A Marseille, entre 150 et 200 personnes se disant mineures dorment dehors. Le département doit les prendre en charge, mais se dit débordé et prêt à se mettre « hors la loi » en les refusant. En France, 16 700 mineurs étrangers sont arrivés en 2019 et 14 700 en 2022, après une baisse pendant les années Covid. (Rediffusion)
Dans le hall d’un bel immeuble du boulevard Longchamp à Marseille, un brouhaha monte des escaliers. Au bas des marches, des néons scintillent et tentent d’éclairer les deux salles exiguës du sous-sol. Une cinquantaine de jeunes attendent de rejoindre l’un des deux bénévoles. Et hier c’était pire ! ” crie Monique Cherel à l’autre bout de la cave.
Deux fois par semaine, le Collectif 59 Saint-Just oriente les jeunes, fait le point sur leur situation, distribue des cartes téléphoniques. Parfois aussi, des bons d’alimentation de l’Abbé Pierre. C’est en réalité ce que beaucoup de jeunes sont venus chercher. Je n’ai pas mangé depuis hier… « Mais Monique n’a plus de billet, tout a été distribué la veille. » Je sais, j’y étais. Mais nous étions trop nombreux, je n’en avais pas.. »
Leurs visages sont creusés, parfois à l’extrême, leurs yeux sont rouges, leur regard est vide. Un jeune garçon saute de haut en bas de manière compulsive. Tu n’as pas besoin de parler, regarde juste leurs visages :tu vois que ça ne va pas bien “, murmure un garçon. Incapables de manger, ils tentent de se réchauffer. Entre 150 et 200 personnes dorment dans la rue ou dans des squats à Marseille, selon les collectifs.
Une majorité, reconnue mineure en appel
Les jeunes se succèdent devant « Madame Catherine » qui remplit des cartes : « Quel âge as-tu ? Où dors-tu ? ? » Alassane* a 16 ans, il dort sous une tente. Je vais faire une demande d’avocat pour vous. Vous avez déjà fait l’évaluation de votre minorité avec l’Addap 13 ? »
Addap 13 est l’association mandatée par le département des Bouches-du-Rhône (13) pour prendre en charge les mineurs non accompagnés (MNA). Mais ici comme ailleurs, les départements sont débordés. Pourtant, en 2022, le nombre de MNA est inférieur à celui de 2019, avant la crise sanitaire. De 16 700 à 14 700.
Lorsqu’une place se libère, les jeunes sont hébergés dans un hôtel puis convoqués pour effectuer une « évaluation », au cours de laquelle le Département vérifie qu’ils sont mineurs. David Lemonnier, directeur général adjoint de l’Addap 13, admet que la plupart des évaluations aboutissent à « une évaluation de la minorité ». la majorité » : 7 jeunes sur 10 seront refusés en 2022.
Politique de découragement
Ces jeunes attendent ensuite que leur demande de statut de minorité soit réévaluée par le juge des enfants. En appel, 75 % d’entre eux finissent par obtenir gain de cause, selon les associations. politique de découragement “, selon Jeanne, du collectif 113. Ils ne sont pas les bienvenus :ils sont déclarés majeurs afin qu’ils puissent quitter le territoire. « Le sérieux des évaluations est également contesté. Sur celle de Moussa*, il est écrit : » La personne concernée ne semble pas intimidée par l’évaluateur (…)son langage et sa posture ne sont pas ceux d’un adolescent mais d’un adulte (…)Il n’a pas les caractéristiques physiques d’un adolescent de 15 ans. années. « Sur la dernière page du dossier, la photocopie intégrale de son acte de naissance.
David Lemonnier réfute toute subjectivité : « Nous sommes régulièrement contrôlés et la procédure est conforme. Et l’Addap 13 n’a aucune instruction du Département. “Mais pour Marlène Youchenko, avocate, le fait que les services soient juges et parties pose un problème d’impartialité.
