Peut-être est-ce une voisine du couloir, qui met le réveil à l’aube pour s’occuper de la maison avant que les enfants ne se réveillent ? Une collègue de travail, qui s’éclipse discrètement le soir et ne se livre jamais sur sa vie privée ? Une amie qu’on ne sait plus comment inviter aux « dîners de couple » ? Peut-être est-ce vous-même, cette mère célibataire qui se sent parfois seule ou dépassée ? L’enquête de la journaliste Libérer Johanna Luyssen donne un visage et une appartenance collective à ces plus de 1,5 million de femmes qui élèvent seules leurs enfants.
C’est d’abord un portrait saisissant. Une famille sur quatre est monoparentale en France, et 82 % de ces parents isolés sont des mères. Pour elles, la précarité est parfois une menace, souvent une réalité : comme l’écrit Johanna Luyssen, 22 % des enfants de familles monoparentales avec leur père étaient pauvres en 2018 – une proportion proche de la moyenne –, contre 45 % pour les enfants de familles monoparentales avec leur mère.
Chapitre par chapitre, l’auteure énumère les difficultés auxquelles ces femmes sont confrontées dans leur vie quotidienne. Il y a le logement, bien sûr. Johanna Luyssen, elle-même mère célibataire, raconte qu’après deux ans d’attente pour un logement social à Paris, une conseillère lui a expliqué que, selon les normes du secteur du logement social, un parent isolé et un enfant signifie un deux-pièces, un parent isolé et deux enfants signifie un trois-pièces, etc. “on vous ordonne de dormir dans le salon”Elle résume. Viennent ensuite les questions de l’emploi et de la vie professionnelle (67% des mères célibataires travaillent, contre 81% des pères dans le même cas), de la garde des enfants, de la santé physique et mentale. Le tableau est accablant.
Pension alimentaire impayée
C’est sans doute pourquoi, dans la deuxième partie du livre, Johanna Luyssen tente de donner des raisons d’espérer : des pistes pour un logement abordable, par exemple des initiatives de logement communautaire ; des moyens de convaincre son entreprise de financer des gardes d’enfants à moindre coût… Cependant, la majorité des actions qui pourraient transformer la vie de ces femmes reposent sur une volonté politique et sur des réformes qui ne sont pas actuellement à l’ordre du jour.
L’exemple le plus parlant est celui des pensions alimentaires : en 2019, les impayés s’élevaient à 40 %. L’objectif de l’organisme public chargé de les recouvrer est de réduire ce taux à 21 % d’ici 2027. Cela représente toujours un impayé sur cinq…
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