Un nouvel horaire qui provoque du stress. A l’approche des Ă©preuves du bac 2024, Marilou, Ă©lève de terminale, est inquiète. La raison de son anxiĂ©tĂ© ? Le grand oral, cette Ă©preuve liĂ©e aux cours de spĂ©cialitĂ© crĂ©Ă©s par la rĂ©forme du baccalaurĂ©at. « Je n’ai pas de temps dĂ©diĂ© pour le prĂ©parer », souligne-t-elle. Sur les deux matières Ă prĂ©parer Ă cette Ă©preuve, une seule est prĂŞte. Le lycĂ©en n’a mĂŞme pas encore trouvĂ© le sujet du deuxième. « J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que les Ă©preuves de spĂ©cialitĂ© aient lieu un peu plus tĂ´t, au moins j’aurais eu plus de temps pour prĂ©parer le grand oral », regrette-t-elle.
C’est une nouveautĂ© cette annĂ©e : après l’Ă©preuve de philosophie du 18 juin, les Ă©preuves de spĂ©cialitĂ© ont lieu les 19, 20 et 21 juin. Le grand oral a lieu trois jours plus tard, entre le 24 juin et le 3 juillet. A l’origine, la rĂ©forme du baccalaurĂ©at avait prĂ©vu pour les Ă©preuves de spĂ©cialitĂ© qui auront lieu Ă partir du mois de mars. A la fois pour que les rĂ©sultats soient pris en compte sur Parcoursup mais aussi pour laisser le temps aux Ă©tudiants de prĂ©parer le grand oral.
Un calendrier bouleversé
Avec la pandĂ©mie de Covid-19, l’entrĂ©e en vigueur de la rĂ©forme du baccalaurĂ©at 2021 a Ă©tĂ© perturbĂ©e. Il faudra attendre 2023 pour que les Ă©vĂ©nements se dĂ©roulent comme prĂ©vu en mars. Sauf que cette première expĂ©rience de passer les Ă©preuves du baccalaurĂ©at si tĂ´t dans l’annĂ©e n’a pas Ă©tĂ© concluante. Les professeurs avaient assurĂ© que leurs Ă©lèves n’Ă©taient pas prĂŞts, sans compter le fort dĂ©sinvestissement de certains Ă©lèves au troisième quadrimestre. En effet, entre ces Ă©preuves de mars et le contrĂ´le continu pris en compte Ă hauteur de 40 % dans la note finale, ils avaient dĂ©jĂ le baccalaurĂ©at.
Juste avant la rentrĂ©e scolaire de septembre, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, avait a annoncĂ© le report des Ă©preuves de spĂ©cialitĂ© au mois de juin. “Les Ă©preuves du mois de mars ont Ă©tĂ© une catastrophe en termes d’horaires et de rythme de travail”, analyse pour BFMTV.com Florent Martin, secrĂ©taire acadĂ©mique du Syndicat national du personnel d’encadrement de l’Éducation nationale (Snpden) et proviseur d’un lycĂ©e d’Argelès- sur-Mer (PyrĂ©nĂ©es-Orientales).
« Avec les examens de juin, cela donne plus de flexibilité aux enseignants pour faire avancer le programme et préparer les élèves au grand oral. »
Ce qui ne semble pas ĂŞtre le cas de tout le monde. Si certains Ă©tudiants interrogĂ©s par BFMTV.com affirment que le grand oral a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© tout au long de l’annĂ©e – d’abord la problĂ©matique Ă©voquĂ©e avec le professeur, puis le plan, l’introduction -, d’autres affirment avoir Ă©tĂ© livrĂ©s Ă eux-mĂŞmes.
« Nous n’avons mĂŞme pas terminĂ© le programme en cours de spĂ©cialitĂ© », s’alarme Marilou. « Nous n’avions qu’un seul cours dans l’annĂ©e consacrĂ© au grand oral en sciences humaines, littĂ©rature et philosophie (HLP). Aucun dans mon autre spĂ©cialitĂ© histoire-gĂ©ographie, gĂ©opolitique et sciences politiques (HGGSP).
“De toute façon, le professeur nous a prĂ©venu qu’il n’aurait pas le temps.”
Dans son établissement, des oraux blancs étaient organisés pendant les heures creuses, lorsque professeurs et élèves étaient disponibles en même temps. Ce qui n’est pas une mince affaire : les cours de spécialité regroupent souvent des étudiants de plusieurs classes, avec des horaires différents.
Un grand message oral par message vocal
Au-delĂ de la date des Ă©preuves, le grand oral connaĂ®t cette annĂ©e un nouvel amĂ©nagement. La durĂ©e de prĂ©sentation de la « question » – c’est-Ă -dire l’un des deux sujets prĂ©parĂ©s Ă l’avance par l’Ă©tudiant et choisis le jour mĂŞme par le jury – va de cinq Ă dix minutes.
“Nous inaugurons une nouvelle version du grand oral mais nous prenons du temps pour le prĂ©parer”, dĂ©plore Gaspar Buzare, Ă©lève de terminale et secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Mouvement national des lycĂ©es (MNL), pour BFMTV.com.
Dans son lycĂ©e, pas d’oraux blancs. Mais dans certains cours de spĂ©cialitĂ©, les Ă©tudiants Ă©taient invitĂ©s Ă s’enregistrer oralement en train de faire leur prĂ©sentation puis Ă envoyer le fichier audio Ă leur professeur qui leur proposait alors des ajustements. « Mais cela ne nous permet pas de mettre en pratique les questions que le jury nous posera le jour de l’Ă©preuve », regrette Gaspar Buzare.
