Il le répète à l’envi. Depuis sa nomination mercredi dernier, impossible de ne pas voir Michel Barnier dans les mots « Montagnard » ou « Paysan ». « J’ai le calme des vieilles troupes et des montagnards », rassurait-il, il y a quelques jours, à la Tribune du Dimanche. « Ne soyez pas impatients… Je suis un paysan, un montagnard, un pas après l’autre », répondait-il au sujet de la date de formation du gouvernement.
Des adjectifs ou des éléments de langage qui ne sont pas nouveaux. Il y a trente ans, interrogé devant le Sénat en tant que ministre de l’Environnement, Michel Barnier évoquait déjà son « bon sens d’agriculteur de montagne » et se revendiquait à plusieurs reprises « montagnard ». Même chose en 2004, lorsqu’il évoquait l’élargissement de l’UE : « Dans ces derniers mètres avant le sommet, en bon montagnard, j’ai pleine confiance dans la présidence irlandaise qui nous a patiemment guidés jusqu’à cette altitude », disait-il lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères. Neuf ans plus tard, « il est sobre, montagnard », assume Barnier dans un portrait dressé par Libération.
Bref, Michel Barnier répète depuis des décennies qu’il est un alpiniste. Et ça marche, puisque l’adjectif est accolé à son nom année après année dans les médias.
Michel Barnier est un alpiniste. Il prend son temps pour être sûr d’atteindre le sommet. Cela peut prendre du temps mais il y arrive comme pour le Brexit. Sauf que cette fois le temps n’est pas contre les Anglais mais contre lui https://t.co/lZ8bQMJW1t
-Gauthier Le Bret (@GauthierBret) 6 septembre 2024
Emmanuel Macron choisit l’ancien et très expérimenté commissaire européen Michel Barnier, un alpiniste, tendance LR, pour gravir la montagne budgétaire et échapper à la censure #1er Ministre
— Bruno Jeudy (@JeudyBruno) 5 septembre 2024
Un père industriel, une mère catholique engagée
Une métaphore qui peut parfois avoir un effet boomerang, puisque ses adversaires qui le surnommeraient « l’idiot des Alpes », croyaient la presse suisse en 2017. Des expressions qui font directement référence aux départements où il a grandi : l’Isère, où il est né, puis la Savoie, où il a grandi entre Albertville et Bourg-Saint-Maurice. Pourtant, le parcours de Michel Barnier semble bien loin de celui d’un montagnard ou d’un agriculteur.
Son père, aujourd’hui décédé, était patron d’un petit commerce local et sa mère, également décédée, était une catholique engagée et féministe, qui avait fondé la Ligue contre la violence routière de Haute-Savoie après un drame personnel.
Etudes à Lyon puis dans une prestigieuse école à Paris
Il se dirige rapidement vers Lyon pour ses études secondaires, puis vers Paris pour poursuivre ses études et intégrer l’École supérieure de commerce de Paris aux côtés de Jean-Pierre Raffarin, prestigieuse école considérée comme la plus ancienne école de commerce et de management au monde, dont il sort diplômé à 21 ans.
A 20 ans, encore étudiant, il donne sa première interview télévisée, en tant que membre du haut comité de la jeunesse, des sports et des loisirs, créé par le président quelques mois plus tôt. Car Barnier s’intéresse à la politique depuis l’âge de 14 ans.
Coprésident du comité d’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 1992
Michel Barnier se consacre ensuite à la politique, où il gravit rapidement les échelons. Un an après avoir terminé ses études, il est nommé chargé de mission dans un cabinet ministériel, puis devient à 22 ans le plus jeune conseiller général de France, en étant élu en Savoie. Parallèlement, il enchaîne les postes de conseiller dans les ministères à Paris, jusqu’à être élu à 27 ans, le plus jeune député, toujours en Savoie. De quoi garder un lien avec sa montagne.
Un lien avec la montagne qu’il renforcera en coprésidant le comité d’organisation des JO d’hiver d’Albertville, de 1982 à leur organisation en 1992. Un projet qui s’est concrétisé autour d’une “fondue ou raclette” à Val d’Isère avec Jean-Claude Killy, raconte-t-il à l’Équipe.
Une carrière passée principalement entre Paris et Bruxelles
A partir de 1993, il exerce une série de fonctions qui l’éloignent de la Savoie : ministre, sénateur, commissaire européen, député européen, vice-président de la Commission européenne puis négociateur du Brexit. En 31 ans, seulement quatre années ne sont pas occupées par des fonctions nationales ou européennes.
Années notamment occupées par un poste au Conseil d’Etat et comme vice-président d’une holding regroupant un groupe de sociétés dans le domaine de la biologie ou encore comme conseiller spécial pour la politique de défense et de sécurité auprès de la Commission européenne.
Il entretient son lien avec la montagne et la Savoie, dans les médias, en posant notamment pour Paris Match dans son village de Saint-Martin-de-Belleville, à l’occasion de la primaire LR 2021, ou en postant différentes photos du village les jours où il s’y rend pour voter, confiait-il en 2021 à un journaliste le suivant dans le cadre de la campagne des primaires.
Quant au lien avec le monde agricole qu’il revendique, Michel Barnier a bien sûr été ministre de l’Agriculture et de la Pêche pendant deux ans entre 2007 et 2009. Concernant les origines, le blog Geneanet ne retrouve des professions liées au monde agricole que chez certains ancêtres remontant à plusieurs générations en arrière, principalement du côté maternel. Suffisant pour être qualifié d’agriculteur ?