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Depuis deux ans, l’école d’ingénieurs Centrale Nantes renouvelle ses formations pour intégrer les enjeux environnementaux, face à l’urgence climatique. Un mouvement initié par les étudiants eux-mêmes.
C’était il y a presque deux ans : les étudiants ingénieurs, appelés « forkers » a appelé les grandes écoles à revoir leurs formations et leurs partenariats avec les grands groupes, pour les aligner sur l’urgence climatique. Depuis, le mouvement pousse les écoles d’ingénieurs à se remettre en question et à accélérer leur transition. À Centrale Nantes, la direction a lancé en 2022 une formation dédiée au « low-tech », ou comment concevoir de manière plus durable et sociale.
« Pour l’école, c’est un changement de paradigme » reconnaît le responsable du parcours, Jean-Marc Benguigui. “Dans cette formation nous ne sommes pas en quête de progrès technique à tout prix, mais plutôt de progrès social. On essaie de faire des choix de matériaux pour réduire l’impact et surtout, c’est une question centrale en low-tech, on s’interroge sur l’intérêt du produit qui nous est demandé. Est-ce que cela répond vraiment à un besoin essentiel ? Lors de cette formation, les 12 étudiants réinterrogent donc la nature même du métier d’ingénieur autour d’un projet, dédié cette année à la réduction de l’impact environnemental des bateaux de course.
“Nous devons arrêter de détruire la planète.”
Julien, étudiant low-techsur franceinfo
Sans surprise, ces étudiants sont déjà conscients des enjeux environnementaux ; certains se décrivent même comme “militants. C’est le cas de Julien, qui rêve d’une ingénierie plus durable : “Jusqu’à présent, les ingénieurs fabriquaient des objets parce qu’on leur avait ordonné de le faire. Les gens veulent rouler dans de gros SUV, alors les ingénieurs conçoivent de gros SUV. Mais si demain tout le monde veut un four solaire en bois, il y aura de nombreux ingénieurs pour en concevoir un.”
Ces convictions affichées sont partagées par Émile, un autre étudiant de la formation qui espère pouvoir changer les grandes entreprises de l’intérieur. “Actuellement, je fais mon stage chez Orange, explique le jeune homme. J’essaie de voir comment on peut accompagner ces grands groupes, qui n’ont pas de modèle durable, vers un modèle plus écologique et social. La transformation doit aussi venir de l’intérieur.
Ces discours, encore rarissimes, voire inexistants, il y a dix ans, se multiplient. Ce sont eux qui ont poussé Centrale Nantes à revoir sa formation. “Nous avons vu apparaître ces positions vers 2018, et les premiers étudiants ont libéré la parole des suivants”, dit Jean-Marc Benguigui. “Nos jeunes souhaitent vraiment que l’école s’adapte au monde d’aujourd’hui et que l’enseignement intègre tous les aspects environnementaux. Ce sont les élèves qui nous ont aidés à changer et à remettre en question notre enseignement.”
L’école a également lancé deux autres formations en 2023 autour des énergies renouvelables, de la maîtrise et de la gestion de l’énergie. Elles s’ajoutent aux six autres formations d’accès sur les questions environnementales. A la rentrée 2024, tous les cours du tronc commun aborderont cette question.
Reste à savoir si cette formation « low-tech » intéresse les entreprises ou les collectivités. Jean-Marc Benguigui évoque un « un intérêt croissant et bien réel », ce que confirme Ilan Vermeren, l’un des premiers diplômés de ce cursus.
Après un stage de six mois au Brésil, consacré à la conception d’un four à biochar (une poudre de charbon), il travaille aujourd’hui au Dôme de Caen, centre de culture scientifique, où il est chargé notamment de promouvoir les low-tech dans La Normandie. “Ça intéresse beaucoup de monde, explique Ilan Vermeren. Nous vivons dans un monde où nos chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus tendues, et le retour à un niveau technologique inférieur permet aux grands groupes d’être plus résilients face à ces contraintes, en apprenant par exemple à se passer des métaux rares. , aujourd’hui incontournable dans la fabrication des smartphones.”
Preuve d’un intérêt naissant de la part des grands groupes, citons entre autres la création récente par Airbus d’un poste de chef de projet chargé de développer le low-tech dans l’assemblage aéronautique.
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