Pourquoi la composition du gouvernement Barnier prend autant de temps

Deux réunions à Matignon reportées coup sur coup, la question des hausses d’impôts dans le viseur des partis, et un flou qui persiste deux semaines après sa nomination… Alors que Michel Barnier a promis de nommer son gouvernement cette semaine, les tensions semblent s’accroître avec les différents groupes politiques, et notamment le camp présidentiel.

Dans un message envoyé mardi 17 septembre à ses députés pour justifier une demande urgente de réunion à Matignon, Gabriel Attal a déploré “ne pas avoir encore de visibilité claire sur la ligne politique – notamment sur d’éventuelles hausses d’impôts – et sur les grands équilibres gouvernementaux”, autrement dit la place réservée au camp présidentiel par rapport à LR.

Cette question de l’augmentation des impôts, qui fâche le camp macroniste, a été évoquée à plusieurs reprises par Michel Barnier lors d’interviews, comme l’explique à BFMTV un participant reçu à Matignon : “Il a effectivement évoqué cette idée d’augmentation des impôts, pour les entreprises rentables et les contribuables les plus aisés.”

Signe que le sujet est épineux, les réunions prévues mercredi 18 septembre pour éclaircir cette question fiscale – l’une avec le camp présidentiel, l’autre avec les LR – ont été annulées sine die.

Les impôts, une « ligne rouge » pour les macronistes

Le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en a pourtant fait une ligne rouge : en cas de hausse d’impôts, il ne « participerait » pas au gouvernement Barnier et ne le « soutiendrait » pas. « Quand on veut créer un gouvernement, on décide d’abord quel est le menu plutôt que d’avoir une soupe de grimaces après. Un sujet comme les impôts, il faut en parler avant », a expliqué un très proche du ministre démissionnaire à BFMTV.

“Gérald Darmanin reconnaît la tâche complexe de Michel Barnier et a pour lui un profond respect. En s’opposant à lui, il lui rend service : les députés Ensemble et LR ont été élus sur la promesse d’un bouclier anti-augmentation d’impôts. Et après, on va retourner sur les marchés chercher des tomates ?”, renchérit un autre proche.

“Les impôts, c’est la boîte de Pandore. Même s’il promet que cela ne touchera qu’une certaine catégorie de Français… La porte est ouverte. Alors que le problème est plutôt : n’y a-t-il pas déjà trop d’impôts en France ? Et n’avons-nous pas avant tout un problème de dépenses ?”, renchérit un pilier de la majorité sortante, qui partage la position de Gérald Darmanin.

Pour cet exécutif majoritaire, cette perspective d’augmentation des impôts est aussi synonyme d’impossibilité d’entrer au gouvernement. “Nous n’allons pas entrer au gouvernement à n’importe quel prix. Augmenter les impôts est une ligne rouge. S’il y a une chose qui nous rassemble, c’est ça.”

Pour autant, comme l’ont confié à BFMTV des proches de Michel Barnier, l’optimisme reste de mise. “Si un effort est demandé à certains parce que la situation l’exige, le temps de remettre de l’ordre dans nos finances, c’est acceptable. Mais il ne peut être que temporaire et s’accompagner d’une politique d’économies”, confie un vieux compagnon du nouveau titulaire de Matignon.

Pour ceux qui connaissent Michel Barnier, il s’agit même d’une différence idéologique avec le président. “Emmanuel Macron privilégiait le capital. Il fallait privilégier le travail”, ajoute la même source.

La droite trop « gourmande » ?

Parmi les points de friction, l’attitude de la droite tend à enrayer la machine au sein de la majorité sortante. “Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez veulent des ministères régaliens de premier plan, et ils se permettent aussi de poser des conditions intenables”, fustige un membre de la majorité sortante.

“47 députés à l’Assemblée, ça ne nous permet pas d’imposer une ligne politique”, renchérit un député Ensemble, rejoint par un cadre LR : “Bercy, l’Intérieur, la Justice : on est trop gourmands pour vouloir les trois. Franchement oui, c’est un hold-up !”

