pourquoi les députés lancent une enquête sur les « défaillances » du système actuel

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Des manifestants rendent hommage aux mineurs décédés lors de leur placement à l'Aide à l'enfance, le 7 mai 2024, près de l'Assemblée nationale, à Paris, à l'initiative du Comité de vigilance des enfants anciens placés.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

Une série d’auditions doit débuter mardi, à commencer par les témoignages d’anciens enfants placés, qui réclament depuis longtemps une réforme de ce secteur à bout de souffle.

L’heure des premières auditions est arrivée. Une trentaine de députés de tous bords lanceront, mardi 14 mai, les travaux de la commission d’enquête sur les carences des politiques de protection de l’enfance. Au cours des prochains mois, cet organe cherchera à « faire la lumière sur les dysfonctionnements de la protection de l’enfance » et pour ouvrir la voie à « une réforme majeure » du secteur, selon les élus du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, à l’origine de cette initiative. Franceinfo vous explique pourquoi les députés ont décidé de se pencher sur ce sujet.

Les récentes tragédies ont relancé le débat

Le débat sur l’hébergement des jeunes bénéficiant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) a été relancé fin janvier, après la mort de Lily, une jeune fille de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel du Puy-de-Dôme où elle avait été hébergée. mis. Avant elle, en octobre, Méline, 11 ans, avait également été retrouvée morte dans sa chambre d’un foyer associatif de l’Oise. Ces drames, loin d’être isolés, ont suscité l’indignation des militants des droits de l’enfant, qui ont dénoncé l’inaction de l’État et des services chargés de la protection de l’enfance.

« Tous les indicateurs sont au rouge »estimaient les députés socialistes en mars, en annonçant la création de cette commission. « Les professionnels en première ligne sont trop peu nombreux, travaillent dans des conditions extrêmement précaires et les structures sont inadaptées à l’accueil de jeunes ayant vécu des expériences traumatisantes »ils ont énuméré.

L’initiative du groupe socialiste a été saluée par les différents camps politiques, note LCP. L’élue de la Renaissance Nicole Dubré-Chirat a ainsi pointé une opportunité pour saisir le «Problème de financement de l’ASE au niveau départemental»tandis que la députée RN Laure Lavalette soulignait l’insuffisance « travaux parlementaires menés ces dernières années sur les carences de l’ASE ».

D’anciens enfants placés en famille d’accueil réclament des réformes

L’enquête lancée à l’Assemblée nationale répond aux questions récurrentes adressées aux pouvoirs publics par d’anciens enfants de l’ASE. Dès l’annonce de la commission, certains d’entre eux ont décidé de créer le Comité de vigilance des enfants placés, qui entend notamment « assurer la qualité du travail » dirigé par des députés. « L’idée est d’imposer notre voixa expliqué l’un des fondateurs du comité, Lyes Louffok. Il faut sortir du dialogue habituel entre l’Etat et les services, qui oublient systématiquement l’expertise des premiers concernés qui ont vécu le système. »

Réclamant plus de 200 membres, le comité sera le premier acteur auditionné mardi, représenté par Lyes Louffok, Diodio Métro et Anne-Solène Taillardat. Ils entendent s’attaquer aux violences dans les foyers et les familles d’accueil, au manque de contrôles ou encore à l’abandon de certains jeunes dès qu’ils deviennent adultes. A la fin des travaux parlementaires, « si le rapport ne nous convient pas », « nous proposerons un contre-rapport »prévient Lyes Louffok. « Après, évidemment, ce sera au gouvernement de mener toutes les réformes qu’il jugera nécessaires et nous y veillerons du début à la fin. »

Les travailleurs sociaux se disent « abandonnés »

La commission d’enquête créée à l’Assemblée nationale fait également écho aux alertes lancées par les professionnels du secteur, notamment dans une tribune publiée par Le monde en mars. « Il faut un engagement fort et rapide de l’Etat en faveur des travailleurs sociaux »trop peu nombreux et mal payés, écrivent quelque 200 signataires, dont des dizaines d’éducateurs spécialisés. « Laisser aujourd’hui à l’abandon le métier d’assistante sociale à la protection de l’enfance est une erreur »ils ont dénoncé.

De nombreuses structures tournent au ralenti faute de professionnels disponibles et le problème du manque de places s’accentue. Une enquête du Syndicat de la Magistrature, à laquelle ont participé 176 des 522 juges des enfants en France, a souligné « au moins 3 335 placements non exécutés en France »ce qui signifie que tant d’enfants sont contraints de rester avec leur famille, malgré le danger auquel ils sont confrontés. « Aux placements non exécutés s’ajoutent les placements mal exécutés »complète le syndicat en évoquant les mineurs « ballottés de lieu d’accueil en lieu d’accueil et/ou hébergés dans des lieux non agréés par le département, voire dans des hôtels ou campings, ce qui est pourtant interdit par la loi ».