Un projet immobilier d’envergure au coeur du secteur dévitalisé du Quartier latin ne peut débuter avant que le dernier locataire des lieux n’accepte de partir, a prévenu cette semaine le maire de Montréal.
Mondev veut construire une tour résidentielle de 16 étages et 176 unités à l’angle des rues Saint-Hubert et Sainte-Catherine, face à la place Émilie-Gamelin. Le secteur fait la une des journaux depuis des mois à cause de la crise sociale.
Mais le promoteur se heurte depuis des mois à un problème de taille : une locataire, Carla White, qui habite un modeste appartement dans un immeuble voué à la démolition, refuse obstinément de partir. Elle a refusé un chèque de 20 000 dollars et un appartement plus agréable pour seulement 400 dollars par mois, selon l’entreprise, qui dit qu’elle est à bout de souffle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES DE PRESSE
La mairesse de Montréal et de l’arrondissement de Ville-Marie, Valérie Plante
» C’est [un projet] important, comme tous les autres projets. Mais dans nos conditions, il y a celle de s’entendre, de trouver une solution pour le locataire, a déclaré Valérie Plante en marge d’une conférence de presse jeudi. Notre condition demeure. Elle est là. »
Le maire a appelé Mondev à « entendre les préoccupations » de Mme.moi Blanc.
Impasse
Michael Owen, co-dirigeant de l’entreprise, a assuré que ses équipes discutaient depuis longtemps avec le locataire, mais qu’elles étaient désormais dans une impasse.
Elle ne veut rien savoir. Nous lui parlons depuis des années.
Le co-directeur de Mondev, Michael Owen, sur la locataire Carla White
« Elle veut un penthouse avec vue sur le centre-ville, une vue vers l’ouest. Une grande terrasse. Ce sont des demandes complètement déraisonnables, à notre avis », a déclaré M. Owen lors d’un entretien téléphonique. Selon lui, le locataire voit la situation comme « un ticket de Lotto 6/49 ».

IMAGE FOURNIE PAR LE COMITÉ D’ÉTUDE DES DEMANDES DE DÉMOLITION DE L’ARRONDISSEMENT DE VILLE-MARIE
Vue d’ensemble de l’immeuble de 16 étages que Mondev veut construire au coin des rues Sainte-Catherine et Saint-Hubert
L’homme d’affaires s’inquiète de la possibilité que cette situation entraîne « des retards importants dans le projet ». « Il y a une crise du logement, il y a beaucoup de gens qui ont besoin d’un logement », a-t-il dit. Pourquoi arrêter ou ralentir un projet qui peut amener 176 nouveaux logements pour 176 personnes, simplement parce qu’il ne veut pas bouger ? »
L’affaire est maintenant devant le Tribunal administratif du logement.
« La stabilité du logement »
Me Manuel Johnson y représentera les intérêts de Carla White.
Il a fait valoir que son client voulait simplement atteindre une stabilité résidentielle à long terme et que la position de son client était surestimée par Mondev.
Selon lui, l’appartement qui lui était proposé présentait des problèmes de sécurité et n’offrait pas le même espace extérieur que son logement actuel.
« Elle est toujours intéressée à avoir une place », a déclaré Mme.e Johnson. Maintenant, l’offre de 20 000 $ est un non. Ce n’est pas suffisant pour lui assurer une stabilité de logement pendant plus d’un an ou un an et demi. Les 20 000 $ qu’elle va mettre dans les poches d’un autre propriétaire. Le logement disponible actuellement à Montréal est de 1000$, 1500$. »
Surtout, l’avocat veut recadrer le débat : ce n’est pas Carla White qui bénéficiera financièrement du projet immobilier proposé par Mondev, souligne-t-il. C’est Mondev.
« Je suppose qu’ils vont faire des millions de profits », a-t-il déclaré. Revitalisation : oui. Mais cela doit profiter à tout le monde, pas seulement à une petite poignée de personnes. »
Plante prendra la parole mardi
En tant que mairesse de l’arrondissement de Ville-Marie, Valérie Plante devra se prononcer sur le projet mardi. La commission d’examen de démolition a autorisé Mondev à démolir les bâtiments actuellement sur le site – dont le bâtiment de l’emblématique restaurant Da Giovanni – mais cette décision fait désormais l’objet d’un recours devant les élus.