Selon nos informations, Michel Barnier a remis mardi à Emmanuel Macron une première liste de ses futurs ministres. La liste comprend de nombreux adhérents LR et peu de ministres du bloc du centre. Michel Barnier a notamment proposé Bruno Retailleau à l’Intérieur, Laurent Wauquiez à l’Economie, Annie Genevard à l’Agriculture et Didier Migaud à la Justice. Les ministres sortants Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin et Rachida Dati figuraient également sur la liste.

Face à son Premier ministre, Emmanuel Macron, lors d’un échange apparemment tendu, a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un gouvernement d’union et d’union nationale.

“Je suis un peu inquiet… Cela pourrait exploser”, a confié à BFMTV une source interne au sein de LR. “Emmanuel Macron dit qu’il va couper les ponts avec Matignon. Il est parti par la porte mais il revient par la fenêtre. Il fait venir Gabriel Attal et Gérald Darmanin pour pourrir Michel Barnier. Ils ne tiennent pas leurs engagements pris il y a dix jours à peine”, s’insurge la même source.

« Le premier perdant serait Emmanuel Macron… On passerait d’une solution fragile à pas de solution du tout », ajoute-t-elle.

“S’il démissionne, ce serait le début des ennuis”, a déclaré un cadre du bloc central à BFMTV. De son côté, l’entourage d’Emmanuel Macron dément formellement la rumeur selon laquelle Michel Barnier aurait démissionné.

La gauche inexistante

Si la droite est trop « gourmande », la gauche est au contraire inexistante alors que Michel Barnier avait promis des ministres issus des rangs de la gauche. « A gauche, quasiment personne n’a été appelé », soupire un responsable de gauche auprès de BFMTV.

Le député socialiste Philippe Brun a confirmé à BFMTV avoir été reçu mardi après-midi par le directeur de cabinet de Michel Barnier, qui lui a proposé le ministère du Budget. Il a refusé, expliquant à BFMTV qu’il “n’était pas d’accord avec la politique qui allait être mise en oeuvre”.

D’autres élus de gauche confiaient ne pas savoir comment les choses allaient tourner : “Comprenez que si ça aboutit à une politique d’augmentation d’impôts, d’immigration, avec Wauquiez et Retailleau aux commandes, ce n’est pas la même salade, hors de question d’y aller.”

“Ce ne sera pas un gouvernement rassembleur (…) Cela ne sert à rien de s’enliser dans un gouvernement qui va s’effondrer dans six mois”, a ajouté un député de gauche.

La méthode Barnier critiquée

Enfin, la méthode Barnier est loin de faire l’unanimité. Le nouveau Premier ministre est très secret, y compris avec ses compagnons historiques : « Michel Barnier est un vieux routier de la vie politique, il sait garder secrète la composition de son gouvernement ». Secrète, voire « elliptique », comme le dit un autre proche, qui ajoute que Michel Barnier « ne dit rien à personne ».

Au point d’agacer certains interlocuteurs ? “Beaucoup de gens se plaignent que Michel Barnier ne leur réponde pas par SMS. Les élus doivent avoir quelqu’un à qui parler à Matignon”, souligne un allié potentiel.

“L’aiguille peut encore bouger mais Michel Barnier nous laisse dans le flou et on a l’impression qu’il nous trahit sur le programme”, s’inquiète aussi la majorité sortante.

Michel Barnier parviendra-t-il à constituer son équipe ? Les proches de Michel Barnier restent confiants : « Tout le monde va devoir faire des compromis. C’est une culture différente de celle de la Ve République. » L’un de ses amis est formel : « Il ne peut pas aller au-delà de dimanche, il n’y a pas moyen qu’il n’y ait pas de Conseil des ministres la semaine prochaine. Il ne peut pas se permettre de laisser le budget prendre encore du retard. » « Mais comment va-t-on y arriver ? Je ne sais pas. Je crois que le Premier ministre a une arme secrète. Je ne sais pas ce que c’est », conclut un conseiller du Premier ministre.

Article original publié sur BFMTV.com

Anna

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