Pourquoi la position du missionnaire s’appelle-t-elle ainsi ?

DD’où vient la fameuse “position du missionnaire”, sorte de pâtes carbonara du Kama Sutra, basique, universelle, mais toujours au menu ? Pourquoi cette position classique où Monsieur est souvent en haut porte-t-elle un nom si… religieux ? N’en déplaise à votre oncle historien du dimanche, les missionnaires chrétiens n’y sont pour rien (ou presque).

Commençons par le mythe le plus répandu : l’idée selon laquelle la position missionnaire tiendrait son nom des missionnaires chrétiens, notamment anglophones, qui auraient prescrit cette pratique sexuelle aux peuples convertis à l’époque coloniale. L’idée serait que ces messieurs en soutane auraient imposé leur vision puritaine du “bon” sexe à des peuples jugés trop… créatifs.

Un malentendu qui s’est propagé au fil du temps

Cette explication paraît plausible à première vue, surtout dans un contexte où la morale chrétienne prescrivait des règles strictes en matière de sexualité. L’image de missionnaires prêchant un retour aux valeurs « morales » pourrait aisément laisser penser qu’ils prêchaient aussi une certaine manière de faire l’amour, considérée comme plus « civilisée ».

Cette explication n’a cependant aucun fondement historique sérieux. Il s’agit en réalité d’un malentendu qui s’est répandu au fil du temps. Le terme de « position missionnaire » semble plutôt être apparu après les travaux d’Alfred Kinsey, célèbre sexologue américain. Dans son ouvrage révolutionnaire Comportement sexuel chez l’hommePublié en 1948, Kinsey a accidentellement contribué à la création de ce terme en confondant plusieurs éléments historiques et anthropologiques.

Kinsey fait référence aux moqueries observées par l’anthropologue Bronisław Malinowski chez les Trobriandais, un peuple mélanésien, qui imitaient les colons européens en action et se moquaient de leur façon bien élevée de faire l’amour, les qualifiant de « missionnaires ».

Mais ce n’était qu’une plaisanterie. Kinsey a confondu cette moquerie avec une pratique imposée par les missionnaires eux-mêmes, et de cette confusion est né le terme. Il n’a donc pas été inventé par les missionnaires, mais résulte plutôt d’une mauvaise interprétation des interactions entre colons et autochtones.

« La voie des serpents »

Cette position n’a pas toujours été connue sous ce nom. Avant que Kinsey ne vienne bouleverser les choses, le missionnaire avait plusieurs petits surnoms charmants. En France, on l’appelait sobrement la position « classique ». En Toscane, on la surnommait « l’angélique ». Et dans certaines régions arabes, on lui préférait « la voie des serpents ».

Le terme est donc assez récent, mais la pratique est sûrement aussi vieille que le monde. Elle apparaît déjà sur les poteries et dans l’art des civilisations antiques comme la Grèce, la Rome antique, le Pérou et la Chine. Même si ces cultures n’en ont pas toujours fait leur premier choix : « La levrette est la position sexuelle la plus représentée sur les céramiques grecques », explique Didier Dillen, auteur de La fabuleuse histoire du lévrier.

À LIRE AUSSI Sexe : la longue histoire de la levretteBien que la Bible ne mentionne aucune position sexuelle spécifique, plusieurs autorités religieuses médiévales se sont emparées de la question. L’Église catholique s’est emparée du sujet. Selon certains théologiens, entre le VIe et le XXe siècle,^et et le XVI^et Au début du 19e siècle, la seule façon « correcte » d’avoir des rapports sexuels était face à face, car cela permettait au sperme de circuler « dans le bon sens » grâce à la gravité. D’autres érudits médiévaux pensaient même que les positions exotiques pouvaient provoquer des malformations congénitales chez les bébés.

Aujourd’hui, la position du missionnaire reste une valeur sûre pour de nombreux couples. Parmi les 64 positions répertoriées par le Kama-sutra, selon un sondage réalisé auprès de 2 000 personnes en 2023, le missionnaire est la deuxième position préférée des Français, derrière la levrette. Et surprise, cette position n’est pas exclusive aux humains. Nos cousins ​​les bonobos, les gorilles et même les tatous s’y adonnent.