« Nous constatons une baisse du chiffre d’affaires depuis plusieurs mois », alerte la Fédération nationale de l’habillement.

Elle est à la tête d’une fédération de commerçants, à 80% de femmes, dans plus de 30.000 magasins, dont la quasi-totalité compte moins de onze salariés. Florence Bonnet-Touré, déléguée générale de la Fédération nationale de l’habillement est l’invitée éco de franceinfo vendredi 20 septembre.

franceinfo : Ce sont ce qu’on appelle les petits commerçants. C’est un phénomène chronique, chaque année, ils disent qu’ils vont mal. Pas d’exception cette année, vraiment, les boutiques de mode ne marchent pas bien ?

Florence Bonnet-Touré :Oui, effectivement, on constate depuis quelques mois une baisse du chiffre d’affaires. Par exemple, au premier semestre 2024, on a observé une baisse du chiffre d’affaires de 6% en moyenne par rapport au premier semestre 2023. Sauf que maintenant, en août, on voit que cette baisse du chiffre d’affaires ralentit. Mais elle continue malgré tout.

Quelles enseignes de mode sont en difficulté et où exactement ? Car par exemple, la mode masculine s’est plutôt bien vendue pendant l’été. Même chose pour l’habillement dans certaines régions (Normandie, Centre, Val de Loire, et même à Paris), les chiffres ont été bons, certainement jusqu’à fin mai. Expliquez-nous cette disparité.

Il y a plusieurs causes à cette disparité. Tout d’abord, je veux juste souligner que les magasins de mode indépendants sont principalement situés, à 70%, dans les centres-villes. Donc, quand on a des villes qui commencent à se désertifier, des centres-villes qui commencent à mourir, où on voit des fermetures de magasins, l’effet boule de neige s’aggrave et on voit une baisse importante des ventes dans le retail de mode. Il y a deux choses concernant les régions, c’est qu’effectivement, en plus de l’effet Jeux Olympiques sur la région parisienne, le mois d’août a été compliqué. Mais parce que d’un côté, tout ce qui était un peu comme les fermetures et les alertes pour la mobilité a été compliqué. Et puis les touristes n’étaient pas les mêmes que les années précédentes. On avait des touristes attirés par l’effet Jeux Olympiques qui n’ont pas les mêmes modes de consommation que les touristes habituels qui sont à Paris en juillet-août.

Les Jeux Olympiques et leur flot de visiteurs n’ont rien apporté, aucune consommation supplémentaire ?

Ce n’est pas le cas de la mode et des vêtements. En d’autres termes, les touristes olympiques sont plus susceptibles d’acheter des souvenirs, mais moins susceptibles d’acheter des vêtements.

Maintenez-vous votre demande d’aide pour les entreprises que vous estimez pénalisées par les Jeux ?

Oui, absolument. Nous nous sommes rendu compte qu’outre le fait qu’un certain nombre de commerces, notamment dans la mode et l’habillement, ont fermé plus longtemps que d’habitude en août, certains ont pris l’initiative de fermer complètement en août pour ne pas être confrontés à ces difficultés de circulation à Paris, et donc à un chiffre d’affaires plus faible. Beaucoup ont vu leur chiffre d’affaires diminuer, notamment dans les zones touristiques et nous avons demandé à plusieurs reprises et sommes en discussion pour obtenir effectivement une compensation pour un certain type de commerce qui a vu son chiffre d’affaires diminuer.

Faites-vous une sorte d’introspection sur les éventuels défauts de ces boutiques de mode indépendantes, sachant qu’aujourd’hui plus de 20 % des vêtements sont vendus sur Internet ? Vos clients peuvent-ils aussi facilement acheter en ligne chez vous, commander une taille ou une couleur qui manque ?

Oui, les magasins de vêtements évoluent sur plusieurs plans. C’est-à-dire que pour nous, l’échange physique, le conseil en magasin est essentiel et nous ne le perdrons jamais. Nous considérons que la relation avec le client, la relation de conseil, de service, est très importante et elle doit se dérouler physiquement en magasin. Cependant, il est vrai que de plus en plus de détaillants investissent et déploient le digital pour pouvoir proposer et élargir leur service à une clientèle plus large, celle qui souhaite d’abord s’identifier à l’avance ou pouvoir commander plus facilement et voir la disponibilité des vêtements en magasin. Nous considérons que c’est très complémentaire.

D’occasion, toutes les grandes chaînes s’y sont mises. Avez-vous encouragé vos détaillants à se lancer ?

Oui. La seconde main est plutôt très complémentaire à ce que nous vendons dans nos magasins, puisque nous sommes plutôt sur le milieu-haut de gamme dans les petits magasins de mode multimarques. Donc, souvent, les gens qui achètent de seconde main reviennent en magasin pour acheter un nouveau vêtement complémentaire soit de la même marque, soit d’une marque différente. Nous considérons que la seconde main devient un élément de service complémentaire par rapport à la vente de vêtements neufs.

