Pour son débat contre Trump, « Harris ne peut pas faire pire que Biden »

LLa lune de miel est terminée. Après l’euphorie du retrait de Joe Biden, de la sélection de Tim Walz comme colistier et de la convention démocrate, Kamala Harris le sait : dans une Amérique fracturée, l’élection présidentielle du 5 novembre – comme en 2020 et 2016 – sera particulièrement serrée. Et ce mardi soir (21 heures à Philadelphie, 3 heures du matin mercredi à Paris), son débat face à Donald Trump, pour l’instant le seul prévu de la campagne, s’annonce crucial.

En politique américaine, les experts disent que les débats font rarement bouger les choses. Mais dans ce qui ressemble désormais à un sprint, à moins de deux mois de l’élection, près d’un Américain sur trois dit avoir besoin d’en « apprendre davantage » sur Kamala Harris, selon un sondage publié dimanche par le Le New York Times ; signe que l’opinion n’est pas complètement figée. Après son élan initial, la démocrate semble marquer le pas. Les deux candidates sont quasiment à égalité dans les sondages nationaux et sont au coude à coude dans les sept Etats qui feront basculer l’élection : Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie, Nevada, Arizona, Géorgie et Caroline du Nord.

À LIRE AUSSI Que valent les programmes économiques de Donald Trump et Kamala Harris ? Ce mardi soir, Kamala Harris devra clarifier ses valeurs, mais surtout son programme, qu’elle vient tout juste de mettre en ligne sur son site de campagne. Notamment sur l’économie et l’immigration, deux sujets brûlants sur lesquels les Américains font davantage confiance à Donald Trump (de 13 et 10 points de plus). Selon Aaron Kall, directeur des débats à l’université du Michigan, dont les étudiants ont remporté le titre national au printemps dernier, Kamala Harris va tenter de « faire le procès de Donald Trump ». Mais l’ancienne procureure s’est souvent montrée plus à l’aise pour poser des questions que pour y répondre.

Le point : Quelles sont les principales forces de Kamala Harris en tant que débattrice ?

Aaron Kall : Elle a été procureure pendant des années en Californie. Cela la place dans une bien meilleure position pour juger Donald Trump et vérifier les faits en temps réel, ce que le président Biden a eu du mal à faire lors du débat de juin à Atlanta. En tant que sénatrice, Harris a montré son talent en interrogeant Brett Kavanaugh, Jeff Sessions et Bill Barr. Elle est habituée à des événements de grande envergure comme celui-ci, a construit une carrière en demandant des comptes aux puissants et semble intrépide sous la pression. Elle est bien préparée et disciplinée. Il est important qu’elle ne se laisse pas déstabiliser par Trump, sinon elle fera des erreurs injustifiées. Mais quoi qu’il en soit, elle ne peut pas faire pire que Biden en juin.

Quelles sont ses faiblesses ?

Kamala Harris a une expérience considérable. Elle a participé à cinq débats lors des primaires démocrates de 2019. Elle s’est illustrée en accusant Joe Biden de ne pas avoir soutenu le système de bus scolaires pour réduire la ségrégation dans les écoles publiques (dont elle a profité en Californie, en disant à Biden : « Cette petite fille, c’était moi », NDLR).

Mais après un bon départ, elle a eu des résultats décevants et s’est retrouvée coincée dans un va-et-vient avec Tulsi Gabbard, qui conseille désormais Trump. Harris a eu du mal à défendre son bilan en tant que procureure face aux attaques de sa gauche. Elle a du mal à marquer des points en étant concise et se retrouve souvent dans des réponses confuses.

Le discours se fera sans public et avec les micros coupés lorsque ce n’est pas le tour du candidat de parler. Est-ce que cela lui donne un avantage ?

Non, elle n’a pas débattu depuis quatre ans et n’a jamais participé à un débat sans public. Dommage pour elle que les micros soient coupés : contre Mike Pence en 2020, elle avait marqué ses meilleurs points en disant : « Monsieur le vice-président, c’est moi qui parle. »

Quelle stratégie Donald Trump va-t-il employer ?

Donald Trump semblera probablement discipliné au début du débat, se concentrant sur les grands sujets comme l’économie, l’inflation et l’immigration. Mais dans les 90 minutes qui suivent, il reviendra probablement à ses attaques ad hominem, espérant que Kamala Harris perde son sang-froid. Trump est un redoutable contre-attaquant qui répond lorsqu’il est attaqué ou sous pression.

À LIRE AUSSI Harris-Trump : pourquoi rien n’est joué à deux mois de l’élection américaineQuels conseils Tulsi Gabbard, qui a notamment tenté de dépeindre Kamala Harris comme une hypocrite, peut-elle lui donner ?

Gabbard avait reproché à Harris d’être trop répressive. Cela avait fonctionné lors d’une primaire démocrate, mais pas pour une élection présidentielle. En revanche, elle avait critiqué Kamala Harris pour son soutien à l’interventionnisme américain. Trump, qui partage des positions similaires sur la guerre en Ukraine, pourrait utiliser cette ligne d’attaque pour renforcer sa doctrine « America First ».