Michel Barnier compte-t-il prendre huit jours supplémentaires pour finaliser le budget de l’Etat 2025 ? Tant mieux, espère Oxfam : ce sera peut-être l’occasion pour le nouveau Premier ministre de réformer l’impôt sur les successions, comme le recommande l’organisation non gouvernementale (ONG) dans une note rendue publique le 17 septembre.
A l’heure où l’ancien commissaire européen réclame des dizaines de milliards d’euros pour enrayer l’explosion de la dette, sans exclure « une plus grande justice fiscale », Comme il l’a déclaré après sa nomination, les propositions d’Oxfam arrivent à point nommé. Taxer davantage l’héritage des ultra-riches pourrait répondre simultanément à ces deux attentes, selon l’ONG fondée en Grande-Bretagne en 1942. « Techniquement, il n’est pas difficile d’éliminer certaines échappatoires fiscales et autres exonérations, comme le pacte Dutreil, plaide Cécile Duflot, ancienne ministre écologiste de François Hollande, aujourd’hui directrice générale d’Oxfam France. « D’un autre côté, il faut du courage politique. »
L’idée n’est pas nouvelle. « Si l’on privilégie le risque au revenu, ce qui est mon cas, il faut privilégier l’impôt sur les successions aux impôts de type ISF »a déclaré Emmanuel Macron lui-même à Risquesle journal de la Fédération française des sociétés d’assurance en avril 2016, donc avant sa première élection. L’économiste Jean Pisani-Ferry, longtemps proche du président de la République, a lui aussi milité pour la création d’un « impôts élevés sur les héritages importants ». Mais une fois élu, Emmanuel Macron a écarté cette option, la jugeant trop risquée politiquement. Michel Barnier sera-t-il sensible au rappel d’Oxfam ?
Le poids croissant de l’héritage
Sur le papier, une telle initiative est très intéressante. Pour les caisses de l’État, tout d’abord : elle permettrait de récupérer « plus de 160 milliards d’euros en trente ans », Il ne s’agit là que des successions prévisibles des milliardaires français actuels, selon l’ONG. Politiquement, surtout, une réforme pourrait corriger en partie une situation dénoncée depuis des années par de nombreux économistes : le poids croissant de l’héritage dans la société. De 35 % au début des années 1970, la part du patrimoine français provenant de l’héritage est passée à 60 %, selon un rapport publié en 2021 par le Conseil d’analyse économique (CAE), un collège d’experts chargé d’informer le Premier ministre.
Loin des principes affichés d’égalité, de justice, de mérite et de travail, la France devient ainsi un pays d’héritiers, où la mobilité sociale est bloquée et où les richesses, notamment immobilières, sont concentrées entre les mains d’un petit nombre de familles. Les 10 % des ménages les plus riches détenaient 47 % du patrimoine total en 2021, contre 41 % en 2010, selon l’Insee. « La meilleure façon de devenir milliardaire est, de plus en plus, de grandir dans le ventre de la femme d’un milliardaire. » résume Cécile Duflot, acide.
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