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ne laissons pas les « huit de Bakou » dans les ténèbres de la tyrannie d’Aliev


LLa force des démocraties est de pouvoir affronter, avec modération et intelligence, des menaces simultanées, de savoir mobiliser les convictions morales et l’efficacité pratique, de pouvoir nommer les situations et d’agir de manière décisive. C’est au milieu de tous ces combats qu’ils parviennent même à reprendre confiance en eux et à s’armer pour survivre aux plus grands dangers. Des victoires sont alors possibles, qui commencent par le refus de la soumission à la violence des États agresseurs et à la discorde des mouvements internes aveugles à la terreur des tyrannies.

Ces luttes auxquelles ils doivent faire face se multiplient. Il est possible de les mener de front en donnant à chacun les efforts qu’ils méritent : soutien sans faille à l’Ukraine qui défend la liberté européenne, engagement pour la paix au Moyen-Orient et la création de deux États comme le voulaient Arafat et Rabin, trahis par le Hamas et Netanyahou ; le choix de la vérité face au génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda et les responsabilités de la France et de ses alliés ; la défense de l’Arménie et des Arméniens menaçaient de disparaître dans le Caucase comme ils l’étaient en 1915 dans l’Empire Ottoman.

La tyrannie politique des Jeunes Turcs unionistes

Des progrès indéniables ont été accomplis, il y a à peine deux semaines, pour la connaissance et la reconnaissance de la destruction de la minorité tutsie, rendue possible par le soutien de la France au régime extrémiste préparant ce génocide et largement facilitée par l’abandon de la communauté internationale.

C’était en faveur du 30e commémoration de cet événement qui a défié l’entendement, le monde disposant en effet d’instruments de droit, de moyens de connaissance comme la connaissance des génocides des Arméniens et des Juifs d’Europe, et même de forces armées internationales qui auraient pu être utilisées contre les génocidaires – et de manière décisive.

LIRE AUSSI Arménie, civilisation en dangerEt voici, ce 24 avril, la commémoration du premier génocide au monde, si l’on excepte celui des Herero et des Nama en 1904, qui est lié à la logique extrême de la colonisation européenne. Le 24 avril 1915 commença l’extermination des Arméniens par le régime moderne de tyrannie politique des Jeunes Turcs unionistes.

Cette phase paroxystique de destruction, qui dura jusqu’en 1917, et entraîna la mort d’un million et demi d’êtres humains dans des conditions d’atrocités inimaginables, fut achevée, comme le démontre en 2023 l’historien Raymond H. Kvorkian, par le mouvement national de Mustafa Kemal à l’origine de la création de l’actuelle République de Turquie. Un déni organisé, un négationnisme d’État s’y sont instaurés qui contredisaient souvent le prétendu justificationnisme de l’élimination de « l’ennemi » arménien.

Renonciation à la justice et à la vérité

Cette phase de 1915-1917 fut elle-même précédée d’un processus génocidaire identifié par de « grands massacres » à la fin du XIXe siècle.e siècle. Jean Jaurès avertissait en 1896 devant les députés français, presque seul avec Denys Cochin – son collègue issu des rangs de la droite libérale catholique – qu’une « guerre d’extermination » avait commencé contre les Arméniens.

Les intellectuels qui s’engageaient alors dans la défense de ces populations ottomanes systématiquement massacrées – à cause de la religion et bientôt de la « race » arménienne – se mobilisèrent en grande majorité, quelques mois plus tard, pour sauver le capitaine Dreyfus dans l’affaire qui portera son nom. nom.

LIRE AUSSI Le Haut-Karabakh verse des larmesA partir de cette époque, les Arméniens entrent pleinement dans l’histoire de France et en écrivent quelques-unes des plus belles pages. La panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian le 21 février a rappelé leur rôle essentiel dans la France résistante, fraternelle et démocratique. Le monde avait pourtant abandonné les Arméniens à leur terrible sort non sans avoir constaté, le 25 mai 1915, avec l’Empire russe et la Grande-Bretagne, « les crimes de la Turquie contre l’humanité et la civilisation ».

Si le vice-amiral Louis Dartige du Fournet décidait seul, avec les marines et les canons de son escadre, de sauver les Arméniens combattant sur les pentes du mont Musa Dagh, les gouvernements des puissances occidentales, bien qu’ayant conquis les empires centraux, a renoncé à la justice et même à la vérité dues aux Arméniens.

