Après la découverte du corps de l’archiduc héréditaire d’Autriche Rodolphe de Habsbourg et de sa maîtresse dans le pavillon de chasse de Mayerling, les autorités autrichiennes ont conclu qu’ils s’étaient suicidés. Mais depuis plus de 130 ans, plusieurs historiens pensent qu’ils ont été assassinés. Avec Christine Mondon, auteure, conférencière, germaniste.
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Si un archiduc héritier d’Autriche n’y était pas décédé tragiquement, personne ne connaîtrait le nom de ce qui n’était qu’un simple pavillon de chasse à 35 kilomètres de Vienne : Mayerling. C’est là que le 30 janvier 1889, à 7h30, un valet de chambre découvre les corps du fils unique de l’empereur d’Autriche, Rodolphe de Habsbourg, et de sa maîtresse Marie Vetsera. Ce fut le début de l’un des mystères les plus célèbres de l’histoire. Après avoir tenté de cacher la présence de Marie et fait croire pendant quelques heures que Rodolphe était mort d’une crise cardiaque, l’empereur François-Joseph déclara que son fils s’était suicidé. Même si, quelques heures après le drame, les médecins chargés de l’autopsie ont émis des doutes sur ce qui est jusqu’à aujourd’hui devenu la version officielle du drame de Mayerling.
Si ce n’est pas un suicide, qu’est-ce que c’est ? C’est une question que l’on se pose encore plus de 130 ans après la mort de Rodolphe de Habsbourg et de sa maîtresse à Mayerling. Un sujet qui a inspiré plusieurs films reprenant presque tous la thèse romantique du suicide des deux amants vivant un amour impossible, mais aussi de nombreuses théories du complot plus ou moins graves revues par Christine Mondon, auteur de la biographie Rodolphe de Habsburg, Mayerling ou encore la fin d’un Empire (éditions Bernard Giovanangeli).
Patrice Gélinet : Il faut rappeler pourquoi le drame a inspiré tant de livres, tant de films et à l’époque aussi tant de journaux à travers le monde : c’est qu’à la mort de son père François-Joseph, Rodolphe était tout simplement destiné à régner sur un empire, important en Europe.
Christine Mondon : Comme vous le soulignez, c’était un immense empire. La dynastie des Habsbourg était la plus puissante d’Europe et c’est à Love Bourg que se décida l’histoire. Et Rodolphe n’était pas n’importe qui. Il était l’unique héritier de l’empereur d’Autriche-Hongrie François-Joseph et de son épouse, l’impératrice Elisabeth, dite Sissi. L’Empire austro-hongrois a été ébranlé par la tragédie de Mayerling et cette tragédie n’a cessé d’inspirer les historiens, les romanciers et les cinéastes. Et cela fait partie des mythes historiques. Et tous les ingrédients sont en effet réunis pour créer un mythe qui résiste au temps et la preuve en est qu’on en parle encore aujourd’hui et on se demande ce qui a bien pu se passer le 30 janvier 1889 à Mayerling.
Que s’est-il passé exactement entre le 29 et le 30 janvier 1889 ?
Les témoignages doivent donc être pris avec la plus grande prudence. Personne ne sait comment s’est déroulée la journée. Les deux amoureux d’en face se retrouvent dans une auberge, le Red Grange Inn. Ils arrivent dans des taxis différents. Marie arrive incognito et est amenée dans sa chambre par le domestique Loschek. Il y a peu de témoins. Les témoins sont Loschek le serviteur, Bratfisch le cocher. Et puis il y a le prétexte de la partie de chasse. Deux invités doivent se rendre chez Mayerling, le comte Hoyos et Philippe de Cobourg qui est le beau-frère de Rodolphe. Et le 29, Rodolphe ne participe pas à la chasse. Il s’excuse pour avoir un rhume et il ne se rend pas non plus au dîner organisé pour les fiançailles de sa sœur Marie Valérie avec François Salvator de Toscane. Il feint à nouveau d’avoir contracté un rhume, ce qui l’empêche de se rendre à Vienne. Alors, qu’est-ce-qu’il s’est passé? Voulait-il rester seul avec Marie ? On sait qu’il a dîné avec Hoyos, qu’il s’est retiré dans sa chambre à 21 heures, que Bratfisch leur a chanté des chansons, notamment la chanson Il n’y a qu’une seule Vienne et puis Bratfisch s’est retiré à 11 heures du matin et Rudolf a dit que personne ne devait être amené, même l’empereur. Alors toutes les hypothèses sont possibles.
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Producteur : Patrice Gélinet
Réalisateur : Gilles Blanchard
Documentaliste/Chargée de production : Juliette Marcaillou
Technicien : Grégory Wallon