EEt si la protection du modèle social européen, unique au monde, dépendait du sort d’une usine située aux confins du cercle polaire arctique ? Tel est le résumé des deux événements majeurs qui se sont entrechoqués lundi 9 septembre. D’un côté, la publication du rapport de Mario Draghi, l’ancien patron de la Banque centrale européenne, sur la compétitivité européenne, et de l’autre, l’annonce par l’entreprise suédoise Northvolt, premier producteur de batteries du Vieux Continent, de la réduction drastique de ses ambitions industrielles, avec licenciements et fermetures de sites à la clé.
Pour l’économiste et ancien Premier ministre italien, la bataille de la voiture électrique est l’exemple même des défis qui attendent l’Europe, menaçant sa prospérité et son indépendance. L’exemple de son inertie, aussi. Il a fallu attendre 2022 pour que la première batterie européenne soit produite dans l’usine suédoise Northvolt, alors que les Chinois et les Coréens ont un quasi-monopole dans ce domaine.
Aujourd’hui, face au ralentissement du marché et à sa difficulté à augmenter sa production industrielle, l’entreprise abandonne son ambition de contrôler toute la chaîne en fabriquant également des cathodes, pièces clés des batteries, et en renonçant à ouvrir de nouvelles usines en Suède, en Allemagne et au Canada.
Besoin d’unité politique
Northvolt n’est pas seul en Europe à tenter de briser l’hégémonie asiatique. Le franco-italien Stellantis, associé à Mercedes, a ouvert une usine en France, et compte s’implanter en Allemagne ainsi qu’en Italie. Mais l’entreprise suédoise est l’exemple parfait d’un projet de reconquête européenne comme le rêve Mario Draghi. Une entreprise indépendante, créée par deux ingénieurs de Tesla, qui a réussi à lever près de 15 milliards d’euros en convaincant des géants comme Volkswagen et BMW.
La vision était là, l’argent était là. Mais la réalité industrielle est celle du long terme. La montée en puissance de l’usine ne s’est pas déroulée comme prévu. La capacité du site de Skelleftea, dans le nord de la Suède, est de 16 gigawattheures (GWh). Le Financial Timeselle produit, à ce stade, moins de 1 GWh de batteries. Lassé d’attendre, BMW, pourtant actionnaire, a annulé un contrat de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) pour aller s’approvisionner en Corée du Sud.
Comme le dirait Mario Draghi, l’Europe a besoin d’une vision, d’argent et de ténacité pour retrouver sa compétitivité. Elle a le plan, avec le Green Deal, et les moyens, avec les économies les plus élevées du monde. Il lui faut juste trouver le courage d’être patiente. Et l’unité politique nécessaire pour mettre tout cela en place, alors que les forces centrifuges sont à l’œuvre. Un choix existentiel.