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pourquoi la médecine du travail doit évoluer


MMédecin de formation, le Dr Vinh Ngo dirige le Centre interentreprises et artisanal de santé au travail (CIAMT). Initialement dédiée aux entreprises artisanales, cette association, qui emploie aujourd’hui 370 personnes – dont 85 médecins et 50 infirmiers – soutient 450 000 salariés en Île-de-France, pour le compte de 27 000 entreprises. Le Dr Ngo est donc en première ligne pour évaluer le rapport que les Français entretiennent avec leur travail et les difficultés qu’ils rencontrent dans leur emploi.

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Indiquer : Plusieurs études, comme les travaux menés par le sociologue Dominique Méda (Université Paris-Dauphine), mettent en évidence une dégradation des conditions de travail en France. Partagez-vous ce constat ? Les Français souffrent-ils du malheur professionnel ?

Dr Vinh Ngo : Il faut se méfier de ces notions un peu fourre-tout de « souffrance au travail », de « risques psycho-sociaux ». Ils recouvrent des situations très diverses, des réalités souvent différentes. Bien sûr, nous rencontrons de la souffrance au travail, mais il faut distinguer les risques qui proviennent du milieu professionnel et ceux qui proviennent de la sphère privée. On estime que les maladies ou accidents liés au travail représentent 25% du total. La France est par ailleurs l’un des pays où les situations à risque sont les mieux identifiées, grâce à des indicateurs, des dépistages et des sentinelles efficaces.

Ceci étant dit, les deux confinements liés à la pandémie ont sans doute généré des souffrances et contribué à une certaine dégradation, liée notamment aux mauvaises conditions de travail « à distance », au stress généré par le télétravail qui a conduit de nombreux travailleurs à se couper de leur emploi. collègues et travaillant dans des conditions matérielles parfois précaires, notamment dans les grandes villes où les logements sont plus petits. La consommation d’alcool et de substances psychoactives a explosé durant cette période, tout comme les violences conjugales.

Par ailleurs, la démission ou l’abandon de poste d’un nombre important de travailleurs, notamment dans les professions de santé, les maisons de retraite et les services, comme les transports ou la grande distribution, ont conduit à une surcharge de tâches pour ceux qui sont restés. Ces situations continuent, aujourd’hui encore, de peser. Dans un tout autre registre, l’approche des Jeux olympiques suscite de nombreuses inquiétudes chez les salariés franciliens.

La médecine du travail a peu évolué depuis le décret de 1946 l’organisant. Faut-il le réformer ?

Oui, car les métiers d’aujourd’hui n’ont plus grand chose de commun avec ceux de l’après-guerre. Il s’agissait alors de reconstruire un pays sur terre, de relancer la production industrielle et donc de recruter massivement. Les accidents mortels ou les blessures irréversibles étaient légion dans le contexte professionnel.

Aujourd’hui, les risques ont changé de nature. Les blessures physiques n’ont pas disparu mais les maux de l’époque sont plutôt appelés « surcharge mentale », « burn-out », « stress » et « dépression ». La frontière entre travail et vie personnelle tend à disparaître, ou en tout cas à s’estomper du fait du télétravail et des outils numériques, dont il est difficile de se déconnecter. Le téléphone portable est devenu un fil conducteur… Vie privée et vie professionnelle deviennent imperméables, créant des situations à risques – isolement, anxiété, charge mentale… – mais aussi des actualités très sombres, avec le retour de la guerre, et les difficultés du quotidien. la vie liée à l’inflation ne fait qu’empirer.

Face à ces situations, la médecine du travail a besoin de nouvelles compétences : psychologues, ergonomes, experts en prévention technique… Et surtout d’une nouvelle approche, basée sur la prévention primaire, qui vise à éviter ou réduire la survenue de maladies, d’accidents et handicapées.

LIRE AUSSI Téléphone, emails, notifications : comment le cerveau réagit aux distractions numériquesQue préconisez-vous pour améliorer les conditions de télétravail ?

Trois points me semblent importants. Premièrement, créer de bonnes conditions matérielles avec un lieu calme dédié au travail ; travailler au lit n’est pas idéal en terme d’ergonomie ! Ensuite, il est important de bien répartir son temps en veillant à séparer les séquences de travail du reste et en essayant de s’y tenir le plus possible. Enfin, il faut lutter contre la sédentarité. L’addiction à la position assise est l’un des grands fléaux de l’époque, une véritable bombe à retardement. Rester assis sur sa chaise pendant des heures est dangereux, même si vous êtes par ailleurs sportif. La sédentarité et l’inactivité physique sont deux choses différentes.

LIRE AUSSI “L’antidote au stress au travail n’est pas la relaxation, c’est la concentration” En mesurant l’impact des politiques de prévention menées en France, la Cour des comptes a pu constater que les résultats obtenus étaient « globalement médiocres » malgré un effort financier comparable à celui des pays voisins. Et la médecine du travail ?