En attendant leur appel, les jeunes ne sont plus protégés, à moins que le juge des mineurs ne rende une ordonnance de placement, ce qui arrive de moins en moins souvent, déplore l’avocat. Juridiquement, c’est une faille dans le système. “, admet David Lemonnier. ” Ils passent six dans un mois ou un an, dénonce Jeanne. Sans les bénévoles, ils mourraient et seraient la proie de toutes sortes de trafics. Il s’agit là d’une non-assistance à personne en danger. »
Crise d’accueil
Un bras de fer a déjà lieu entre les départements et l’Etat. L’Ain (01) a indiqué qu’il n’accepterait plus de mineurs isolés pendant trois mois. Martine Vassal, présidente du Conseil départemental (13) est prête à se mettre ” interdire “Ce ne serait pas la première fois : elle a déjà été condamnée à plusieurs reprises par le tribunal administratif. La question des mineurs isolés ne figure pas dans la loi sur l’immigration, ce que déplore l’Assemblée des départements de France (ADF). Gérald Darmanin leur a promis une aide financière.
La question des moyens est indéniable. Mais les groupes dénoncent unanimement un manque de volonté politique, tandis que Martine Vassal revendique des positions anti-immigration fortes. En septembre, avant l’arrivée du pape à Marseille, 40 jeunes ont occupé une église. Pour éviter le scandale, le département les a relogés en quelques jours. On entend parler de « crise migratoire », mais en réalité il s’agit d’une crise d’accueil “, croit Jeanne.
Au milieu du champ de bataille, les jeunes tentent de ne pas mourir. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur “, murmure Joël*, assis dans la cave du boulevard Longchamp. Après avoir quitté sa famille, traversé le désert et la mer sur une embarcation de fortune, il ne pensait pas dormir à la gare. Là, des inconnus nous donnent 5 euros pour manger. Le lendemain, ils reviennent et nous proposent de nous vendre de la drogue. Nous refusons, mais comment allons-nous manger ? ? « À l’autre bout de la cave, tel un disque fatigué, Monique Chérel répète sans cesse : » Nous n’avons pas de billets aujourd’hui ! « Mais les jeunes ne l’entendent pas : » Nous avons besoin d’aide “, implorent-ils en se passant une boîte de Nesquik trouvée on ne sait où, qu’ils vident à pleines poignées affamées.
*noms d’emprunt.
A Marseille, entre 150 et 200 personnes se disant mineures dorment dehors. Le département doit les prendre en charge, mais se dit débordé et prêt à se mettre « hors la loi » en les refusant. En France, 16 700 mineurs étrangers sont arrivés en 2019 et 14 700 en 2022, après une baisse pendant les années Covid. (Rediffusion)
Dans le hall d’un bel immeuble du boulevard Longchamp à Marseille, un brouhaha monte des escaliers. Au bas des marches, des néons scintillent et tentent d’éclairer les deux salles exiguës du sous-sol. Une cinquantaine de jeunes attendent de rejoindre l’un des deux bénévoles. Et hier c’était pire ! ” crie Monique Cherel à l’autre bout de la cave.
Deux fois par semaine, le Collectif 59 Saint-Just oriente les jeunes, fait le point sur leur situation, distribue des cartes téléphoniques. Parfois aussi, des bons d’alimentation de l’Abbé Pierre. C’est en réalité ce que beaucoup de jeunes sont venus chercher. Je n’ai pas mangé depuis hier… « Mais Monique n’a plus de billet, tout a été distribué la veille. » Je sais, j’y étais. Mais nous étions trop nombreux, je n’en avais pas.. »
Leurs visages sont creusés, parfois à l’extrême, leurs yeux sont rouges, leur regard est vide. Un jeune garçon saute de haut en bas de manière compulsive. Tu n’as pas besoin de parler, regarde juste leurs visages :tu vois que ça ne va pas bien “, murmure un garçon. Incapables de manger, ils tentent de se réchauffer. Entre 150 et 200 personnes dorment dans la rue ou dans des squats à Marseille, selon les collectifs.
Une majorité, reconnue mineure en appel
Les jeunes se succèdent devant « Madame Catherine » qui remplit des cartes : « Quel âge as-tu ? Où dors-tu ? ? » Alassane* a 16 ans, il dort sous une tente. Je vais faire une demande d’avocat pour vous. Vous avez déjà fait l’évaluation de votre minorité avec l’Addap 13 ? »
Addap 13 est l’association mandatée par le département des Bouches-du-Rhône (13) pour prendre en charge les mineurs non accompagnés (MNA). Mais ici comme ailleurs, les départements sont débordés. Pourtant, en 2022, le nombre de MNA est inférieur à celui de 2019, avant la crise sanitaire. De 16 700 à 14 700.
