PODCAST. Le jeune péril de Joe Biden

L’élection présidentielle se jouera-t-elle aussi dans les universités ? C’est le sujet du 4ème épisode de Washington d’ici, le podcast inédit avec des correspondants des médias publics francophones.

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Des manifestants manifestent lors d’un rassemblement pro-palestinien, à la California State University, à Los Angeles, Californie, le 7 mai 2024. (ETIENNE LAURENT / AFP)

À New York, en Californie, dans les Rocheuses, au Texas : les campus américains sont en feu depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas. Des camps « Palestine libre » ont vu le jour dans les universités pour protester contre la politique du président américain Joe Biden à l’égard d’Israël et pour exiger la fin de la guerre à Gaza. « Il faut savoir qu’il y a toujours une position particulière, exceptionnelle des Etats-Unis par rapport à Israël.explique Frédéric Arnould, correspondant de Radio-Canada. C’est un soutien indéfectible et donc, d’une certaine manière, Joe Biden ne fait pas exception à cette règle.»

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, puis la réponse israélienne, le bilan s’élève à plus de 35 000 morts, pour la plupart des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas. A travers ces manifestations sur les campus américains, les étudiants réclament « un cessez-le-feu immédiat »mais « ils demandent aussi aux universités qui sont encore de grandes entreprises privées qui investissent pour des fonds de pension, qui investissent pour gagner de l’argent dans des entreprises qui, en l’occurrence, font parfois des affaires avec Israël, on parle ici de fabricants, d’armements et donc ils demandent que ces universités dépouiller »poursuit Frédéric Arnould.

Harvard, Stanford, Yale, les débats sont parfois houleux dans plusieurs universités prestigieuses des Etats-Unis, entre partisans des deux camps. A l’université George Washington, située dans la capitale fédérale, un camp a été organisé avant d’être évacuée par la police. « C’est vraiment tragique de voir que dans certains cas, les autorités, les personnes qui ont juré de nous protéger, brutalisent nos étudiants ou ne font rien pour les protéger.témoigne Kayla, une des porte-parole du camp GWU, s’adressant à Guillaume Naudin de RFI. Cela montre simplement la complicité de l’Amérique dans la répression et dans cette occupation. Cela montre que nos universités sont tellement liées à ce génocide qu’elles le financent activement, qu’elles sont prêtes à réprimer et à attaquer leurs propres étudiants qui ne répondent pas à nos revendications. »

« Au Congrès, les élus demandent d’élargir la définition de l’antisémitisme pour inclure la critique de l’État juif. C’est vraiment un sujet devenu très politique.»

Sonia Dridi, correspondante de la RTBF aux Etats-Unis

« J’étais très curieux de voir qui manifestait et c’était vraiment des étudiants de toutes originesnote Sonia Dridi, correspondante de la RTBF. L’une des premières manifestantes à qui j’ai parlé était une étudiante juive qui m’a dit qu’elle était une descendante de survivants de l’Holocauste et qu’elle avait grandi en sachant que nous devions dénoncer les génocides et que pour elle, il était assez paresseux de qualifier ces manifestations d’anti-génocides. -Sémitique, c’est en fin de compte croire que tous ceux qui soutiennent le mouvement pro-palestinien sont des antisémites. C’est aussi une manière d’attirer l’attention ailleurs.»

Joe Biden est resté silencieux plusieurs jours, avant de finalement prendre la parole. « Il y a le droit de manifester, mais pas le droit de semer le chaos »a-t-il déclaré. Les gens ont le droit de recevoir une éducation, d’obtenir un diplôme, de traverser le campus à pied en toute sécurité sans craindre d’être attaqués. L’antisémitisme et les menaces de violence contre les étudiants juifs n’ont pas leur place sur les campus ou en Amérique. Il n’y a pas de place pour les discours de haine ou la violence sous quelque forme que ce soit. Qu’il s’agisse d’antisémitisme, d’islamophobie ou de discrimination contre les Arabes américains ou les Palestiniens américains.»

Un appel au calme du Président envers l’électorat étudiant. «C’est sûr qu’il y a certains voyants rouges qui commencent à clignoter sur le tableau de bord des démocratesestime Frédéric Arnould. Alors là, il essaie comme il peut, parce que c’est compliqué pour lui, parce qu’il y a ce soutien toujours indéfectible d’Israël. Mais en même temps, il doit montrer qu’il entend cette protestation. Alors petit à petit, on sent que le discours de Biden et des démocrates s’adoucit un peu. »

« Joe Biden essaie de ne pas s’aliéner ces électeurs, car si ces jeunes ne sortent pas en novembre pour voter pour lui, il doit évidemment montrer qu’il les écoute et ça, c’est important. »

Frédéric Arnould, correspondant de Radio-Canada aux États-Unis

« Le vote des jeunes n’est pas crucial, mais il est important », estime Sonia Dridi, précisant qu’en 2020, la tranche des 18-29 ans est celle qui a voté le plus fortement pour Joe Biden. Pourquoi les jeunes sont-ils importants ? « C’est parce que ce sont eux qui, sur le terrain, se mobilisent. Ce sont eux qui font campagne de façon dynamique et qui font du porte-à-porte. Ce n’est donc pas tant leur vote qui sera décisif pour l’élection de Joe Biden, mais plutôt leur capacité à se mobiliser.»

Quel est le rôle des Républicains ? « Les Républicains espèrent profiter de cette situation en essayant de porter un procès d’antisémitisme à toutes ces manifestations.estime Jordan Davis de la RTS. Il y a eu un consensus bipartisan autour d’Israël pendant des décennies. Là, ça commence vraiment à arriver et surtout avec Joe Biden, qui se décrit lui-même comme sioniste, et qui dit ‘Attends, je vais dire stop à Benjamin Netanyahu’, il faut poser des limites. »


« Washington d’ici » est un podcast des médias publics francophones. Une fois par mois, les correspondants de franceinfo, RTBF, Radio-Canada, RTS et RFI décryptent, à leur manière, les toutes dernières nouvelles de la campagne pour l’élection présidentielle américaine de 2024. Avec Sébastien Paour (franceinfo), Jordan Davis (RTS), Frédéric Arnould (Radio-Canada), Sonia Dridi (RTBF) et Guillaume Naudin (RFI). Réalisateur : Philippe Benoit (RTBF) et Régis De Rath (RTBF).