« Les communautés autochtones, les comités d’habitation, la communauté LGBTQ+, les associations étudiantes de l’UQAM et du Cégep du Vieux-Montréal ainsi que les organismes communautaires doivent être consultés et ont un droit de veto, appuie la lettre d’appel. Si tous ces groupes sont d’accord, alors le projet doit être soumis à un référendum. »
Les responsables de l’arrondissement recommandent aux élus de rejeter cet appel et de confirmer le feu vert à la démolition.
Cependant, Michael Owen ne comprend pas pourquoi le comité d’étude de la demande de démolition a établi qu’une entente avec M.moi Le blanc devait être l’une des conditions à remplir avant que les bâtiments actuels puissent être détruits. Le règlement sur la démolition prévoit déjà qu’un promoteur doit indemniser un locataire qui perd son logement ou démontrer qu’il a négocié de bonne foi pour le faire. « Ce que je comprends du règlement de la Ville, c’est que nous devons démontrer notre bonne foi, et je pense que nous l’avons fait », a-t-il déclaré.
Revitalisation du quartier : l’UQAM et les commerçants s’impatientent
Des projets doivent sortir de terre rapidement pour donner un nouveau souffle à l’est du centre-ville de Montréal, plaident la direction de l’UQAM et les commerçants du secteur, qui s’impatientent face au marasme actuel.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Le recteur de l’UQAM entend créer un vice-rectorat voué à la revitalisation de l’est du centre-ville de Montréal, notamment le secteur de la place Émilie-Gamelin.
Le nouveau recteur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) souhaite même ajouter un membre à son personnel pour s’occuper spécifiquement de ce dossier, a appris La presse.
Le quartier « a perdu de son lustre, c’est indéniable », a plaidé dans un entretien téléphonique le recteur Stéphane Pallage, nommé en avril dernier. « Il y a des éléments d’inquiétude très visibles, par exemple du côté de la place Émilie-Gamelin. Il est clair que le quartier a vraiment besoin d’une revitalisation. »

PHOTO ÉMILIE TOURNEVACHE, DU SITE WEB DE L’UQAM
Stéphane Pallage a été nommé recteur de l’UQAM en avril dernier.
M. Pallage n’a pas voulu commenter spécifiquement le projet Mondev à l’angle des rues Saint-Hubert et Sainte-Catherine, affirmant ne pas bien le connaître. Mais « il y a des chantiers qui sont là depuis un certain temps et qui traînent en longueur, c’est certain que cela nuit à la vitalité du quartier », a-t-il dit.
Les lieux abandonnés ne sont jamais bons dans un quartier. Ça fait mal à l’image.
Stéphane Pallage, recteur de l’UQAM
Les problèmes de ce secteur de Montréal, à cheval sur le Quartier latin et le Village, sont si importants pour M. Pallage qu’il souhaite y consacrer un nouveau département.
« J’ai décidé que j’allais créer, au sein de l’UQAM, un vice-rectorat dédié à la revitalisation du quartier avec vraiment cette mission de coordonner l’expertise que nous avons dans nos différents départements », a-t-il dit. a dit. Cette nouvelle entité ne s’impliquera pas dans l’immobilier, a promis M. Pallage, mais tentera de voir comment l’UQAM peut contribuer à la relance du secteur.
« Grande impatience »
Les gens d’affaires du village aimeraient aussi que les choses avancent dans ce secteur de Montréal.
Gabrielle Rondy, directrice de la Corporation de développement commercial (SDC) du Village, a directement exprimé son impatience face au projet de tour de 16 étages de Mondev.
« Il y a vraiment une grande impatience, dit-elle. C’est le début de la revitalisation du Village qui passe par un projet d’envergure. L’attente fait mal à l’entrée ouest du Village, avec des locaux vacants et des locaux abandonnés. Nous avons hâte que le projet suive son cours et que nous passions à l’étape suivante avec la démolition. »
Pour elle, l’investissement majeur du promoteur immobilier dans le secteur pourrait entraîner un cercle vertueux.
Quand il y a investissement, quand il y a construction, cela montre que le quartier est important. Je pense que cela enverra un message positif à tout le monde. L’industrie en a besoin. Il a besoin de plus.
Gabrielle Rondy, directrice de la Corporation de développement commercial du Village
Mmoi Rondy s’est dite déçue par la mise en veilleuse du projet de Mondev sur le terrain de l’autre côté de la rue Saint-Hubert, en raison de la hausse des taux d’intérêt. La SDC souhaite convaincre le promoteur immobilier de l’autoriser à mieux habiller les locaux vacants sur ce terrain en attendant son aménagement.
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