pour ne déplaire à personne, le Premier ministre est-il condamné à rester vague dans ses propos ?

Michel Barnier prononce son discours de politique générale mardi 1er octobre à 15 heures. Une belle présentation orale dans un contexte politique exceptionnellement difficile. Résumons : le Premier ministre n’a pas de majorité, il vit sous la menace permanente d’une motion de censure, et les caisses de l’Etat sont vides, une situation financière calamiteuse qui nécessite des mesures urgentes et difficiles. Bref, comme le disait l’un de ses prédécesseurs à Matignon, Jean-Pierre Raffarin : “la pente est raide”. Sauf que pour Michel Barnier, la route n’est pas forcément droite.

Pour éviter une sortie de route, le premier ministre devra prendre des virages serrés. Il est pris entre deux feux : les flèches du RN, à qui il a dû donner des gages, allant jusqu’à appeler Marine Le Pen la semaine dernière. Les revendications des députés du groupe Ensemble, dont beaucoup, à commencer par Gabriel Attal et Gérald Darmanin, ont fait connaître leur opposition à toute augmentation d’impôts. La surenchère de la droite de LR, qui multiplie les menottes en matière de sécurité et d’immigration, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau allant jusqu’à remettre en question “l’État de droit”une sortie qui a indigné les macronistes. Pour slalomer entre de tels écueils sans déplaire à personne, Michel Barnier n’a d’autre chemin à emprunter que la diagonale du flou.

Il doit encore préciser sa feuille de route et il sera sérieux et solennel sur le constat, de la situation des finances publiques plus dégradée que prévu, et ferme sur les intentions, l’urgence de rétablir la sécurité, ou de reprendre le contrôle d’un « immigration incontrôlée ». Bref, Gaullien ! Il énumérera également les références au Général, son héros d’enfance. Il insistera également sur sa méthode, la “co-construction” législatives, le respect de tous les députés, RN et LFI inclus, la volonté de construire des majorités élargies texte par texte. En termes de réformes, le Premier ministre devrait être plus prudent et reporter bon nombre d’entre elles à de nouvelles discussions et consultations.
Sa situation politique est très fragile et il connaît la célèbre maxime du cardinal de Retz : « Nous n’échappons à l’ambiguïté qu’à ses dépens. » Une ambiguïté qui agace ses partisans macronistes. Ils ressortent volontiers l’avertissement de la grand-mère de Martine Aubry : “Quand c’est flou, il y a un loup” . Compte tenu des exigences contradictoires que Michel Barnier doit concilier, il y en a sans doute même toute une meute.