La France n’a pas la même culture de prévention que ses voisins, je pense notamment aux pays du nord de l’Europe qui ont une longueur d’avance sur le “care” et la culture du “hygge” (bien-être, NDLR). Nous sommes encore très influencés par la médecine réparatrice et curative ; On attend encore trop souvent que des lésions apparaissent ou que des troubles se manifestent pour agir. On voit bien que le législateur tente d’aller vers plus de prévention mais il tâtonne là où il faudrait basculer radicalement vers une culture de prévention primaire, sortant de la prévention médicalisée – qui intervient après l’apparition de la maladie et tend à prévenir il. réduire les complications et les risques de rechute – prôné par la loi de 1946. A nous, experts en santé au travail, de trouver le bon angle pour impliquer les dirigeants d’entreprises dans cette politique collective de prévention, pour le bien-être de leurs salariés, sans oublier leur propre santé.

Se priver de seniors est un énorme gaspillage. Ils possèdent des connaissances, un savoir-faire et sont la mémoire de l’entreprise

Nous progressons néanmoins et la loi du 2 août 2021 visant à renforcer la prévention et à décloisonner la santé publique et la santé au travail va dans le bon sens… Il faut en effet développer une stratégie de prévention unique en intégrant les avancées de la e-santé et de la santé artificielle. intelligence. Il faudrait aussi se préoccuper davantage de la santé des travailleurs indépendants, des professions libérales, des indépendants, des cadres, des indépendants : ces populations constituent le « point aveugle » des politiques de santé au travail et c’est regrettable, car le droit à la santé est universelle.

LIRE AUSSI Intelligence artificielle : le bond en avant de la médecine grâce aux algorithmesUne santé au travail plus efficace et des salariés mieux accompagnés seraient de nature à accroître le dynamisme et la compétitivité des entreprises. Partagez-vous cette analyse ?

C’est une évidence : une entreprise qui mène une stratégie volontariste de prévention en santé au travail renforce sa performance globale. Nos confrères du secteur de la construction l’ont démontré dans leurs actions en faveur de la prévention. Un euro investi dans ce domaine génère un retour sur investissement de 5 euros… La santé humaine n’a pas de prix mais ne pas en prendre soin a un certain coût.

Que préconisez-vous pour améliorer la prévention ?

La prévention ne se limite pas à l’examen médical obligatoire. Il faut être créatif, encourager les retours qui font gagner des points et travailler sur la prévention tant collective qu’individuelle. La prévention collective inclut les études d’emploi, les conditions de vie au travail, l’ergonomie, le respect de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, etc. Au niveau individuel, la prévention passe aussi par une évaluation de la charge mentale de travail, une étude précise des conditions de travail – en entreprise, nomade ou à domicile -, un suivi individualisé tenant compte de l’âge, de la difficulté du poste, de l’état de santé et du parcours, de la situation familiale et des obligations du salarié… Enfin, la prévention passe par l’identification le plus en amont possible des situations à risques en prenant en compte les arrêts maladie répétitifs et l’absentéisme. , afin d’en déterminer les causes et de pouvoir agir en conséquence.

LIRE AUSSI One Health : nouvelle politique mondiale de santé ou simple slogan alibi ? Emploi des seniors est devenue une question très politique. Comprenez-vous les préjugés des entreprises à leur égard ? Que faire pour les relever et augmenter le taux d’emploi des plus de 55 ans, l’un des plus bas d’Europe avec moins de 60 % de seniors actifs, soit seulement un sur trois après 60 ans ?

C’est un énorme gaspillage ! Une révolution des mentalités est nécessaire car les seniors, comme c’est ainsi qu’on les appelle aujourd’hui, possèdent non seulement des savoirs et des savoir-faire uniques mais ils sont aussi la mémoire de l’entreprise et de ses processus. et sa culture. Il faut absolument préserver la transmission ; Le tutorat est un moyen d’y parvenir, et nous l’utilisons beaucoup dans nos métiers de santé.

Je vois trois leviers possibles pour favoriser l’emploi des seniors. Je reviens d’abord à la prévention : il faut apprendre, dès le plus jeune âge, à prendre soin de sa santé et à responsabiliser ses concitoyens, dans cette optique. Il s’agit de la politique « One Health ». Corriger les comportements à risque et prendre le contrôle de sa santé vous aide à mieux vieillir et si vous vieillissez mieux, vous travaillez mieux et plus longtemps. Il faut aussi sécuriser le parcours professionnel, dès l’embauche, avec des objectifs d’employabilité les plus durables possibles, en instaurant, pourquoi pas, une incitation financière pour les entreprises qui joueraient le jeu.

Le gouvernement a-t-il raison de vouloir contrôler davantage les arrêts maladie ?

Le contrôle est nécessaire mais il n’apporte rien sans éducation et prévention. Il faut, là encore, pratiquer une identification précoce des situations à risques. Il n’y a pas que la maladie : les salariés ayant des personnes à charge – les « soignants » – ont des taux d’absentéisme plus élevés que la moyenne. Il s’agit d’un véritable problème et nous devons aider ces personnes à y faire face.

Les salariés en arrêt maladie non professionnel pourront continuer à cumuler des congés payés, dans la limite de vingt-quatre jours. Saluez-vous cette décision ?

Les arrêts maladie ne sont pas des vacances, je comprends l’argument des représentants des salariés. Mais je comprends aussi les patrons de petites entreprises qui s’inquiètent du coût et du casse-tête que représente une telle mesure.


Anna

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