Il n’y aura pas de justice pénale internationale pour les criminels Jeunes-Turcs, ni d’État arménien pour accueillir les survivants, ni même de foyer national arménien comme en Cilicie, que la France offre aux nationalistes turcs. Le désespoir arménien, face au silence de l’humanité, est allé jusqu’à conduire certains militants à la lutte armée et pour certains au terrorisme dans les années 1980.

Guerre contre la liberté des personnes

Loin de la France et de l’Europe, le renouveau de la souveraineté arménienne dans le Caucase, avec l’indépendance de l’ex-République soviétique d’Arménie en 1991, avec la guerre victorieuse contre l’Azerbaïdjan menaçant les Arméniens de l’enclave du Haut-Karabakh s’est terminée le 9 novembre. 2020. C’est la défaite de cette petite République d’Artsakh face aux forces azerbaïdjanaises immensément plus puissantes, bénéficiant du soutien massif de la Turquie.

Des crimes de guerre ont été commis contre des civils et des combattants, avec la bénédiction de la Russie de Poutine, qui a de son côté décidé de punir les Arméniens d’Erevan. En 2018, ils ont choisi la démocratie avec le leader Nikol Pachinian.

LIRE AUSSI Azerbaïdjan : Ilham Aliev, le dictateur qui veut déstabiliser la FranceLa guerre contre la liberté des peuples s’y répète, comme en Ukraine, en mobilisant la haine des Etats surarmés, négationnistes du génocide. Le dirigeant turc Erdogan a assuré que « l’âme d’Enver Pacha » était « comblée » par la défaite arménienne de 2020 – faisant ici référence à l’un des dirigeants génocidaires de 1915 –, tandis que le dictateur azerbaïdjanais Ilham Aliev se félicitait du fait que les Arméniens aient été chassés comme des « chiens » de leur patrie – reconnaissant que pour lui seules comptaient les frontières décrétées par Staline en 1923.

L’Occident s’est largement désintéressé d’un conflit qui dépassait pourtant largement la dimension territoriale. Presque seul en France, Le Figaro Magazine et son directeur adjoint, Jean-Christophe Buisson, ont courageusement couvert une guerre de haute intensité.

Nettoyage ethnique

Et ce n’était rien. En décembre 2022, le couloir permettant d’approvisionner ce qui restait du Haut-Karabakh a été fermé par des milices et des militaires azerbaïdjanais, soumettant 120 000 Arméniens à une stratégie de famine absolue. Les premiers décès sont apparus en août 2023. J’ai écrit, en application de l’article II de la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, que l’Azerbaïdjan commettait un acte de génocide visant à la lente extermination. d’une population ciblée.

Le père de la Convention, Raphael Lemkin, a reconnu ce cas de privation intentionnelle de nourriture, faisant référence à la fois à la « solution finale » nazie et aux ordres de déportation unionistes de 1915. On ne sait pas si l’Azerbaïdjan avait la même intention ultime, l’anéantissement par faim des Artsakhiotes. Mais le choix d’un processus d’extermination équivaut déjà au crime de génocide.

LIRE AUSSI Arménie : Si je t’oublie Erevan, par Jean-Michel BlanquerOn le sait, le 19 septembre 2023, l’Azerbaïdjan a porté le coup final avec une offensive massive pour la conquête terrestre de l’enclave. L’ensemble des 120 000 Arméniens – moins 5 habitants – ont décidé de partir sans espoir de retour, conscients que c’était tout simplement leur survie qui était en jeu face à la terreur résultant de l’usage d’une arme de destruction massive.

Le nettoyage ethnique s’est avéré, techniquement, un succès total. Cela n’allait pas s’arrêter puisque l’anéantissement devait aussi viser l’identité politique du Haut-Karabakh. La République autonome mais souveraine a été contrainte de se dissoudre et huit de ses dirigeants ont été arrêtés par les Azerbaïdjanais avec la complicité des Russes abandonnant leurs anciens alliés arméniens. Aujourd’hui, ces « huit de Bakou » sont enfermés dans des cachots secrets, ils ont déjà disparu dans les ténèbres de la tyrannie Aliev.

