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“On sait pourquoi on le fait, nos enfants pas forcément”… La difficulté des sportifs à concilier vie de famille et entraînement

Rencontre avec Charline Picon et Sarah Steyaert, qui participent à la voile aux Jeux de Paris, sur le dériveur 49er. Ils racontent comment ils jonglent entre leur vie personnelle et leur préparation pour les Jeux.

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Temps de lecture : 5 minutes

Trois mois avant les épreuves olympiques de voile qui auront lieu à Marseille, un millier de marins se retrouveront jusqu’au samedi 27 avril à Hyères, dans le Var, pour la Semaine olympique française. Parmi les Français impliqués : un duo de femmes, Charline Picon et Sarah Steyaert, qui sont également mamans.

Charline Picon est déjà double médaillée olympique en planche à voile, avec l’or en 2016 et l’argent en 2021. Elle est la seule Française à avoir accompli cet exploit dans cette discipline. Mais la Rochelaise de 39 ans a décidé de changer de support : elle se prépare désormais sur un petit dériveur de moins de 5 mètres, un 49er FX, et s’associe à Sarah Steyaert, spécialiste de ce type de bateau, qui elle a également déjà participé à trois Jeux Olympiques (Pékin, Londres et Rio), sans jamais ramener de médaille. Les deux femmes, résidant toutes deux dans la région rochelaise, sont également mamans.

Devenir maman, est-ce que vous relativisez le défi sportif très relevé que vous vous êtes fixé ?

Charline Picon : Je ne dirais pas ça. Cela relativise quand on rentre à la maison après une déception, car on a autre chose dans la vie. Mais clairement, je veux que la petite Lou soit fière de sa maman. Cela met même un peu de pression supplémentaire. Elle est vraiment assez grande pour comprendre ce que je fais, pour partager avec moi. Je vais souvent à son école pour voir les enfants de sa classe. Elle veut voir les médailles. Si je parvenais à vivre cette médaille avec elle à ce moment de sa vie, ce serait vraiment magique.

“Si, demain, il n’y a pas de médaille, il y aura des déceptions, bien sûr, mais la vie ne s’arrête pas là.”

Sarah Steyaert

sur franceinfo

Sarah Steyaert : On relativise tous les jours, pas besoin d’être maman pour ça. Ce que nous vivons actuellement, c’est sûr, c’est beaucoup de sacrifices, pour aller aux Jeux Olympiques et atteindre la médaille. Mais je dis souvent que ça reste un jeu, c’est du sport. Si nous n’avions pas réussi à nous qualifier, la vie ne s’arrêterait pas là.

Vous parlez de sacrifices. Quand, en plus de la préparation olympique, il faut aussi gérer sa vie de famille, il faut sans doute faire des choix assez forts ?

Sarah Steyaert : J’ai la chance d’avoir un détachement auprès de l’Education Nationale, c’est très confortable. Et après les sacrifices, c’est le quotidien. On est dans une discipline, je pense que c’est vrai dans d’autres sports, mais on est dans une discipline où on ne peut pas rester à La Rochelle s’entraîner seul et sans confrontation. Nous devons constamment bouger. Cela fait beaucoup de voyages, même si c’est en France. Il y a beaucoup de concessions à faire. Nous savons pourquoi nous le faisons, nos enfants pas forcément. C’est tout le travail pour leur faire comprendre. Mais en même temps, à travers ce projet, nous leur transmettons de belles valeurs.

Vos enfants sont encore jeunes, mais vous questionnent-ils sur ce que vous faites, sur vos absences ?

Sarah Steyaert : Charline a dû le vivre pour l’autre préparation olympique. Mon aîné (6 ans) est plus conscient de ce qui se passe et de ce que je fais. Mon petit (3 ans), c’est plus compliqué : “Maman fait du bateau“, même si elle vit ça depuis l’âge de 10 mois et que ça fait partie de sa vie, il y a des questions : “Pourquoi reviens-tu ? Pourquoi pleures-tu ? Pourquoi êtes-vous fatigué?« Beaucoup de questions sur les émotions qui rendent concret et réel ce qu’ils peuvent vivre en tant qu’enfants. Ils doivent apprendre à gérer.

Ces Jeux en France seront forcément particuliers. Vous avez envie de les partager un peu plus avec votre famille et vos enfants ?

Charline Picon : Le fait que ce soit en France ne changera pas grand chose pour la concurrence. Il va falloir être dans notre bulle, concentrés, être les uns avec les autres. On n’était pas forcément habitué à les avoir en compétition. Nous savons qu’ils seront là en cas de besoin. Mais maintenant, on sait qu’ils sont là et le but est de partager le plus possible, et avec une belle médaille autour du cou, ce serait génial.

Sarah Steyaert : Nous ferons comme d’habitude, il n’y aura aucun contact. En revanche, je trouve différent de savoir qu’ils sont tous très proches de nous. Cela apporte un plus. Au moins pour moi, cela m’apporte de l’énergie et de la force. Je suis très heureux de me retrouver sur des Jeux où il y a du partage, même si on sera vraiment dans notre bulle.

“Je suis très heureux de savoir qu’ils seront là et que de n’importe où, peut-être qu’ils pourront nous voir.”

Sarah Steyaert

sur franceinfo

Charline Picon : C’est vrai que c’est compliqué pour un enfant de dire : maman ne couche pas avec toi ce soir mais tu as le droit de ne la voir que dix minutes. Ils ne sont pas prêts pour ça. J’aurais probablement quelques courtes vidéos. Ma fille m’envoie des énergies incroyables, elle est dans un assez joli délire en ce moment (rire).

Est-ce vraiment vos derniers Jeux Olympiques ?

Sarah Steyaert : C’est sur. Autant lors de la préparation olympique, on parlait de Los Angeles 2028, là, c’est non. Clairement, je n’avais pas réalisé en disant oui, ce qu’on allait vivre : plein de beaux moments et puis plein de moments que je ne suis pas prêt de quitter avant quatre ans. C’est long, donc c’est long pour les enfants aussi.

Charline Picon : Cela commence à être clair dans ma tête, même si ce n’est pas forcément une décision facile à prendre. Je me dis que c’est une partie de ma vie qui va se terminer. Je pense que j’en suis à un point où je veux voir ma fille grandir chaque jour.

Fleur

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