Car dans la seconde partie de l’Ă©preuve – dix minutes supplĂ©mentaires – “le jury Ă©change avec le candidat et Ă©value la soliditĂ© de ses connaissances et ses capacitĂ©s argumentatives”, explique le ministère de l’Éducation nationale.
Comment les Ă©tudiants sont-ils censĂ©s se prĂ©parer ? Rue de Grenelle assure Ă BFMTV.com que “dès le premier cours, l’Ă©tudiant commence Ă rĂ©flĂ©chir aux questions qu’il prĂ©sentera au jury. Tout au long du cycle final, la formation en prĂ©sentiel lui permet de dĂ©velopper sa pratique de l’oral.”
« Tout se chevauche »
Reste que pour les chefs d’établissement, l’agenda est serrĂ©. “On se retrouve avec un horaire rĂ©duit qui met la pression sur les Ă©quipes”, souligne pour BFMTV.com Laurent Le Drezen, directeur de lycĂ©e Ă Hyères (Var) et commissaire national paritaire Ă l’Ă©ducation CFDT.
Car aux Ă©preuves Ă©crites et orales s’ajoutent, sur cette mĂŞme pĂ©riode, des Ă©valuations de compĂ©tences expĂ©rimentales – c’est-Ă -dire des travaux pratiques – dans plusieurs cours de spĂ©cialitĂ©s (physique-chimie, sciences de la vie et de la terre) ainsi qu’un examen oral en sciences de l’ingĂ©nieur et arts.
« Les contraintes sont fortes, tout se chevauche », remarque Laurent Le Drezen.
Depuis la mi-mai, sa mise en place – allant de la 3e annĂ©e prĂ©paratoire en passant par le BTS et jusqu’Ă la licence – est Ă©galement Ă l’Ă©tude. “D’ailleurs, c’est en juin que les Ă©quipes dirigeantes prĂ©parent la rentrĂ©e prochaine, avec encore d’autres contraintes.”
Le fond du problème, selon Sophie VĂ©nĂ©titay, la secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale et porte-parole du Snes-FSU : l’absence d’heures dĂ©diĂ©es Ă la prĂ©paration du grand oral. « Nous avons un test avec un dĂ©lai mais sans temps dĂ©diĂ©. L’Ă©quation est forcĂ©ment compliquĂ©e et le calcul difficile Ă trancher”, souligne-t-elle pour BFMTV.com.
Terminez les programmes « à grande vitesse »
Alors pour concilier la préparation des épreuves écrites et du grand oral, les professeurs « bricolent », regrette ce représentant du premier syndicat enseignant du secondaire.
« Certains ont pris le temps de faire parcourir oralement Ă leurs Ă©lèves des points du programme pour les former. Mais mĂŞme en binĂ´me, en faire passer quinze est un cours qui saute », observe Sophie VĂ©nĂ©titay. Elle regrette que les enseignants soient obligĂ©s de terminer leur programme “Ă toute vitesse, sans pouvoir rĂ©pondre aux questions des Ă©lèves”.
« On se retrouve Ă rĂ©cupĂ©rer ici une note vocale, lĂ la photo d’un document dactylographiĂ©. Le grand oral est clairement du bricolage.
InterrogĂ© sur ce point, le ministère rĂ©pond que ce sont bien les enseignants intervenant dans l’enseignement de spĂ©cialitĂ© « qui sont destinĂ©s Ă prendre une part importante dans la prĂ©paration du grand oral, notamment pour accompagner leurs Ă©lèves dans le choix des questions qu’ils poseront ». prĂ©senter au jury, la maturation de ceux-ci et les rĂ©ponses qu’ils peuvent proposer.
Mais prĂ©cise que c’est « dans le cadre de tous les cours du cycle terminal que l’Ă©tudiant prĂ©pare cette Ă©preuve, par une pratique orale en classe selon des modalitĂ©s propres Ă chaque cours ».
Impossible d’accompagner les Ă©tudiants “entre deux exemplaires”
Ambrine fait partie des chanceuses. Elle passera le grand oral le 28 juin, sept jours après la fin des Ă©preuves Ă©crites. Cela lui donnera un peu plus de temps pour se prĂ©parer. Car si elle a dĂ©jĂ ses deux problĂ©matiques en tĂŞte et a commencĂ© Ă travailler sur le plan, ses deux sujets sont « loin d’ĂŞtre terminĂ©s ».
“Mais je n’aurais pas le temps avant”, confie le lycĂ©en Ă BFMTV.com.
La jeune fille est en plein « bachotage ». Dans l’une de ses spĂ©cialitĂ©s, le programme Ă©tait complĂ©tĂ© par des polycopiĂ©s « qu’on lisait simplement en classe ». Elle espère aussi ne pas tomber sur ces chapitres le jour de l’Ă©preuve, “sinon on risque d’ĂŞtre un peu agacĂ©”. Quant au grand oral, les Ă©lèves qui espĂ©raient pouvoir compter sur leurs professeurs pour les derniers ajustements entre les deux Ă©preuves seront déçus.
« Nous sommes presque tous mobilisĂ©s pour la correction des copies ou pour le grand oral », souligne Sophie VĂ©nĂ©titay, du Snes-FSU. “Il est complètement illusoire d’imaginer qu’on puisse accompagner des Ă©lèves entre deux Ă©preuves du baccalaurĂ©at.”
Article original publié sur BFMTV.com