre avec Karol Beffa : « Ma vie ressemble un peu à celle d’un moine copiste » L’agence s’installe boulevard Arago, puis dans le Marais. La galerie se dote d’un espace d’exposition attenant. On y découvre les photos « yéyé » de Jean-Marie Périer, Bruno Graziani et Luc Fournol. Le travail de photographes plus conceptuels est également mis en avant, comme celui de Patty Carroll, Clark Pougnaud ou encore de l’artiste néerlandaise Scarlett Hooft Graafland.

Depuis trois ans, une nouvelle génération d’artistes l’a rejoint : Sacha Goldberger, Christopher Thomas, Paolo Ventura, Fabien Ducrot et Quentin Shih. Parmi ses membres figurent de nombreuses femmes : Margaret Lansink, Sabatina Leccia, Charlotte Mano, Patrizia Mussa, Anne Pharel, Vee Speers, Marie Cecile Thijs, Sophie Zénon et Susanne Wellm. « J’ai beaucoup de plaisir à repérer et à soutenir ces créateurs talentueux, explique-t-elle. Les images fixes qu’ils produisent plongent le spectateur dans une forme de rêverie. Leur univers m’enchante. Je trouve que nous développons un rapport plus fort avec l’instantané qu’avec l’image en mouvement. »

Elle-même collectionne-t-elle des photos ? « J’en ai beaucoup. Je ne sais pas si elles forment une collection au sens où elles constituent un ensemble disparate. » Sa préférée ? « C’est toujours délicat de répondre à cette question. Disons, pour ne citer que des artistes que je ne représente pas et pour ne vexer personne, que j’ai deux images de Lartigue et un portrait de mon père, de Manuel Litran, que j’aime beaucoup », dit-elle enfin. Valérie-Anne Giscard d’Estaing n’en dira pas plus. « Dans la famille, on est modeste. »

*Galerie XII à Paris : 14, rue des Jardins Saint-Paul. Site Internet : GalerieXII.com.


Anna

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