Vous parlez de gamme moyenne à haute. Vos articles sont-ils finalement proposés à un prix raisonnable pour réellement déclencher l’achat ?

Tout dépend de ce que l’on entend par déclencher un achat. Si l’on veut un vêtement en moyenne à 8 euros en entrée de gamme, il est clair que les boutiques de mode ne sont pas la cible prioritaire. Ici, effectivement, on n’est pas du tout dans une consommation où l’on va multiplier les collections avec des prix très bas. Ce n’est pas du tout l’objectif des détaillants indépendants. On a plutôt tendance à conseiller aux consommateurs d’acheter de la qualité. Et la qualité a un coût. Il vaut mieux acheter moins, mais mieux, avec des vêtements qui vont durer et qui vont s’inscrire dans l’histoire du consommateur avec une qualité supérieure. Et donc effectivement, avec un prix un peu plus élevé, on considère qu’il vaut mieux acheter un vêtement à 50 euros que trois vêtements à 20 euros.

Concernant les prix, vous vous battez depuis probablement plus de quinze ans pour faire évoluer les dates des soldes, leur durée. Vous êtes aussi en opposition sur ce sujet avec la fast fashion, mais aussi avec les grands magasins. Finalement vous semblez dire que vous ne voulez plus du tout de soldes. Confirmez-vous ?

Nous pensons que les soldes doivent reprendre leur sens, c’est-à-dire les soldes de fin de saison. Aujourd’hui, les soldes arrivent en début de saison. Les soldes d’été arrivent en début d’été. Les soldes d’hiver en début d’hiver, ça n’a pas de sens. Aujourd’hui, nous pensons que, pour avoir une consommation responsable, il faut avoir des soldes de fin de saison, qui permettent de faire de vraies soldes, avec une durée peut-être plus courte, avec moins de promotions, mais qui permettent effectivement une plus grande visibilité en fin de saison.

Quand ont lieu les prochaines soldes ?

Pour l’instant, les prochaines soldes ne sont pas à modifier car c’est un arrêté ministériel qui fixe, au niveau de tout le territoire, la date des soldes, et les discussions sont actuellement assez fortes avec le gouvernement, puisque c’est le ministère du Commerce qui doit faire ces modifications. Nous sommes nombreux autour de la table pour ou pour avoir des discussions sur cette fameuse date des soldes.

A priori le 8 janvier ?

Pour l’instant, cette date est toujours fixée.

Le gouvernement démissionnaire a commencé à élaborer un plan pour la mode du gouvernement qui sera nommé dans les heures à venir. Que demandez-vous ?

Nous leur demandons de pouvoir réactiver ce système qui pour nous était vraiment très intéressant dans le sens où il repositionne la mode comme étant pour un temps un véritable acteur au cœur de l’activité économique de la France et de valoriser et encourager toute la chaîne de valeur depuis les producteurs, l’industrie textile jusqu’au consommateur final. Pour nous, il était crucial de pouvoir réactiver ce système pour la mode.

Favoriser, c’est injecter de l’argent ?

Pas toujours. Promouvoir, c’est donner un cadre favorable. Cela peut être faciliter ou réduire un certain nombre de charges. C’est favoriser la proximité entre la production et la vente, c’est promouvoir le made in France ou le made in Europe. Et c’est aussi taxer davantage les importations. Aujourd’hui, les produits de moins de 150 euros ne sont pas taxés à la douane et nous demandons cette taxation.

Elise

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

Le déjeuner sur l’herbe plaît aux petits comme aux grands

Publié 20/09/2024 22:15 Durée de la vidéo : 4 min Pique-nique : le déjeuner sur l'herbe séduit petits et grands…

42 secondes ago

L’Iran condamne la « frappe aérienne brutale et vicieuse » d’Israël sur Beyrouth

Le ministère iranien des Affaires étrangères a condamné vendredi 20 septembre la frappe aérienne israélienne « brutale et vicieuse »…

2 minutes ago

Nouveau gouvernement Barnier : un arrière-goût rance – Libération

Nouveau gouvernement Barnier : un arrière-goût ranceLibérerEN DIRECT. Nouveau gouvernement : « La composition finalisée », Macron et Barnier devraient…

3 minutes ago

En visite dans le Tarn, François Hollande évoque l’état de la gauche et le futur gouvernement

En visite dans le Tarn à l'occasion du centenaire de la panthéonisation de Jean Jaurès, François Hollande a rencontré des…

4 minutes ago

SM Caen. Bilal Brahimi, un récital et un but libérateur : les notes caennaises face à Ajaccio (1-0)

Le SM Caen signe sa première victoire en Ligue 2 cette saison ! Lors de la 5e journée, les joueurs…

10 minutes ago

le plus vieux passage de Paris dévoile ses secrets

Publié le 20/09/2024 22:10 Mis à jour le 20/09/2024 22:18 Durée de la vidéo : 3 min Patrimoine : le…

11 minutes ago