Lorsqu’une place se libère, les jeunes sont hébergés dans un hôtel puis convoqués pour effectuer une « évaluation », au cours de laquelle le Département vérifie qu’ils sont mineurs. David Lemonnier, directeur général adjoint de l’Addap 13, admet que la plupart des évaluations aboutissent à « une évaluation de la minorité ». la majorité » : 7 jeunes sur 10 seront refusés en 2022.
Politique de découragement
Ces jeunes attendent ensuite que leur demande de statut de minorité soit réévaluée par le juge des enfants. En appel, 75 % d’entre eux finissent par obtenir gain de cause, selon les associations. politique de découragement “, selon Jeanne, du collectif 113. Ils ne sont pas les bienvenus :ils sont déclarés majeurs afin qu’ils puissent quitter le territoire. « Le sérieux des évaluations est également contesté. Sur celle de Moussa*, il est écrit : » La personne concernée ne semble pas intimidée par l’évaluateur (…)son langage et sa posture ne sont pas ceux d’un adolescent mais d’un adulte (…)Il n’a pas les caractéristiques physiques d’un adolescent de 15 ans. années. « Sur la dernière page du dossier, la photocopie intégrale de son acte de naissance.
David Lemonnier réfute toute subjectivité : « Nous sommes régulièrement contrôlés et la procédure est conforme. Et l’Addap 13 n’a aucune instruction du Département. “Mais pour Marlène Youchenko, avocate, le fait que les services soient juges et parties pose un problème d’impartialité.
En attendant leur appel, les jeunes ne sont plus protégés, à moins que le juge des mineurs ne rende une ordonnance de placement, ce qui arrive de moins en moins souvent, déplore l’avocat. Juridiquement, c’est une faille dans le système. “, admet David Lemonnier. ” Ils passent six dans un mois ou un an, dénonce Jeanne. Sans les bénévoles, ils mourraient et seraient la proie de toutes sortes de trafics. Il s’agit là d’une non-assistance à personne en danger. »
Crise d’accueil
Un bras de fer a déjà lieu entre les départements et l’Etat. L’Ain (01) a indiqué qu’il n’accepterait plus de mineurs isolés pendant trois mois. Martine Vassal, présidente du Conseil départemental (13) est prête à se mettre ” interdire “Ce ne serait pas la première fois : elle a déjà été condamnée à plusieurs reprises par le tribunal administratif. La question des mineurs isolés ne figure pas dans la loi sur l’immigration, ce que déplore l’Assemblée des départements de France (ADF). Gérald Darmanin leur a promis une aide financière.
La question des moyens est indéniable. Mais les groupes dénoncent unanimement un manque de volonté politique, tandis que Martine Vassal revendique des positions anti-immigration fortes. En septembre, avant l’arrivée du pape à Marseille, 40 jeunes ont occupé une église. Pour éviter le scandale, le département les a relogés en quelques jours. On entend parler de « crise migratoire », mais en réalité il s’agit d’une crise d’accueil “, croit Jeanne.
Au milieu du champ de bataille, les jeunes tentent de ne pas mourir. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur “, murmure Joël*, assis dans la cave du boulevard Longchamp. Après avoir quitté sa famille, traversé le désert et la mer sur une embarcation de fortune, il ne pensait pas dormir à la gare. Là, des inconnus nous donnent 5 euros pour manger. Le lendemain, ils reviennent et nous proposent de nous vendre de la drogue. Nous refusons, mais comment allons-nous manger ? ? « À l’autre bout de la cave, tel un disque fatigué, Monique Chérel répète sans cesse : » Nous n’avons pas de billets aujourd’hui ! « Mais les jeunes ne l’entendent pas : » Nous avons besoin d’aide “, implorent-ils en se passant une boîte de Nesquik trouvée on ne sait où, qu’ils vident à pleines poignées affamées.
*noms d’emprunt.