Élimination des élites

Il faut entendre leurs noms, les écrire partout comme le poète Éluard le voulait pour la liberté. ” J’écris ton nom “. Le ministre d’État Ruben Vardanyan, le vice-ministre de la Défense Davit Manukyan, le président de l’Assemblée Davit Ishkhanyan, les anciens présidents de la République Arkadi Ghoukassian, Arayik Harutyunyan et Bako Sahakyan, les anciens ministres des Affaires étrangères et de la Défense David Babayan et Levon Mnatsakanyan. Ils sont nos contemporains pour l’éternité.

L’élimination des élites est une caractéristique majeure des processus génocidaires, les conduisant au stade paroxystique. Nous sommes ramenés au 24 avril 1915, avec la rafle de plusieurs centaines d’intellectuels, notables et parlementaires immédiatement emmenés à l’abattoir. La commémoration d’aujourd’hui a une signification éminemment tragique.

LIRE AUSSI Aux frontières de l’Arménie, la guerre imminenteL’Arménie est en danger de mort et le sort des Artsakhiotes annonce la fin. L’Azerbaïdjan, qui nie l’identité arménienne, attaque désormais le territoire de la République d’Arménie, multipliant les provocations armées, repoussant les frontières avant une offensive générale qui couperait le pays en deux, précipitant son asphyxie et sa mort.

En France, il existe un attachement particulier au destin de l’Arménie. L’engagement d’Emmanuel Macron dans ce qui apparaît comme le dernier combat d’Erevan est réel, y compris sur le plan militaire avec des livraisons de matériel défensif qui suscitent la colère de l’Azerbaïdjan. Le régime Aliyev multiplie les insultes contre la France. Ce sont des distinctions qui honorent.

Ils veulent dire que la réponse commence à être correcte. Nous devons être reconnaissants envers nos autorités. La cause arménienne rassemble des forces politiquement opposées, qui ont choisi de dénoncer les menaces mondiales que font peser sur le monde la tyrannie de Poutine et de ses alliés. Les Arméniens réclament la démocratie. Celle que nous défendons de loin, celle que nous définissons en nous-mêmes. Sans l’un, l’autre meurt.

Récupérer un héritage

L’ampleur des tragédies et des défis contemporains qui semblent ne jamais cesser, l’offensive de vérités alternatives qui neutralisent la capacité de penser et d’agir, l’oubli des leçons de l’Histoire au profit de replis nationaux pourraient donner raison à notre foi en l’avenir.

Elle est pourtant réelle, puisqu’elle est attaquée. Des valeurs que l’on croyait dépassées révèlent leur avenir, l’universalité des droits et libertés fondamentaux pour lesquels se battent Iraniens, Turcs, Ukrainiens, Biélorusses, Géorgiens, Russes dissidents… et Arméniens. Chaque combat compte dans cette affaire. Cela porte du sens. Elle dépasse son objet tout en l’incarnant.

LIRE AUSSI Arménie, Israël, Ukraine… Vers le monde des « génocides sans fin » ? L’engagement envers l’Arménie restaure des patrimoines auxquels nous croyons et que nous devons reconquérir pour les maintenir en vie, afin de ne pas périr. Avoir réveillé ces convictions est une grave erreur de la part des Etats agresseurs à condition qu’ils en comprennent le sens. Il est possible aux démocraties de prendre conscience d’elles-mêmes, de leur pouvoir d’action en mobilisant le sens moral, par la conviction de chaque citoyen que cela est le bien le plus précieux. Que nous devrions en être fiers individuellement et collectivement. Que les sacrifices consentis pour le préserver ne sont rien comparés à l’élan qu’il apporte.

Comme l’insistait Jean Jaurès en 1911 face à la guerre à venir, lui, défenseur des Arméniens en 1896, lui, inspirateur quarante ans plus tard de la pensée du colonel De Gaulle, l’essentiel réside dans les « forces morales ». Romantisant l’action de Jaurès, Marcel Proust écrit qu’il ne peut se résigner à « laisser périr la justice ». Cela ne pourrait pas être plus actuel.

*Vincent Duclert est historien, chercheur et ancien directeur du Centre Raymond-Aron (Cespra, CNRS-EHESS), auteur, en septembre 2023, de « Arménie. Un génocide sans fin et le monde qui s’éteint », Les Belles Lettres, octobre 2023, 136 pages, 9,90 euros.


Anna

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