LLe plus dur commence. A peine nommé à Matignon, où il a promis « des changements et des ruptures », le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, doit désormais s’atteler à former un gouvernement capable de démontrer sa capacité à rassembler et à s’émanciper d’Emmanuel Macron.
Et maintenant, « mettons-nous au travail ». Jeudi 5 septembre, le cliché qui conclut tous les discours sur la passation du pouvoir avait des allures de défi pour Michel Barnier dans la cour de Matignon. Chargé par le président de la République de « former un gouvernement rassembleur au service du pays », le Savoyard de 73 ans sait déjà qu’il est en sursis et devra trouver les bons équilibres pour éviter de tomber à la première motion de censure.
Sans attendre, il a multiplié les coups de fil avant même sa prise de fonction, selon son entourage : Édouard Philippe, François Bayrou, Laurent Wauquiez, mais aussi Nicolas Sarkozy, ainsi que la présidente récemment réélue de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et celle du Sénat, Gérard Larcher. Dès ce vendredi 6 septembre au matin, il recevra les dirigeants de son propre parti, Les Républicains (LR), pour examiner les conditions de participation à sa future équipe.
« Certaines personnalités de gauche » ont également été contactées et d’autres discussions devaient suivre, notamment avec La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), car « il veut rassembler tout le monde et les respecter ». Le nouveau Premier ministre lui-même a proposé une aide dans son premier discours : « Il faudra beaucoup d’écoute » et « respecter toutes les forces politiques qui sont représentées » au Parlement. Car, selon lui, « le sectarisme est un signe de faiblesse : quand on est sectaire, c’est qu’on n’est pas sûr de ses idées ».
La « vérité » sur la « dette financière et écologique »
Les plans de Michel Barnier restent encore à préciser. Il a simplement assuré que « l’école restera la priorité du gouvernement », au même titre que d’autres chantiers, dont « l’accès aux services publics », « la sécurité au quotidien », « la maîtrise de l’immigration », ou encore le travail et le pouvoir d’achat. Une feuille de route a priori consensuelle, même si Michel Barnier a promis « des changements et des ruptures » et laissé entrevoir des choix difficiles avec la volonté affichée de « dire la vérité » sur « la dette financière et écologique ».
Reste à savoir qui acceptera de monter à bord. Pas le RN, qui « ne participera pas » au gouvernement Barnier mais a « posé des conditions », a affirmé Marine Le Pen, dont les 126 députés détiennent la clé d’une éventuelle censure.
On découvre un Premier ministre nommé avec l’accord du RN.
C’est le gouvernement de M. Macron et Mme Le Pen. Ils ont déjà pris des engagements pour faire accepter le budget préparé dans l’ombre par les ministres démissionnaires.#MacronDestitution pic.twitter.com/iIrWrQW2vV
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 5 septembre 2024
Pas la gauche non plus, qui, de Jean-Luc Mélenchon à Carole Delga, a aussitôt fustigé ce « Premier ministre nommé avec la permission du RN » et de facto « aux mains des groupes parlementaires d’extrême droite ». Ce qui conforte LFI dans sa procédure de destitution engagée contre Emmanuel Macron, doublée d’appels à manifester dans plusieurs villes samedi 7 septembre.
Distance affichée avec le président
Restent donc les membres de l’ancienne majorité, qui seront « nombreux à aider » le nouveau Premier ministre, selon l’un de ses prédécesseurs, Édouard Philippe. Pas vraiment idéal toutefois pour incarner les « ruptures » annoncées. Michel Barnier, toujours membre des Républicains (LR), peut aussi compter sur sa famille politique. « C’est quelqu’un de notre pays, on va pouvoir dialoguer avec lui facilement », se réjouit la secrétaire générale du parti de droite, Annie Genevard.
Les députés du groupe centriste Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) affichent également de la bonne volonté envers ce « politicien à forte expérience » qui « correspond en partie au profil » qu’ils souhaitaient, à condition que « la composition du futur gouvernement et (ses) orientations marquent un changement de méthodes et de direction ».
Le nouveau locataire de Matignon a ses propres critères. « Il veut des ministres forts, compétents et efficaces », indique son entourage, et « il aura la liberté » de les choisir. Tout comme pour son directeur de cabinet, un poste éminemment stratégique : « Ce sera M. Barnier seul et lui-même qui décidera. »
Comme pour mieux marquer son éloignement du chef de l’Etat, il n’était prévu « ni rencontre ni dîner » jeudi soir entre les deux hommes. Il leur faudra toutefois reprendre rapidement les pourparlers pour valider le casting gouvernemental et boucler un budget 2025 à haut risque. Et inventer une relation inédite, non pas de cohabitation mais de « coexistence exigeante », selon l’entourage du président.