Après l’interminable attente de 51 jours pour avoir le nom du nouveau Premier ministre, un autre suspense est désormais en cours : qui composera le futur gouvernement de Michel Barnier ? La tâche s’annonce difficile pour le locataire de Matignon, qui doit à la fois tenir compte des équilibres politiques de l’Assemblée nationale pour éviter une censure rapide, tout en faisant face au refus de plusieurs personnalités et même de plusieurs partis politiques d’entrer au gouvernement.
Il n’existe pas de date butoir pour que le président nomme un gouvernement sur proposition du Premier ministre, mais l’horizon du 1er octobre, date de la reprise des travaux de l’Assemblée, semble fixer une limite pour que le gouvernement soit composé d’ici là et soit prêt à défendre sa ligne politique. A moins qu’une session extraordinaire ne soit convoquée avant cette date.
Barnier veut des « gens de gauche », Faure rejette l’idée
“Ce ne sera pas seulement un gouvernement de droite comme j’entends dire ici et là”, a assuré vendredi Michel Barnier sur TF1, précisant qu’il y aura “des gens de (sa) famille politique”, avant de s’ouvrir à “des hommes et des femmes de bonne volonté qui appartiennent à la majorité sortante et au-delà”, y compris “des gens de gauche”.
Sauf que la main tendue « à la gauche » a été catégoriquement refusée quelques heures plus tôt par le Premier secrétaire du PS Olivier Faure. « Je pense qu’aucune personnalité du PS » n’entrera dans le gouvernement de Michel Barnier, expliquait-il sur France Inter.
« Quelqu’un qui se dit de gauche et qui arrive au gouvernement n’est pas de gauche. »
La porte était également fermée côté LFI, les écologistes, tandis que les communistes ont annoncé, comme les autres composantes du NFP, qu’ils censureraient le gouvernement Barnier. “Quelqu’un qui se dit de gauche et qui va au gouvernement de M. Barnier, n’est pas de gauche”, a déclaré sur BFMTV la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier.
Si nous vous parlons des membres de @EELV qui pourrait entrer dans le gouvernement de Michel Barnier…
Il va sans dire…
…mais apparemment, c’est mieux de le dire…
Ce scénario n’existe tout simplement pas !
« Mais vous les exclurez ? »
Et bien non, puisque cela n’arrivera pas 😉#Bref pic.twitter.com/ZBlXw9DrvG
— Marine Tondelier (@marinetondelier) 7 septembre 2024
Des socialistes opposés à la ligne d’Olivier Faure, comme la maire de Vaulx-en-Velin Hélène Geoffroy, Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen qui doit lancer son mouvement en octobre prochain, ou Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, ont également rejeté l’idée.
L’entourage de Michel Barnier a confirmé lundi sur France Télévisions que le Premier ministre “rencontrera prochainement des personnalités de gauche. Il a déjà parlé à certaines d’entre elles au téléphone”. Reste à savoir qui pourraient être ces “personnalités de gauche” qui pourraient entrer au gouvernement.
Le RN refuse de participer au gouvernement
A l’extrême droite, plusieurs membres du Rassemblement national excluent l’entrée de membres du parti de Jordan Bardella au gouvernement, et mettent en garde le Premier ministre contre toute censure, selon la politique qui sera mise en oeuvre.
En revanche, du côté de la famille politique de Michel Barnier, la droite, on est prêt à le suivre à condition que les priorités affirmées par Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Gérard Larcher lors de leur rencontre avec le Premier ministre soient en phase avec la ligne politique du futur gouvernement.
Très probablement LR, accompagné de ministres démissionnaires LR ?
Le gouvernement pourrait donc être fortement composé de personnalités issues de LR. Parmi les noms qui circulent, Bruno Retailleau, Xavier Bertrand ou encore Philippe Juvin.
D’anciens membres des Républicains, transfuges de la Macronie, pourraient également venir compléter le casting et faire le lien entre l’ancien gouvernement et l’actuel. Parmi eux, le nom de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités et ex-députée LR, pourrait rester en poste, tout comme Rachida Dati et Gérald Darmanin rapporte Le Huff.
Horizons prêt à participer au gouvernement, Estrosi refuse
Mais au sein de la coalition présidentielle, la division règne sur une éventuelle participation au gouvernement, avec des refus d’emblée. Chez Horizons, le parti d’Édouard Philippe, Christian Estrosi a d’emblée fermé la porte à un poste ministériel, expliquant sur BFMTV qu’il préférait se concentrer sur sa ville de Nice.
Il a toutefois indiqué qu’Horizons “partageait totalement la sensibilité” de Michel Barnier, et qu’il n’y avait donc “aucune raison” pour que des membres du parti d’Édouard Philippe ne soient pas “prêts à l’accompagner” au sein du futur gouvernement.
Le MODEM divisé sur sa participation au gouvernement
Au MoDem, le parti semble divisé sur la position à adopter. Le député Erwan Balanant, « en colère » à l’annonce de la nomination de Michel Barnier, estime que le président a manqué de courage en ne nommant pas Bernard Cazeneuve et estime auprès de Mediapart que « la décision de participer ou non au gouvernement est prématurée pour l’instant ». Son collègue Richard Ramos a fustigé « un mauvais choix » et écarté l’éventualité d’une participation au nouveau gouvernement, « car cela ne correspond pas à ce que voulaient les Français et c’est irrespectueux de l’arc républicain », explique-t-il à France Info.
Deux positions contraires à celle du chef du MoDem, François Bayrou, qui a affirmé dimanche son soutien au Grand Jury : “Je soutiendrai Barnier, je ferai tout pour que ça marche”, ajoutant que des ministres MoDem seraient “une évidence”.
Chez Renaissance, nous gagnons du temps
Au sein du parti créé par Emmanuel Macron, la tentation existe, mais les troupes sont divisées. Devant ses troupes, le nouveau chef de file des députés EPR à l’Assemblée Gabriel Attal a évoqué une “possible participation” aux mesures présentées au début de l’été par son camp comme une “boussole”.
Mais tout le monde n’est pas partant. Certains ministres démissionnaires excluent toute nouvelle fonction dans la future équipe gouvernementale. Agnès Pannier-Runacher, qui se considère comme “de gauche”, estime “qu’un changement de cap politique est un changement d’incarnation”, et estime qu’il ne faut pas reprendre les membres du gouvernement sortant. Elle-même a fermé la porte à une entrée au gouvernement, préférant concentrer son énergie sur son mandat de députée du Pas-de-Calais.
🗣 « Je pense qu’un changement de cap politique est un changement d’incarnation » confie Agnès Pannier-Runacher (députée Ensemble pour la République), tout en évoquant l’hypothèse de certains membres de la dernière majorité présidentielle qui pourraient participer au gouvernement… pic.twitter.com/ZNCxfkYktF
— franceinfo (@franceinfo) 7 septembre 2024
Du côté de la « gauche » d’Ensemble pour la République, on ne voit pas du tout l’envie de participer au gouvernement Barnier, à en juger par la réaction de la députée Stella Dupont : « Barnier est expérimenté, et très à droite aussi. Comment sont prises en compte les préoccupations écologiques, sociales et démocratiques ? », s’interroge-t-elle.
En revanche, d’autres, comme Karl Olive, sont prêts à rejoindre le gouvernement Barnier. « Si jamais le nouveau Premier ministre m’appelait, évidemment, je participerais à ce gouvernement », martelait le député Renaissance sur France Info puis TF1 ces derniers jours.