plusieurs femmes témoignent contre Mohamed Al-Fayed

C’est une affaire qui a secoué la Grande-Bretagne. Le 19 septembre, une enquête exclusive de la BBC donnait pour la première fois la parole aux victimes du milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed, décédé en août 2023 à l’âge de 94 ans.

Au total, 37 plaintes ont été déposées en Angleterre et une vingtaine de victimes se sont fait connaître auprès de la BBC. Il s’agit, pour la plupart, d’anciens employés de l’homme d’affaires, propriétaire des magasins londoniens Harrods et de l’hôtel Ritz à Paris, connu également pour être le père de Dodi Al-Fayed, le dernier amant de Diana, décédé avec elle dans un accident de voiture. sous le pont de l’Alma, à Paris, en 1997.

Dans ce documentaire intitulé Al-Fayed : un prédateur chez Harrods, cinq de ces femmes ont raconté à la BBC les viols dont elles ont été victimes.

Un mode opératoire précis

Certaines victimes ont accepté de témoigner sous un prénom d’emprunt tandis que d’autres ont renoncé à leur droit à l’anonymat. Devenu propriétaire des magasins Harrods en 1985, Mohamed Al-Fayed parcourait régulièrement les vastes salles de vente du grand magasin et identifiait les jeunes assistantes qui lui plaisaient.

Son mode opératoire ? Proposer une promotion à ses salariés pour travailler dans ses bureaux situés à l’étage, précise la BBC. Les agressions ont eu lieu, selon des témoignages, dans les bureaux d’Harrods, dans l’appartement londonien du milliardaire, lors de ses déplacements au Ritz à Paris ou encore dans sa propriété voisine, la villa Windsor, située à proximité du bois de Boulogne. .

Gemma, l’une des assistantes personnelles de Mohamed Al-Fayed entre 2007 et 2009, affirme avoir été violée dans la villa de Windsor. Un soir, elle se souvient s’être réveillée en sursaut et avoir surpris le milliardaire allongé à côté d’elle, vêtu d’une simple robe de chambre. “J’étais en quelque sorte allongée face contre terre sur le lit et il s’est juste pressé contre moi”, a-t-elle déclaré à la BBC.

Lorsqu’elle a commencé à travailler chez Harrods, Sophia avait 20 ans. Elle raconte à la BBC le « cauchemar » dans lequel elle a vécu. “Je ne pouvais pas quitter (Harrods), je n’avais pas de famille pour me soutenir, je devais payer mon loyer.”

“C’était un monstre”

Une autre, Rachel, 19 ans, travaillait comme assistante personnelle chez Harrods dans les années 1990. Un soir, après le travail, elle a déclaré à la radio britannique qu’elle avait été appelée dans un appartement de luxe appartenant à Mohamed Al-Fayed, situé dans un grand immeuble de Park Lane surplombant Hyde Park à Londres. Le bâtiment était protégé par du personnel de sécurité et disposait d’un bureau sur place composé d’employés de Harrods.

L’homme d’affaires n’hésite pas, lui demande de s’asseoir sur son lit et lui pose la main sur la jambe. « Je me souviens avoir senti son corps sur moi, son poids. Je l’ai entendu faire ces bruits. Et… je me suis réfugiée ailleurs dans ma tête », raconte Rachel.

« J’ai clairement indiqué que je ne voulais pas que cela se produise. Je n’ai pas donné mon consentement (…) Il m’a violée”, ajoute-t-elle.

La plus jeune de ses victimes, Kate, affirme qu’elle n’avait que 16 ans au moment des faits. “Il m’a demandé si j’avais un petit ami et si j’avais été sexuellement active”, a-t-elle déclaré à la BBC. Convoquée un soir à son appartement, la jeune femme raconte avoir été menacée après avoir repoussé les avances du milliardaire. « Les portes étaient verrouillées et je ne pouvais pas sortir. Il m’a violée”, témoigne-t-elle.

“Je veux que les gens comprennent pleinement à quel point il était un monstre”, a déclaré Kate à la BBC.

“Tout le monde savait”

Plusieurs femmes ont déclaré à la BBC que la direction d’Harrods les avait testées pour le VIH et les infections sexuellement transmissibles, mais n’avait jamais reçu les résultats.

“Personne n’a intérêt à connaître ma santé sexuelle, à moins que vous ayez l’intention de coucher avec quelqu’un, ce qui me donne des frissons aujourd’hui”, a déclaré Katherine, embauchée comme assistante de direction, à la BBC par Mohamed Al-Fayed en 2005.

Dans une interview devant la caméra, la femme raconte que le milliardaire lui faisait régulièrement des commentaires sur son physique et lui donnait de l’argent pour acheter de nouveaux vêtements. Lorsqu’elle est appelée dans son bureau, l’homme essaie de l’embrasser, mais Katherine l’esquive de peu. “J’ai tourné la tête vers la droite, si vite que sa langue s’est retrouvée dans mon oreille”, raconte-t-elle au Parisien.

“A plusieurs reprises lorsqu’il est venu me saluer, il a pris mes seins dans ses mains, les serrant très fort et les tordant, pour me faire mal”, témoigne Katherine.

Pour la plupart de ces femmes, déposer une plainte n’était pas une option. Mohamed Al-Fayed était considéré comme un homme trop influent. En 2015, une première enquête avait été ouverte par la police britannique pour viol, mais le milliardaire n’avait pas été inculpé.

“Tout le monde était au courant”, a déclaré à la BBC Tony Leeming, directeur du magasin entre 1994 et 2004. Selon lui, les « attouchements » commis par le propriétaire étaient même devenus un sujet de plaisanteries.

“Nous savions qu’il s’intéressait beaucoup aux jeunes filles”, explique Eamon Coyle, qui a rejoint Harrods en 1979 en tant que détective de magasin, avant de devenir directeur adjoint de la sécurité de 1989 à 1995.

Un appel lancé par la police britannique

La BBC accuse également Harrods de ne pas être intervenue, et d’avoir également tenté d’étouffer les accusations d’agression sexuelle. La direction actuelle du célèbre magasin a condamné “fermement” le comportement de son ancien propriétaire, décédé à l’âge de 94 ans, et s’est excusée d’avoir “laissé tomber (les) salariés qui ont été ses victimes”.

Ce jeudi, la police britannique a exhorté toutes les victimes d’abus sexuels présumés commis par Mohamed Al Fayed à se manifester. À ce jour, elle a déclaré disposer de 19 allégations de crimes impliquant Fayed entre 1979 et 2013, selon Sky News. Parmi les victimes potentielles, 15 d’entre elles déclarent avoir subi une agression sexuelle et une avoir été victime de traite des êtres humains.

Article original publié sur BFMTV.com