Protection des sources d’eau souterraine | L’augmentation du nombre de titres miniers inquiète les élus de l’Abitibi
Au cours des deux dernières années, le nombre de titres miniers a augmenté de près de 40 % en Abitibi-Témiscamingue. Une situation qui inquiète de nombreux élus, qui demandent des pouvoirs supplémentaires au gouvernement Legault pour mieux encadrer cet engouement pour le sous-sol de Québec.
Un engouement qui ne se limite pas à une seule région, mais l’Abitibi-Témiscamingue est «la région la plus ‘revendiquée’ au Québec», soutient une coalition d’organismes écologistes qui appuient les démarches du monde municipal pour mettre fin à la préséance du Loi sur les mines dans l’aménagement du territoire.
« Le Québec ne peut pas aller de l’avant avec les soi-disant ‘futurs’ minéraux avec les lois et les politiques du passé », a déclaré Ugo Lapointe, porte-parole de la coalition Québec pour une meilleure mine. Selon lui, le prix élevé de l’or et la demande croissante de minerais comme le graphite et le lithium sont à l’origine de cette augmentation des titres miniers.
Entre novembre 2020 et décembre 2022, la région a enregistré 11 730 nouveaux claims miniers, une augmentation de 37,2 %. Un claim est un droit exclusif de vérifier la présence de minerai sur un territoire de 160 000 mètres carrés. La superficie des titres miniers en Abitibi-Témiscamingue a bondi de 46 % et totalise maintenant plus de 2 millions d’hectares, soit 26 fois la superficie du parc de la Gaspésie.

INFOGRAPHIE FOURNIE PAR LA COALITION QUÉBEC MEILLEURE MINE ET DONNÉES MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES
En Abitibi-Témiscamingue, cet emballement pour le sous-sol de la région inquiète plusieurs municipalités, qui craignent l’impact sur leurs réserves d’eau souterraine. On y trouve plusieurs eskers et moraines, formations fluvioglaciaires susceptibles de contenir des réserves d’eau d’une grande pureté.
Or, selon des groupes environnementaux, dont la coalition Québec Better Mine, Action boréale et la Société de la nature et des parcs du Québec, « 5 311 titres miniers menacent les eskers de l’Abitibi-Témiscamingue ».
En novembre dernier, une dizaine de municipalités rurales ont adopté des résolutions demandant à la nouvelle ministre des Ressources naturelles et Forêts, Maïté Blanchette Vézina, « de retirer les eskers et moraines de l’Abitibi-Témiscamingue sur son territoire des activités minières ». Les élus estiment, entre autres, que Québec devrait appliquer « un principe de précaution » compte tenu de « leur vulnérabilité aux effets cumulatifs des activités d’exploration et d’exploitation minière ».
Zones vulnérables
Des inquiétudes légitimes, selon Éric Rosa, professeur à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). « Toutes les études convergent sur le fait que les eskers et les moraines sont les meilleures sources d’aquifères. C’est là qu’on trouve les eaux de la meilleure qualité », explique-t-il.
Mais ce sont aussi les zones les plus vulnérables de notre territoire, ajoute-t-il. « Quand vous mettez tout cela ensemble, vous pouvez dire que les préoccupations [des municipalités] sont justifiées », explique le spécialiste, qui participe aux travaux du groupe de recherche sur les eaux souterraines de l’UQAT.
Je peux entendre les préoccupations. Je veux être rassurant. On ne fait pas que développer des mines au Québec et tous les claims ne deviennent pas des mines.
Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec
La représentante de l’industrie, Josée Méthot, souligne également qu’il existe de nombreuses contraintes au développement minier. « Nous sommes très bien encadrés par le provincial et le fédéral. »
En juin dernier, l’ancien ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles a déclaré aux groupes environnementaux qu’il pouvait difficilement mettre fin aux concessions existantes, mais n’a pas exclu la possibilité de protéger les eskers de l’exploration minière. Cependant, les demandeurs devaient fournir des informations géomatiques et techniques pour délimiter ces eskers ainsi que leur potentiel en eau potable.
Pour Rébecca Pétrin, de l’association Eau Secours, c’est au gouvernement de mener à bien ce travail et non à des associations aux faibles moyens financiers. « Ce sont des études avancées d’hydrogéologie. On parle de millions de dollars », lance Rodrigue Turgeon, de Québec mieux mine.
Préséance sur les titres miniers
L’autre sujet de préoccupation des élus est un article du Loi sur l’urbanisme et l’urbanismequi fait prévaloir les titres miniers sur toute autre attribution du territoire.
L’article 248 énonce qu’« Aucune disposition de la présente loi, aucun plan métropolitain, schéma, règlement ou résolution de contrôle intérimaire ou règlement de zonage ou de lotissement ou de construction ne peut avoir pour effet d’empêcher la désignation sur carte d’un claim, l’exploration , la recherche, le développement ou l’exploitation de substances minérales effectués conformément à la Loi sur les mines « .
Plusieurs municipalités de plusieurs régions du Québec demandent déjà au gouvernement Legault de modifier la loi pour rééquilibrer le rapport de force avec l’industrie minière.
«Je pense que c’est tout à fait légitime, particulièrement dans certaines régions, comme l’Estrie, les Laurentides et Lanaudière», affirme Danielle Pilette, professeure agrégée de gestion municipale à l’Université du Québec à Montréal. Selon elle, les villes sont en droit de se poser des questions, d’autant plus qu’il y a un enjeu par rapport à l’eau.
Dans les territoires organisés, dans les municipalités qui ont des infrastructures à gérer, des conflits d’usage peuvent survenir, d’autant plus que l’exploitation minière nécessite beaucoup d’eau, ajoute-t-elle.
Apprendre encore plus
- 52%
- Les dépenses globales du secteur minier au Québec ont bondi de 52 % en 2021, totalisant près de 4,3 milliards de dollars.
- 85%
- En 2021, les dépenses liées aux travaux d’exploration se sont élevées à 990 M$, en hausse de 85 % par rapport à l’année précédente.
Source : Institut statistique du Québec
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