Livre. “Ce n’est pas possible d’être aussi idiot !” » C’est alors qu’elle réalise enfin son rêve de pouvoir écrire à plein temps, sans courir après le temps libre, que Mona Chollet prend conscience de cette petite voix insultante qui la tyrannise quoi qu’elle fasse. Dans son dernier essai, Résister à la culpabilité, les attaques réussies des essayistes « à notre habitude de nous disqualifier, de nous attaquer sans relâche ; à notre conviction que nos manières spontanées d’exister sont toujours erronées ; que nous ne méritons rien de bon”.
Elle entend combattre cette voix intérieure qui ne nous rend pas meilleurs et nous écrase, nous empêche, nous humilie parfois, et “ ronge notre être de l’intérieur comme si les aléas de la vie ne s’en occupaient pas déjà assez “. Ainsi, nous nous chargeons de travailleuses insuffisamment productives, de consommatrices pas toujours responsables, de militantes pas toujours suffisamment engagées et, évidemment, sur le plan ontologique, en tant que femmes et en tant que mères. Il y a là, estime à juste titre Mona Chollet, un « continent psychique » à émerger.
Que cette voix intérieure, qui semble si intime, n’appartienne pas seulement à soi-même, c’est une évidence. C’est moins vrai si nous ne le soumettons pas avec des « mantras » positifs sur sa valeur intrinsèque. Comme elle l’a fait avec Réinventer l’amour (Zones, 2021), Mona Chollet reprend une question essentiellement abordée par le domaine du développement personnel – qu’elle tient aussi à défendre – pour l’observer sous un angle plus sociétal.
Qui nous parle quand nous croyons nous parler à nous-mêmes ? Elle identifie plusieurs sources à ce refrain malveillant. Culture chrétienne – comment y échapper ? –, et plus particulièrement saint Augustin qui, triomphant de croyances concurrentes, a fait du péché originel une doctrine fondamentale de l’Église. C’est l’humain coupable depuis sa naissance. Là « diabolisation des enfants » C’est une évidence : contrairement à l’éducation positive que l’on croit dominante, ils sont souvent considérés comme de petits êtres maléfiques qu’il convient de dresser pour ne pas devenir rois, au mépris de leurs émotions.
La culture de la performance, du surmenage, qui nous pousse à l’auto-exploitation, nous culpabilise de nous reposer, d’être malade ou tout simplement improductif. Celle de l’individualisme encore, qui nous rend personnellement responsables des malheurs dont nous souffrons, alors que les causes nous dépassent largement.
Dans un chapitre intelligent sur le “ pureté militante »qu’elle considère largement imprégné de« l’éthos religieux »l’auteur déplore le détournement d’un idéal progressiste d’ouverture aux sensibilités de chacun en un outil de surveillance (traque “ privilèges »aux expressions malheureuses, voire, en soi, aux pensées impures). “ Je suis convaincu que la culpabilité est un sentiment stérile, qu’il ne produit rien de valeur pour personne. »elle écrit dans des pages sensibles sur le droit au bonheur dans un monde qui va si mal.
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