Pas de 6ème pour les enfants en difficulté

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Chaque année, plus d’un millier de jeunes en difficulté scolaire passent directement de la 5e année du primaire à l’année 1ré secondaire, qu’ils réussissent ou échouent.
Ce qui compte dans ces cas, c’est la loi : la primaire doit être achevée en six ans. * Un délai inflexible qui scelle le sort de nombreux élèves déjà vulnérables en réduisant leurs chances d’obtenir un diplôme d’études secondaires.
Par exemple, au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), parmi les 4 578 élèves qui ont fait leur transition du primaire au secondaire cette année, 227 élèves (5,2 %) sont passés directement de la 5e année du primaire au secondaire.
Le fils d’Aurore Chollet devait tomber dans cette catégorie.
Quand son fils était en 5e année, elle a appris que parce qu’il redoublait une année, il sautait 6e année et irait directement au lycée, dans une classe d’éducation spécialisée pour élèves en difficulté.
Mmoi Chollet a été choquée et son fils, choqué et abasourdi d’apprendre qu’il ne terminerait pas l’école primaire avec ses amis. Comment son léger déficit d’attention, qui lui avait fait redoubler une année au début de l’école et qui lui avait valu des notes acceptables, rien de plus, pouvait-il maintenant lui faire sauter une année ?
Cela ne lui plaisait pas, ni à ses parents.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE
Aurore Chollet
Être mis dans une classe à part, hors de la voie normale, nuit à votre estime de soi.
Aurore Chollet, mère d’un élève en difficulté au primaire
L’enseignante est intervenue, « elle s’est battue pour nous, elle a écrit des lettres et elle a obtenu une dispense ». L’enfant a pu faire ses 6e année.
Il est maintenant en 3e secondaire, au secteur ordinaire (dit régulier). Toujours pas en tête de la classe, dit sa mère, mais marchant normalement et rêvant d’être pompier.
Une décision aussi décisive que surprenante, dans bien des cas
L’enjeu est de taille : un jeune qui passe directement de la 5e année à 1ré l’école secondaire sera dirigée vers une classe d’adaptation scolaire qui ne conduira que très rarement à un diplôme d’études professionnelles ou à un diplôme d’études secondaires. Ces classes, bien que de petite taille, n’offrent souvent pas de services spécialisés répondant aux besoins, notamment en raison de la pénurie de main-d’œuvre. C’est-à-dire qu’il est là, après le 6eque l’on sache quels jeunes peuvent au mieux aspirer à apprendre un métier semi-spécialisé (aide-boucher, aide-cuisinier, préposé à l’entretien) ou risquent de décrocher.
Il est impossible de quantifier le nombre d’étudiants au Québec qui sont dispensés de passer leur 6e année. Le ministère de l’Éducation nous a indiqué qu’il n’avait aucune donnée à nous transmettre sur le sujet. Et seulement 18 des 72 centres de services scolaires ou commissions scolaires ont été en mesure de répondre à nos demandes d’accès à l’information et savaient combien de leurs élèves étaient dans cette situation. Ce chiffre oscille entre 1 et 2 % de passages du primaire au secondaire dans les organismes qui documentent la question.
Souvent, les jeunes qui apprennent à la fin de leur 5e année ils passent directement en 1ré secondaire «sont contents de ce laissez-passer auquel ils ne s’attendaient pas», dit David Hamel, président du syndicat qui représente les enseignants du centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys à Montréal.
Pour ceux qui ont des difficultés d’apprentissage très importantes, l’école n’aurait pas pu faire mieux. Aussi la puberté se montre-t-elle, la primaire ne pouvant être allongée indéfiniment (un enfant ne peut d’ailleurs redoubler qu’une seule fois au cours de la primaire).
Mais pour d’autres jeunes à plus fort potentiel, « le petit coup de pouce supplémentaire non reçu » aura de lourdes conséquences, observe M. Hamel.
Tout comme lui, M.moi Chollet indique que la possibilité que le 6e année ne se fait pas est souvent une surprise, tant pour les parents que pour les enfants.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE
Pourquoi ? Un responsable du système scolaire nous a expliqué que puisque la décision se prend au cas par cas et que les écoles changent souvent de directeur, on se contente d’expliquer aux parents ce qui va se passer l’année suivante, sans s’embarquer dans la séquence de choses.
