« Nous n’avons pas le droit d’intervenir dans le choix du fonds d’investissement retenu par la ligue », assure le conseiller sportif de l’Elysée

L’audience n’a pas démarré sous les meilleurs auspices. La commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football avait décidé de convoquer Cyril Mourin, conseiller chargé du sport, des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, de l’engagement associatif et de la jeunesse auprès du président de la République. Mais dès les premières minutes de l’audience, le conseiller du président de la République s’est réfugié derrière l’article 67 de la Constitution, n’apportant que des réponses laconiques. « Mon audition ne peut avoir pour objectif de remettre en cause les actions entreprises en ma qualité de conseiller du Président, car cela pourrait revenir à contourner le principe de séparation des pouvoirs. Il me semble impossible de rendre compte directement ou indirectement de la manière dont le chef de l’Etat prend ses décisions», a-t-il prévenu, reprenant un argument souvent avancé par les membres du cabinet d’Emmanuel. Macron devant la commission d’enquête Benalla.

Cyril Mourin est en poste depuis 2017, période qui intéresse particulièrement la commission. En 2020, la crise sanitaire conjuguée à la faillite du diffuseur du championnat, Mediapro, a jeté la ligue de football professionnel (LFP) dans l’inconnu. « Au niveau macroéconomique, c’est une perte de 1,8 milliard d’euros », déclarait en 2021 devant les sénateurs le président de la LFP, Vincent Labrune.

C’est à cette époque qu’est élaboré le projet de loi visant à démocratiser le sport. Un texte adopté en 2022 et qui autorisait la LFP à créer une filiale pour commercialiser les droits audiovisuels des championnats professionnels, à condition que la ligue conserve au moins 80 % du capital de cette société. La même année, pour 1,5 milliard d’euros, LFP Média, la nouvelle filiale chargée de commercialiser les droits TV des championnats de football professionnels en France (Ligue 1 et Ligue 2), cède « définitivement » 13 % de ses parts à CVC, un fonds d’investissement luxembourgeois. .

Les conditions de cet accord, apparemment déséquilibré, sont au cœur des investigations des sénateurs. Il y a quelques semaines, le Parquet national financier (PNF) a également ouvert une enquête préliminaire. Et les précédentes auditions ont porté sur l’implication de l’Elysée dans le choix par la Ligue du partenaire CVC.

« Les informations contenues dans la lettre A ne sont pas toujours exactes »

Comme il l’a fait lors de l’audition de l’ancienne ministre des Sports, Roxana Maracineanu, la présidente du groupe PS, Patrick Kanner a interrogé Cyril Mourin sur un article de la Lettre A, datée de 2022, faisant état d’un arbitrage de l’Elysée, précisément d’Alexis. Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, lors de l’entrée de CVC au capital de la filiale. Ce à quoi l’ancien ministre a répondu : « Cela ne me surprend pas compte tenu de la situation d’urgence dans laquelle se trouvait la ligue à ce moment-là. »

Et peut-être parce qu’il était, avant d’arriver à l’Elysée, le directeur de cabinet adjoint de Patrick Kanner, lorsque ce dernier était ministre de la Ville de la Jeunesse et des Sports, Cyril Mourin a sorti de sa réserve pour répondre sans détour. « La Lettre A écrit aujourd’hui que j’ai été convoqué par M. Lafon (le président de la commission d’enquête) sur les conditions de mon audition. Il pourra confirmer que ce n’est pas le cas. Tout cela pour vous dire que les informations contenues dans la lettre A ne sont pas toujours exactes. Et dans ce cas-ci, ils ne le sont pas du tout. Il poursuit. « L’Etat n’a pas à donner d’avis sur le choix du fonds d’investissement. Nous n’avons pas d’avis à donner et nous n’avons pas été invités à le faire. Donc, je réfute cette information», affirme-t-il avant d’insister. « Il n’y a aucune forme de doute qui devrait exister quant à l’implication personnelle que j’ai pu avoir sur ce sujet. Nous n’avons ni la compétence ni le droit d’intervenir dans le choix du fonds finalement retenu par la ligue.

«Je ne vois pas comment il y a eu un seul interventionniste sur ce sujet»

Le rapporteur LR, Michel Savin, a également insisté, citant un extrait du livre « Main basse sur l’argent du football français », de Christophe Bouchet, ancien PDG de l’OM, ​​également interrogé par la commission d’enquête, ces derniers jours. « Il vous désigne comme l’un des interlocuteurs privilégiés de Vincent Labrune sur ce dossier. Il écrit que plusieurs personnes seraient intervenues sur cette proposition de création d’une société commerciale. Notamment le conseiller sportif de l’Elysée. Certains conseillers encouragent même le ministre à écouter l’ordre donné d’en haut», cite le sénateur.

« Les avis de l’Elysée, de Matignon et des différents ministères concernés sur ce sujet étaient assez convergents. Je ne vois pas comment il y a eu un seul interventionniste sur ce sujet », a-t-il répondu.

Enfin, au sujet de la répartition entre les clubs de l’investissement CVC qui se fait selon des tranches définies en fonction du prestige sportif des clubs qui est également contestée en justice, notamment par le club havrais, Cyril Mourin rappelle que ce » Ce n’est pas le rôle de l’État d’examiner en détail la façon dont les décisions sont prises au sein de la ligue (…) Il y a des jeux d’acteurs dans l’écosystème du football professionnel français. Je ne sais pas, dans cet écosystème, qui a intérêt à s’en prendre à tel ou tel autre.»