Non, les candidatures aux législatives n’auraient pas dû être déposées le vendredi 7 juin

Capture d’écran, prise le 11 juin 2024, d’un graphique du site vie-publique.fr retraçant le principe de la hiérarchie des normes

Or, l’article 12 de la Constitution, qui traite spécifiquement de l’organisation des élections législatives en cas de dissolution, prévoit clairement qu’ils « avoir lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution » :

Capture d’écran, prise le 11 juin 2024, du site Légifrance présentant l’article 12 de la Constitution

Dissolution, situation exceptionnelle

Constitutionnalistes et professeurs de droit se sont penchés sur ce sujet, qui pose la question du risque de recours en annulation des résultats de l’élection parce que le Code électoral n’aurait pas été respecté.

Leur analyse démontre cependant que le calendrier est parfaitement conforme aux textes et règles en vigueur.

« Dans les législations liées à une dissolution, a priori la Constitution prime »souligne Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris II Panthéon Assas, rappelant la “principe de base de la hiérarchie des normes” (archive).

« Dans un processus législatif classique, j’applique la loi, j’applique le Code électoral. Mais la Constitution prévoit en son article 12 qu’en cas de dissolution, les élections doivent avoir lieu dans un délai de 20 à 40 jours. Par définition, que les élections aient lieu dans un délai de 20 jours et que les candidatures soient déclarées le quatrième vendredi avant les élections sont deux principes contradictoires. Cependant, l’une est constitutionnelle, l’autre est uniquement légale. Ce faisant, c’est la Constitution qui. ‘gagné’a-t-il expliqué à l’AFP le 10 juin 2024.

Le fronton de l’Assemblée nationale le 10 juin 2024

GEOFFROY VAN DER HASSELTAFP

Marie-Odile Peyroux-Sissoko, professeur de droit public au Centre de recherches juridiques de l’Université de Franche-Comté (CRJFC), confirme : « Ce qu’il faut vraiment retenir, c’est que nous ne sommes pas dans une situation ordinaire, puisqu’il y a une dissolution de l’Assemblée nationale. Par conséquent, le Code électoral est la loi et la Constitution est au-dessus de la loi. »a-t-elle souligné auprès de l’AFP le 10 juin 2024 (archives).

« Toutefois, il est évident que le délai minimum de 20 jours prévu à l’article 12 de la Constitution ne permet pas de respecter le délai de quatre semaines prévu par le Code électoral. Ainsi, puisque la Constitution prévoit qu’en cas de de dissolution, le délai peut être de 20 jours, la règle du Code électoral ne s’applique pas”continue-t-elle.

Jurisprudence du Conseil Constitutionnel

On peut aussi se plonger dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui est saisi en cas de recours.

On voit alors que” il a indiqué dans sa décision 73-595 du 21 juin 1973 que “la date limite de dépôt des candidatures est impérative”mais qu’il s’agit uniquement d’une prolongation du délai, et non d’une réduction (hypothèse qui s’appliquerait dans le scénario actuel, NDLR)et que par contre la Constitution étant la norme supérieure, elle prévaut sur l’article 157 du Code Electoral”ajoute Marie-Odile Peyroux-Sissoko (archives).

Le Conseil constitutionnel l’a confirmé dans sa décision 88-5 ELEC du 4 juin 1988, après l’annonce le 14 mai 1988 par le président socialiste François Mitterrand de la dissolution de l’Assemblée nationale où la droite disposait de la majorité absolue (archives 1, 2).

« Dans cette décision liée aux élections législatives suite à une dissolution, le juge constitutionnel est clair : il précise queque la Constitution prévaut, et que les règles du Code électoral ne sont pas prévues dans le cas où les élections suivent la dissolution”explique Mme Peyroux-Sissoko.

Capture d’écran, prise le 11 juin 2024, de la décision du 4 juin 1988 du Conseil constitutionnel

Capture d’écran, prise le 11 juin 2024, de la décision du 4 juin 1988 du Conseil constitutionnel. La partie encadrée en rouge a été réalisée par nos soins

Tout cela confirme que “on n’est pas dans le droit commun, mais dans le droit lié à une dissolution et donc le Code Électoral ne s’applique pas”résume Marie-Odile Peyroux-Sissoko, qui conclut que les élections législatives de juin/juillet 2024 “sera parfaitement régulier” et cela’“on ne peut pas les annuler sous prétexte que l’article L-157 serait ignoré”.

Jean-Philippe Derosier, professeur agrégé de droit public à l’Université de Lille, souligne que« avec un premier tour des élections prévu le 30 juin, le délai est de vingt et un jours, et c’est donc conforme à la Constitution »OMS « est exigé et prime sur la loi » et l’article L. 157 du Code électoral, a-t-il ajouté dans un article publié dans Le Monde du 10 juin 2024, où il évoque également la décision du 4 juin 1988 du Conseil constitutionnel (archives 1, 2).

Ce que Nicolas Hervieu, juriste de droit public, a également confirmé le 10 juin dans un tweeter où il a dénoncé au passage “le non-sens” OMS “pullulent” à ce sujet (archives 1, 2).

Arguments politiques contre juridiques

Le décret de convocation des électeurs aux élections législatives du 9 juin 2024, publié au Journal officiel le 10 juin, précise que des candidatures seront déposées. “du mercredi 12 au dimanche 16 juin 2024 à 18h (heure légale locale)”. Pour le second tour, ils seront « à compter de la proclamation des résultats par la commission générale du recensement des votes et jusqu’au mardi 2 juillet 2024 à 18 heures (heure légale locale) » (archive).

Avec ces délais très courts, Benjamin Morel, de l’Université Paris II Panthéon Assas, anticipe de probables recours contre le décret devant le Conseil constitutionnel, mais estime qu’il “il est très très probable que nous répondions à ce que nous venons d’expliquer” au-dessus de.

Dans un bureau de vote à Nice, dans les Alpes-Maritimes, pour les élections européennes du 9 juin 2024

VALÉRY HACHEAFP

“Cette élection soulève de nombreuses questions pour les administrations et les candidats : la question des prêts auprès des banques avec les délais de déblocage des fonds pour la campagne, la question de la recherche des candidats pour les partis, celle des alliances… L’honnêteté et la sincérité du vote pourraient donc être concerné par une campagne très courte. Au fond, ceux qui disent aujourd’hui qu’elle est trop courte ont raison politiquement. En revanche, juridiquement, je crains de ne pas pouvoir leur donner raison.commente Benjamin Morel à l’AFP.

L’Association des Maires de France (AMF) a annoncé le 10 juin la « une vraie préoccupation » dans les rangs des élus locaux face à l’organisation de ces élections législatives « dans un délai sans précédent » (archive).

Anna

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