Mmoi Chollet aurait préféré savoir. Car lorsque la pertinence de faire redoubler ou non son fils a été discutée avec la direction de l’école, si elle avait su que cela pouvait entraîner un 6e année qui ne se produirait pas, « cela aurait pu peser sur la décision ».
Le CSSDM n’a pas répondu à notre demande de précisions sur les 227 élèves qui ont eu un laissez-passer cette année.
Des pratiques très variables au Québec
Le parcours des élèves en difficulté au primaire est finalement très variable selon leur lieu de résidence au Québec et selon la propension ou non des centres de services scolaires à multiplier les demandes de dispenses.
Juste à côté, au centre de services scolaire Pointe-de-l’Île à Montréal, un seul élève en 2022 est passé directement du 5e année du primaire à l’année 1ré secondaire. Ils étaient pourtant 61 dans ce cas 10 ans plus tôt. Pourquoi une telle diminution, voire une quasi-disparition de cette pratique ? Me Valérie Biron, porte-parole de ce centre de services scolaire, répond que la pandémie explique sans doute la volonté plus précise depuis deux ans de permettre aux élèves de « boucler leur cycle d’apprentissage ».
Au centre de services scolaire des Laurentides, aucun élève ne passe directement du 5e année à 1ré secondaire, car, nous dit-on, « cette pratique n’est pas en vigueur dans [l’]organisme « .
Autre particularité de ce centre : tous les élèves en difficulté scolaire sont en classe ordinaire (dite régulière) car avec les classes d’adaptation, le Centre « avait ainsi l’impression de créer des décrocheurs », explique Julie Lamonde, directrice adjointe. (Cependant, il existe encore des classes spéciales pour les enfants handicapés, par exemple.)
Comme partout ailleurs, certains élèves échoueront en fin de 6emais ce centre de services croit en la promotion habituelle, année après année, et un 6e année faite en bonne et due forme. Mmoi Mme Lamonde se dit chanceuse, souligne-t-elle, de ne pas connaître une importante pénurie de personnel dans son centre.
Au Centre de services scolaire de Sherbrooke, 53 élèves sur 1 942 ont sauté leur 6e année. Donald Landry, directeur des communications, qui a été enseignant et directeur auparavant, souligne que la décision est laissée entre les mains de l’enseignant. Il exerce son jugement au cas par cas, une façon de faire qu’il juge préférable, le Centre n’étant pas favorable aux « mesures mur à mur ».
Michèle Henrichon, l’institutrice de 6e année de Montréal qui s’est battue pour obtenir une dérogation pour le fils de Mmoi Chollet, ne cache pas que ses démarches ont fait sourciller, les demandes de dérogations homologuées étant rares au CSSDM.
Pour que l’enfant puisse faire ses 6e année, il faut être certain que cela favorise sa réussite, qu’il passera son 6e année.
Michèle Henrichon, enseignante de 6e année
Quel élève bénéficiera d’un 6e année ? Pourquoi l’école primaire a-t-elle été à la fin de ce qu’elle pouvait faire ? Ceci est souvent basé sur l’intuition, dit Mme.moi Henrichon, qui dit toujours qu’il fait en sorte de discuter avec l’élève pour que son souhait fasse partie de l’équation.
Égide Royer, psychologue, enseignant-chercheur dont les travaux portent sur les élèves en difficulté, explique que tout cela rappelle l’importance d' »agir tôt », de faire redoubler rapidement un enfant.ré année qui éprouve des difficultés importantes en lecture plutôt que de reporter le problème, qui ne se résoudra pas comme par magie.
Tout doit être fait, dit-il, pour éviter de sortir un élève de la voie dite régulière car une fois en classe d’adaptation au secondaire, très peu sont ceux qui obtiendront leur diplôme d’études secondaires, les objectifs d’apprentissage étant alors en baisse.
Avec Guillaume Leclerc, La presse
Une version précédente identifiait incorrectement la personne-ressource du Centre de services scolaire des Laurentides.
Quelques rares cas peuvent être liés à la douance, mais la pratique de souffler un 6e année pour cette raison est très rare.
* La maternelle est exclue du décompte, elle relève du préscolaire.
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