où en est Téhéran dans sa quête d’armes nucléaires ?

Les tensions autour du programme nucléaire iranien sont exacerbées par les craintes d’un conflit ouvert avec Israël. Bien que rien n’indique que le pays possède la bombe atomique, elle s’en rapproche.

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Jusqu’où ira le cycle des représailles ? Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a répété mercredi 17 avril que son pays “se réservait le droit de se protéger” face à l’Iran, après l’attaque iranienne sans précédent qui a visé son territoire. Dans la nuit du 12 au 13 avril, l’armée iranienne a lancé plus de 350 drones vers le territoire israélien, en réponse à une frappe contre le consulat iranien à Damas (Syrie) attribuée à l’armée de l’air israélienne. Si la grande majorité des appareils ont pu être interceptés, avec l’aide de plusieurs nations alliées à Israël, l’exécutif israélien a promis de réagir. “Nous ne pouvons pas rester les bras croisés face à une telle agression, l’Iran ne sortira pas indemne de son attaque”, a-t-il ajouté. » a proclamé le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari.

Près de cinq jours après l’attaque iranienne, la réponse israélienne n’a pas encore eu lieu. Mais plusieurs responsables occidentaux appellent à la retenue, craignant qu’une offensive israélienne ne conduise à un conflagration régionale avec un pays dont le programme nucléaire inquiète. Depuis des années, ce sujet est en effet au cœur des tensions entre Téhéran et Tel-Aviv, qui accuse la République islamique de chercher à se doter de l’arme atomique. Franceinfo résume ce que l’on sait des réelles capacités nucléaires de l’Iran.

L’Iran ne respecte plus les restrictions

« Aujourd’hui, l’Iran ne possède pas d’armes nucléaires », assure à franceinfo Héloïse Fayet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de la prolifération nucléaire. La République islamique d’Iran est membre du traité de non-prolifération nucléaire depuis 1968. Les États signataires qui ne possèdent pas de bombe atomique s’engagent à ne pas en développer.

Or, Téhéran a longtemps été soupçonné d’avoir tourné le dos à cet engagement. C’est la raison pour laquelle plusieurs grandes puissances, dont les États-Unis et la France, ont négocié l’accord international de Vienne, signé en 2015, dans lequel l’Iran accepte, en échange de la levée des sanctions internationales, un encadrement de sa production d’uranium enrichi, ce qui peut être utilisé dans la conception d’armes nucléaires. Mais depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sous la présidence de Donald Trump en 2018, l’Iran s’est affranchi de ces limites.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui surveille la mise en œuvre de l’accord, le pays continue d’augmenter sa production d’uranium enrichi. Le 20 février, les stocks iraniens s’élevaient à 5,5 tonnes (contre 4,5 tonnes quatre mois plus tôt), soit 27 fois la limite autorisée par l’accord de Vienne. De plus, “le taux d’enrichissement de l’uranium iranien ne correspond pas à une utilisation civile pour l’électricité et les hôpitaux”, la juge Héloïse Fayet. L’accord de 2015 impose un taux maximum de 3,67%, et les experts considérons qu’au-delà de 20 %, l’objectif n’est pas l’usage civil, même si un enrichissement à 90 % est nécessaire pour alimenter une bombe. Or, Téhéran produit de l’uranium hautement enrichi à 60 %, et avait même accéléré sa production fin 2023, avant de la ralentir en début d’année.

Téhéran revendique la capacité de développer des armes nucléaires

« L’Iran reste néanmoins très discret sur ses activités nucléaires » note Héloïse Fayet. Fin février, l’AIEA a annoncé « ses inquiétudes croissantes ». Son directeur, Rafael Grossi, a déclaré que Téhéran avait restreint “d’une manière sans précédent” ses interactions avec l’agence onusienne, réduisant fortement les visites d’inspection de ses installations, déconnectant les caméras et retirant l’accréditation d’un groupe d’experts.

Cependant, rien ne laisse présager une tentative concrète d’obtenir de l’Iran des armes atomiques dans un avenir proche, estime Héloïse Fayet : “Il n’y a aucun signe de militarisation du programme nucléaire iranien.” Le développement d’armes nucléaires nécessite d’importants investissements économiques, techniques et scientifiques. « Aujourd’hui, le bénéfice des armes nucléaires n’est pas égal aux coûts qu’elles représentent pour l’Iran »juge encore le chercheur.

“Le principal avantage de posséder des armes atomiques est la dissuasion nucléaire. Mais l’Iran dispose déjà d’un puissant arsenal balistique.”

Héloïse Fayet, spécialiste de la prolifération nucléaire

sur franceinfo

« Israël hésite actuellement à contre-attaquer pour cette raison. » poursuit le chercheur. Les mêmes hésitations ont été observées parmi les responsables occidentaux. Lors du Conseil des gouverneurs de l’AIEA, qui s’est ouvert début mars à Vienne, ils ont par exemple décidé de ne pas soumettre de résolution sur le programme nucléaire iranien afin de ne pas aggraver les tensions géopolitiques.

Même s’il ne possède pas à ce stade d’armes nucléaires, l’Iran a néanmoins « Tous les moyens physiques pour le développer, il ne manque plus que la volonté politique », prévient Héloïse Fayet. Interrogé en février sur les capacités techniques de son pays, Ali Akbar Salehi, ancien président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, a répondu que « les seuils scientifiques et technologiques avaient été franchis »résumant la situation avec une métaphore : “De quoi a besoin une voiture ? Un châssis, un moteur, un volant, une boîte de vitesses… Nous avons tous les composants séparément”. Si c’est le cas, “il ne faudrait qu’un an ou deux à l’Iran pour obtenir” les armes nucléaires, reconnaît Héloïse Fayet.

Charlotte

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