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#MeToo au cinéma : une centaine d’artistes réclament « une loi globale » contre les violences sexuelles

A quelques heures de l’ouverture du 77e Festival de Cannes, une centaine de personnalités s’interrogent, dans un article paru dans Le monde, une « loi globale » contre les violences sexuelles, sept ans après le lancement du mouvement #MeToo. Le texte signé par des actrices, comme Isabelle Adjani, Emmanuelle Béart, Judith Godrèche et Juliette Binoche est accompagné d’une pétition initiée par La Fondation des Femmes, #Metoomedia et l’actrice Anna Mouglalis qui était l’invitée de RFI ce mardi au micro d’Anne. Cantinerie.

RFI : Avant de parler plus en détail de votre chronique, j’aimerais qu’on écoute une autre voix qui fait bouger les lignes depuis plusieurs mois. C’est celui de Judith Godrèche. C’est ce qu’elle a déclaré au public lors de la cérémonie des César il y a trois mois : « Je parle depuis un certain temps. Je parle, mais je ne peux pas vous entendre. Ou à peine. Où es-tu ? Que dites-vous ? “Un murmure, un demi-mot, ce serait déjà ça”, dit le Petit Chaperon Rouge. Je sais que c’est effrayant de perdre des subventions, de perdre des rôles, de perdre son emploi. Moi aussi, moi aussi, j’ai peur. » Cette question reste aujourd’hui sans réponse. C’est l’un des points que vous évoquez dans votre chronique, Anna Mouglalis, forte de près de 150 signataires : qui écoute vraiment ?

Anna Mouglalis : Je pense qu’il se passe vraiment quelque chose, dans la mesure où la société civile, l’opinion publique française, est à l’écoute. Et elle bouge. En revanche, nous n’avons pas de réponse concrète en termes de politique publique qui pourrait réellement faire bouger les choses. C’est pourquoi nous nous sommes tous réunis pour demander cette loi globale. On parle, on parle… On a parlé de libération de la parole, puis on a entendu dire qu’il fallait libérer l’écoute. Mais ce que nous demandons n’est pas un confessionnal. Ce sont des actions.

Malgré le courage des victimes, l’impunité grandit “. C’est ce qui est écrit dans cette chronique. Vous demandez, comme vous l’avez dit, une loi globale contre les violences sexuelles et basées sur le genre (SGBV). Que doit prévoir cette loi ?

Je ne vais pas vous détailler la loi, puisque nous laissons cela aux avocats. Il y a déjà 80 propositions qui sont prêtes, qui sont à l’étude. Cette loi n’est pas du tout une utopie, elle est applicable. Je vais vous faire une comparaison très simple : en matière de sécurité routière, quand on a vraiment décidé d’agir, on a imposé les ceintures de sécurité, on a limité la vitesse, on a empêché les gens de conduire en état d’ébriété, il y a eu la création d’un permis à points. Une loi globale signifierait vraiment voir le problème des VSS de cette manière. C’est un problème pour tout le monde : une femme sur trois en est victime dans le monde, et en France aussi. Ces histoires n’arrivent pas qu’aux autres. Le but de ce rassemblement était aussi que nous puissions sortir de l’isolement de toutes ces affaires, ces « grosse affaire » dont on entend parler depuis sept ans (on se demande encore si #Metoo existe en France, mais #Metoo existe bel et bien). Mais ces cas sont systématiquement isolés dans les milieux socioprofessionnels… Là, se rassembler, c’est dire une fois pour toutes que c’est systémique, que c’est absolument dans toute la société française et que c’est intolérable. Nos vies ne sont pas insignifiantes, nos souffrances ne sont pas insignifiantes et nos luttes ne le sont pas non plus. Dans un pays en paix, il est étonnant qu’autant de crimes soient commis contre les femmes.

Et ces crimes sont rendus possibles par tout un système, c’est ce que vous écrivez aussi. Cette violence n’est pas exceptionnelle. Il y a aussi des conséquences, d’où la nécessité de la loi. Vous soulignez un chiffre vraiment très frappant : 94 % des plaintes pour VSS ont été classées sans suite en 2022. Pourquoi est-il si difficile de rendre justice ?

Précisément parce qu’il y a trop d’incertitudes dans la manière dont un juge d’instruction décidera ou non de poursuivre. Car les violences sexuelles ne sont généralement pas commises devant témoin. Pour toutes ces raisons, et puis, parce qu’il y a une grande confusion : on associe le viol à la sexualité. Le viol est une violence. La violence est destructrice. C’est une violence qui utilise la sexualité, mais c’est un crime et surtout une violence. En France, on a aussi cette tendance à penser qu’on est à la pointe en matière de droit, de droits de l’homme… Alors, on ne se pose pas la question. En Espagne, il y a un travail phénoménal qui a été accompli parce que… Eh bien, le mot machiste vient d’Espagne. L’Espagne ne se demande plus si elle est machiste ou pas, elle l’a reconnu. Et elle y travaille…

C’est quelque chose qui manque en France et vous en parlez régulièrement. Vous faites partie de ceux qui ont dénoncé les attaques de Jacques Doillon. Vous avez également remis en question le comportement de Philippe Garrel, tous deux grands réalisateurs français. Malgré les accusations, ils continuent, comme d’autres, à faire des films, parfois même salués dans les festivals. On se souvient par exemple des César décernés à Roman Polanski il y a quelques années, et de la colère que cela a provoqué. La France n’est-elle pas capable de changer de héros ?

La France est tout à fait capable de changer de héros. Il faut désormais que ce soit la France entière. Je vous le dis, j’ai vraiment confiance. La justice française ressemblera à la société française. La société française se mobilise. En Espagne, les grands changements ont aussi été suscités par l’émotion liée à une affaire, l’affaire ” du paquet “, une jeune femme qui a été violée par des hommes qui se décrivaient comme une meute. En première instance, ils n’avaient pas été poursuivis pour viol, même s’ils avaient filmé leur agression et leur viol. Il s’avère qu’ils n’ont reçu que très peu de (peines) La société civile espagnole s’est levée, indignée. Cela a conduit à un autre procès, dans lequel ces personnes ont été condamnées, et à un changement de loi. Souvent, les gens qui lisent des cas sont submergés par l’émotion, mais ensuite, très vite, retomber dans le déni. Il est absolument nécessaire que tous se mobilisent ensemble pour que ce retour au déni ne soit plus possible.

Ce qui manque maintenant, c’est la volonté politique ?

Exactement. Volonté politique. Nous ne voulons plus d’effets d’annonce. La lutte contre les violences faites aux femmes est l’une des causes majeures du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il s’avère que, pour le moment, nous n’avons rien vu. Il faut qu’il y ait des ressources dans cette loi. Il faut lui donner des ressources. Des ressources sont nécessaires pour les associations de base. Les violences sexistes et sexuelles ne sont pas une fatalité. Nous pouvons vraiment agir et y mettre un terme.

Anna

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