pourquoi la CAF est une boîte noire pour ses bénéficiaires

Le calvaire commence toujours de la même façon. Un message de la Caisse d’allocations familiales (CAF), et le versement de la prime d’activité, du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’aide personnalisée au logement (APL) est interrompu. S’installe alors un dialogue de sourds avec l’organisme social, qui peut s’éterniser. « Pendant toute une période de ma vie, j’ai eu une nouvelle routine matinale : Je me lève, je me fais un café, j’appelle mon CAF »se souvient Léa (les prénoms des bénéficiaires ont été modifiés à leur demande). Cette musicienne, bénéficiaire du RSA en Eure-et-Loir, s’est battue tout au long de l’année 2023 pour rétablir ses droits suite à une erreur dans le traitement de son dossier.

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Les différents « naufragés » de la CAF interrogés par Le monde font le même récit de décisions vécues comme arbitraires, faute d’explication. Catherine, mère de trois enfants habitant à Amiens, dit n’avoir jamais compris pourquoi le versement de sa prime d’activité a été momentanément interrompu, ni pourquoi sa CAF lui a réclamé un trop-perçu, avant de renoncer : « Je n’ai jamais eu toute l’histoire. » Plus de 20 000 personnes qui s’estiment lésées contactent chaque année le service de médiation de la CAF, et quatre cas sur dix aboutissent à une régularisation du dossier. Ces erreurs, qu’elles soient favorables ou défavorables aux bénéficiaires, ont été jugées suffisamment importantes pour que la Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la branche famille de la Sécurité sociale en 2022 et 2023.

Mais pourquoi est-il si difficile d’accorder à chacun les prestations sociales auxquelles il a droit ? Si les erreurs sont souvent imputées aux agents de la CAF, les dysfonctionnements du système sont souvent bien plus profonds.

Un tas de règles pas toujours claires

Pour comprendre les difficultés de la CAF, il faut d’abord mesurer la complexité de la réglementation. Aides au logement, allocations familiales, prime d’activité… Il est fréquent qu’un même ménage bénéficie de plusieurs prestations, chacune avec ses propres règles – par exemple sur les revenus à prendre en compte ou à exclure. L’empilement législatif est tel que les organismes sociaux eux-mêmes finissent par s’y perdre. Il complique la gestion des dossiers par les agents, décuple le risque d’erreurs de traitement, et rend les choses illisibles pour le public concerné, d’autant que la documentation de la CAF est parfois floue, voire erronée.

Ainsi, de nombreux bénéficiaires du RSA et de la prime d’activité ignorent qu’ils doivent déclarer tous les dons de leurs proches, même modestes et ponctuels, afin qu’ils soient déduits de leurs allocations. Juliette, une mère de famille du Var, explique à la rédaction Monde en 2023, ayant dû rembourser à la CAF les 1 500 euros de dons envoyés par ses frères et sœurs pour l’aider à rendre visite à leur père malade. En 2021, le Conseil d’État a recommandé« exclure l’aide modeste de la famille » du calcul des ressources, dans un souci de simplification et pour éviter « aggraver des situations sociales déjà difficiles »Mais cette idée est restée lettre morte, comme la plupart des propositions de son rapport consacrées à la simplification et à l’harmonisation des pratiques en matière de prise en compte des ressources.

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Elise

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