Mais qu’est-ce qui fait encore courir Sandrine Martinet ? A presque 42 ans, dont près de la moitié sillonne les tatamis du monde entier, la judoka française a décroché une nouvelle médaille, l’argent, jeudi 5 septembre, en finale des moins de 48 kilos dans la catégorie J2 (déficients visuels). Un métal qu’elle semble apprécier puisque, en six participations aux Jeux paralympiques, la Montreuilloise a déjà atteint la deuxième marche du podium à trois reprises : à Athènes, en 2004, Pékin, en 2008, et Tokyo, en 2021. A Rio, en 2016, elle avait décroché le titre paralympique. Les Jeux de 2004 avaient marqué l’entrée du judo dans le programme paralympique féminin, seize ans après son arrivée dans la catégorie masculine, aux Jeux de Séoul.
« Quant aux trois autres (médailles d’argent)Je leur fais un peu la tête, parce que j’aurais pu faire mieux et j’ai eu quelques regrets concernant la finale, mais pas celle-ci »« Je suis très fière de moi et je suis fière de moi. Je suis …
« Cela a été si difficile d’arriver ici, ce n’est pas de l’or, mais ça vaut de l’or », a réagi Sandrine Martinet, avant de participer à la cérémonie des vainqueurs, serrant sa médaille dans sa main pour en apprécier pleinement la valeur. Si elle ne regrette rien de cette finale, au cours de laquelle elle estime avoir « tout donné »cette mère de deux enfants, mariée à un militaire de carrière, avoue avoir souffert durant sa préparation. « Nous faisons beaucoup de sacrifices, nous sommes souvent loin de chez nous, je viens de passer un mois sans voir ma famille, elle insiste. La préparation a été longue, douloureuse, difficile.
Une longévité rare
« Je pars une partie de la semaine pour aller à Paris m’entraîner à l’Insep (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) et à l’Institut de Judo, puis je rentre à la maison et puis il y a les stages, les compétitions, explique le kinésithérapeute installé dans le Mâconnais. Le multi-médaillé est l’un des trois membres de l’équipe de France de para judo (qui compte neuf qualifiés) invités à s’entraîner avec l’élite française du judo. « C’est aussi le cas d’Hélios Latchoumanaya et de Nathan Petit, déclare Antoine Hays, le directeur du para judo. Les autres se préparent dans leurs régions respectives, mais tous se confrontent aux voyants, c’est dans nos pratiques quotidiennes. La seule différence avec le judo est la saisie du kimono.
Au début de chaque séquence de combat, Sandrine Martinet doit poser une main sur la manche de son adversaire, l’autre sur le revers de sa veste. Ces gestes sont répétés des milliers de fois par cette passionnée de sport née avec une pathologie appelée achromatopsie, une maladie génétique qui provoque une perte de vision des couleurs et une sensibilité extrême à la lumière. Dans la cour de récréation, la collégienne s’essaie d’abord au football, puis découvre le judo à 9 ans. Elle participe rapidement à des compétitions valides avant d’exceller en para judo.
« J’ai tout connu »elle le dit sans la moindre arrogance, tant il est vrai qu’elle a construit une carrière d’une rare longévité, ponctuée de titres et de défaites ; de blessures légères et de blessures rageantes, comme cette cheville fracturée qui l’a empêchée d’accéder à la finale des Jeux de Londres en 2012 ; de fierté d’avoir porté le drapeau de la délégation française à la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo et d’avoir prononcé, avec Arnaud Assoumani, le serment des athlètes aux Jeux de Paris 2024.
Enregistrement unique
« Sandrine a un parcours exceptionnelconserve son entraîneur en équipe de France, Cyril Pages. Elle a su élever ses standards pour maintenir un niveau élevé, en puisant sa force dans ses ressources mentales et physiques. Elle envisageait d’arrêter après Tokyo, mais les changements de classification et de poids l’ont convaincue de revenir à l’action. Nous l’avons soutenu du mieux que nous avons pu, témoigne Antoine Hays, en mettant en place une cellule avec un préparateur physique, un voire deux kinésithérapeutes.
Cette athlète au palmarès unique a dû se battre pour vivre du judo. En 2022, elle rejoint l’armée des champions, au sein du bataillon Joinville, qui lui assure un salaire stable. « Je ne sais pas pourquoi il a été si difficile d’obtenir cette opportunité, mais mieux vaut tard que jamais. », sourit le licencié PSG Judo, qui peut également compter sur le soutien de sponsors, parmi lesquels Danone et le Groupe BPCE.
Dans cette nouvelle configuration, elle ne s’interdit pas, « si le corps suit »pour prolonger l’aventure jusqu’aux Jeux de Los Angeles en 2028 : « Le judo a changé ma vie, il m’a apporté tellement de choses, humainement et sportivement, que je ne veux pas que cela s’arrête. » C’est ce qui fait encore courir Sandrine Martinet.