où est la question migratoire en Tunisie, face aux migrants subsahariens, et au Japon, pays historiquement fermé ?

Tandis que la Tunisie, liée depuis 2023 à un protocole d’accord avec l’UE, peine à contenir les départs de migrants vers l’Europe, le Japon s’ouvre presque en secret à l’immigration économique. Nos correspondants sur place décrivent la situation.

Article rédigé par

franceinfo – Mathieu Galtier, Karyn Nishimura

Radio-France

Publié


Temps de lecture : 6 minutes

Pour contenir l’immigration dans les pays de destination, certains accords signés avec les pays de transit s’accompagnent de sommes importantes versées à ces derniers, pour les aider à contenir les départs de migrants. Le protocole d’accord entre l’Union européenne et la Tunisie, signé en juillet 2023, a été présenté comme modèle à Bruxelles. Il prévoit une enveloppe de 105 millions d’euros pour aider le pays à gérer la question migratoire. Cependant, la répression de plus en plus forte dont sont victimes les migrants met à mal l’image de la Tunisie comme pays sûr.

Le Japon est connu pour avoir une politique d’accueil des immigrants extrêmement restrictive, et plus encore en matière de droit d’asile. Cependant, le pays connaît un fort déclin démographique et a un besoin croissant de main d’œuvre.

En Tunisie, le président traque les subsahariens menaçant de « changer la démographie » du pays

En Tunisie, les subsahariens en situation irrégulière sont conduits en bus jusqu’aux frontières libyenne et algérienne. A Tunis, la police a détruit début mai les camps installés devant les sièges des agences onusiennes. Cela a repoussé les migrants hors de la capitale. Dans la région de Sfax, principal point de départ des bateaux, la Garde nationale brûle les tentes de fortune installées dans les champs d’oliviers.

Le président tunisien Kaïs Saïed s’est félicité la semaine dernière du retour de plus de 400 migrants à la frontière libyenne. Mais la Libye et l’Algérie n’accueillent pas non plus ces populations, qui rentrent donc clandestinement en Tunisie. Ces opérations constituent la troisième phase d’une politique répressive entamée en février 2023. Le chef de l’Etat a alors dénoncé l’afflux de subsahariens à venir. « changer la démographie » du pays. Puis, sous la pression populaire, la police a évacué les migrants qui avaient trouvé refuge dans les jardins publics du centre de Sfax. Aujourd’hui, la stratégie est donc de les chasser des oliveraies, l’une des principales richesses du pays.

Face à ce durcissement sécuritaire, les ONG gardent le silence, car elles sont elles-mêmes visées. La semaine dernière, une dizaine de dirigeants d’associations d’aide aux migrants ont été arrêtés. La plupart d’entre eux sont accusés de blanchiment d’argent. Lundi, lors d’un conseil de sécurité nationale, Kaïs Saïed a qualifié certains dirigeants d’ONG de traîtres et de mercenaires. Résultat, le Haut Commissariat aux Réfugiés ne peut plus accueillir de potentiels demandeurs d’asile, car l’association qui gère les rendez-vous pour lui est fermée.

Le HCR refuse de commenter. L’Union européenne, la France et l’Italie restent également silencieuses. En ces temps de campagne européenne, les diplomates font profil bas. Et l’Union européenne a déjà entamé son partenariat avec la Tunisie signé l’année dernière. Cet automne, elle a payé 67 millions d’euros. L’argent devrait servir à rénover les bateaux des garde-côtes et à les équiper de caméras thermiques et de radars pour mieux surveiller les départs vers l’Europe.

Au Japon, l’immigration économique accueillie en toute discrétion

Au Japon, la situation est assez paradoxale. Il y a 15 ans, le gouvernement avait envisagé un grand projet visant à faire venir 10 millions d’étrangers, mais l’utilisation du mot “immigrant” avait effrayé la droite nationaliste. Donc officiellement, il n’y a pas de politique d’immigration. Mais en réalité, il y a encore de plus en plus d’étrangers au Japon.

Le pays en a besoin économiquement. Dès son retour au pouvoir en 2012, Shinzo Abe a favorisé l’entrée de travailleurs étrangers mais sans utiliser le terme épouvantail de « politique d’immigration » et sans accorder de nombreux avantages à ces immigrants. Actuellement, 3,5 millions d’étrangers vivent au Japon, dont plus de 2 millions travaillent. L’objectif de l’exécutif actuel est de le souligner, mais en évitant toujours le mot « immigrant », comme le fait le Premier ministre Fumio Kishida au Parlement : “Pour que nous construisions une société de symbiose avec les étrangersil déclare, le gouvernement doit d’abord clarifier sa vision de l’avenir et s’associer aux régions et aux associations pour mettre en œuvre de manière responsable une politique d’intégration.

Le Japon a trouvé l’astuce : la définition du mot immigrant s’applique uniquement aux titulaires du statut de résident permanent. Cela représente un peu moins de 900 000 personnes. Les autres sont pour ainsi dire des étrangers de passage, venus travailler, mais qui n’ont pas vocation à rester trop longtemps. La population décroissante du Japon ne favorise pas l’idée d’intégrer les étrangers. La nécessité économique est la seule que la droite dure puisse accepter. Et encore une fois, avec beaucoup de scepticisme. Naoki Hyakuta, numéro un du Parti conservateur du Japon, nouveau parti créé après la mort de Shinzo Abe, juge son successeur Fumio Kishida trop permissif : « Bien sûr, nous pouvons répondre aux besoins des usines et autres lieux de travail en faisant appel à des étrangers.il affirme, et c’est positif pour le Japon. Mais la question est de savoir si les aspects négatifs ne sont pas plus importants. Le Premier ministre parle de « symbiose avec les étrangers », mais est-il vraiment possible de vivre avec des gens complètement différents de nous ? Regardez ce qui se passe en Europe, vous comprendrez. »

Ainsi, la plupart des statuts de visa créés le sont pour des raisons économiques et ce que critique l’extrême droite, c’est l’absence d’un nombre défini et d’une nature précise des étrangers acceptables. Elle souhaite une véritable politique d’intégration qui permettra d’encadrer les nouveaux arrivants.

Charlotte

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