Pourquoi deux nouvelles plaintes seront déposées dans l’affaire de l’eau en bouteille traitée illégalement

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L’ONG Foodwatch doit déposer mercredi deux nouvelles plaintes pour “tromperie” auprès du tribunal judiciaire de Paris : l’une contre la société Alma, l’autre contre le groupe Nestlé, selon nos informations. La multinationale suisse avait pourtant scellé il y a quelques jours un accord avec la justice, censé mettre un terme à la procédure judiciaire en cours.

« Une négociation financière ne doit pas mettre un terme aux enquêtes sur une fraude d’ampleur internationale. » Alors que le tribunal d’Epinal annonçait il y a quelques jours la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), censée permettre à Nestlé d’échapper à un éventuel procès dans cette affaire, en échange du paiement d’une amende de 2 millions d’euros, l’ONG Foodwatch porte à nouveau plainte, et demande la nomination rapide d’un juge d’instructionainsi que des « sanctions exemplaires », selon les informations de franceinfo et du Monde.

Il s’agit de deux nouvelles plaintes, cette fois avec constitution de partie civile, déposées auprès du tribunal judiciaire de Paris, pour faire la lumière sur la responsabilité des industriels dans cette vaste affaire de tromperie des consommateurs, mais aussi sur le manque de transparence de l’État dans cette affaire. En effet, comme le révèle Le monde et la cellule enquête de Radio France en janvier 2024, le gouvernement avait été informé en 2021, par l’entreprise Nestlé elle-même, lors d’une réunion organisée à Bercy avec le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, à l’époque ministre de l’Industrie, de la mise en œuvre de traitements illicites destinés à purifier des sources d’eau contaminées par des bactéries et des pesticides.

Après avoir joué le jeu de la négociation avec l’industriel, le gouvernement avait décidé d’accorder, lors d’une réunion interministérielle en février 2023, une dérogation au groupe Nestlé afin qu’il puisse continuer à utiliser des microfiltres interdits par la réglementation sur les eaux minérales naturelles, censées être naturellement exemptes de toute forme de contamination. Cette décision avait été prise par le gouvernement malgré l’avis contraire de ses administrations. Selon des documents qui Le monde et Radio France ont pu consulter, l’agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) avait prévenu le gouvernement que Nestlé pourrait demander de telles dérogations afin de continuer à embouteiller ses eaux, mais que l’octroi d’une telle dérogation ne serait pas “pas acceptable”, et que cela pourrait exposer la France au risque d’un contentieux européen.

Dans un audit publié cet été, la Commission européenne a également souligné la « graves lacunes » de la France cette affaire, et a souligné, non seulement le “collaboration insuffisante au sein des autorités compétentes” mais aussi “l’absence de mesures de suivi immédiates« pour garantir que les industriels »remédier aux non-conformités” En bref : l’attitude de laisser-faire des autorités envers les industriels.

Selon Foodwatch, « La pollution des sources exploitées par Nestlé n’aurait pas dû conduire à l’utilisation de traitements interdits, mais à l’interruption de la distribution d’eau minérale, et à l’information des tribunaux et des consommateurs. » L’ONG, qui explique avoir « a refusé l’argent de Nestlé » dans le cadre du CJIP, « ne peut se résoudre à enterrer l’affaire de fraude massive qui touche le monde entier depuis des décennies, notamment le célèbre Perrier »avant de préciser que “L’impunité est inacceptable, un accord financier scellé à Epinal ne doit pas mettre un terme aux enquêtes sur une fraude d’ampleur internationale“.

Si l’ONG insiste sur le cas du “célèbre” Marque Perrier, ceci parce que l’accord financier scellé le 10 septembre ne concerne que Nestlé Waters Supply Est, c’est-à-dire les marques Vittel, Hépar et Contrex, ce qui a été confirmé, à Monde et à franceinfo, le procureur d’Epinal Frédéric Nahon. Le monde et Radio France révélait en janvier dernier que le directeur de l’ARS Occitanie, Didier Jaffre, n’avait pas, contrairement à son homologue de l’Est, signalé les faits à la justice, comme l’exige l’article 40 du code de procédure pénale, selon lequel toute administration ou agent de l’Etat a l’obligation de dénoncer tout crime ou délit dont il a connaissance.

Cependant, comme le souligne Foodwatch, “Le scandale des filtrations illégales touche également la marque Perrier et les captages situés dans le Gard“La situation au sein de l’usine Perrier est peut-être même la plus préoccupante, puisque depuis avril dernier, près de 3 millions de bouteilles de la marque ont dû être détruites en raison, selon la préfecture, d’un « risque pour la santé des consommateurs » suivant « un épisode de contamination par des germes indiquant une contamination d’origine fécale ». Selon la plainte de Foodwatch, il est encore possible « s’interroger sur le risque sanitaire » pour les consommateurs,”tant sur les eaux qui ne sont plus traitées que sur les eaux qui le sont encore, compte tenu de l’ampleur de la contamination à laquelle elles sont soumises.”

Dans sa seconde plainte, Foodwatch revient également sur l’accusation portée contre le groupe Alma, à l’origine de toute cette affaire. C’est en effet sur la base du signalement d’un salarié du groupe Alma que la DGCCRF avait découvert, en 2020, l’utilisation de filtres interdits. L’exploitation des listes de clients du groupe avait alors révélé que d’autres industriels du secteur, notamment Nestlé, avaient utilisé des procédés de purification non conformes.

Afin d’étayer sa plainte, l’ONG Foodwatch a pu joindre des factures, des bons de commande, des photos mais aussi des échanges de mails, que Franceinfo a pu consulter, et qui prouvent le recours à ces traitements interdits, notamment l’injection de CO2 destiné à carbonater l’eau.exception”, mais aussi l’utilisation de sulfate de fer, traditionnellement utilisé pour éliminer l’arsenic dans les eaux usées. Le groupe Alma, que nous avions contacté en janvier, nous avait pourtant assuré qu’il n’utilisait pas “aucun traitement non conforme sur aucune de ses marques”. Il parle maintenant à la Monde et Franceinfo, « faits anciens et isolés »et déclare que “« La salubrité et la sécurité alimentaire de nos eaux n’ont jamais été remises en cause. »

De son côté, le procureur de Cusset, en charge de l’enquête préliminaire ouverte contre la société Alma, interrogé par Le Monde et Franceinfo concernant l’éventuelle ouverture d’une information judiciaire, n’a pas encore été en mesure de nous répondre.

Elise

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