Categories: Divertissement

“Quand je parle de voyage, il s’agit toujours d’itinéraires intimes et personnels”

Chaque jour, une personnalité s’invite dans l’univers d’Élodie Suigo. Vendredi 10 mai 2024 : l’auteur, compositeur, interprète et oiseau rare de la musique française, Gérard Manset. Il nous parle de “L’Algue bleue”, son 24ème album.

Publié


Mise à jour


Temps de lecture : 22 min

Gérard Manset fait partie de ces artistes impossibles à définir, non pas parce qu’ils sont inclassables, ce qu’il est aussi, mais parce qu’ils ne ressemblent à aucun autre. Ces artistes rares ont un point commun, ils sont indomptables, francs, directs et ils n’aiment pas trop le monde médiatique et encore moins les paillettes qui vont souvent avec. C’est avec le titre Animal, nous sommes mauvais, sorti en 1968 et qui a marqué les esprits en pleine période contestataire, découvrons sa voix. Son travail multidisciplinaire a été reconnu en 2017 par l’Académie française qui lui a décerné la Grande Médaille de la chanson française. Aujourd’hui, il est de retour avec Algues bleuesson 24ème album studio.

franceinfo : Axé sur cette notion du temps qui passe, du sablier qui s’enfuit, cet album est aussi une invitation au voyage, une de vos passions. On a l’impression qu’il s’agit cette fois davantage d’un voyage intérieur.

Gérard Manset : Oui, mais ils le sont tous. Quand je parle de voyage, il s’agit toujours d’itinéraires intimes et personnels. Au fil des albums, il y a toujours quelques morceaux qui s’y baladent. Là, je me suis un peu dérouté depuis que je suis allé sur la Lune, c’est donc une destination un peu plus improbable, mais j’y suis quand même chez moi.

Étonnamment, on découvre des facettes, car il y a cette retenue, cette pudeur que vous avez toujours eue, qui vous permet de parler de votre enfance. L’enfant que vous avez finalement été satisfait de l’homme que vous êtes devenu ?

Ah la question, je ne me suis jamais posée. Elle est très intéressante. Eh bien, je le pense, parce qu’il est toujours à côté de moi, me tapant sur l’épaule, regardant de loin, fronçant les sourcils. Il doit même jubiler des embûches que j’ai su éviter et des tempêtes privées que j’ai traversées aux quatre coins du monde.

“Le petit garçon que j’étais est toujours là et enfin il est satisfait.”

Gérard Manset

sur franceinfo

A quel âge avez-vous découvert la poésie, la littérature, la force des mots, le pouvoir des mots ?

J’étais très médiocre dans toutes les classes du lycée, je n’écoutais pas beaucoup. Peut-être que la première fois où j’ai été très intrigué, c’était avec “Voici le trou, voici l’échelle. Descendre” dans le poème Les égouts de Rome par Victor Hugo. Je devais avoir 12 ou 13 ans, c’était en classe. J’ai feuilleté quelques pages. Puis bien longtemps après, ce fut Ronsard, où tout est merveille. Puis j’ai commencé à lire tard, vers la quarantaine, avec Paul Gauguin, Oviri : Écrits d’un sauvage et puis, je suis entré dans le Zola, dans le Balzac, et là, je n’ai jamais décollé.

Comment vivez-vous dans le monde d’aujourd’hui, vous qui refusez d’être connectés ?

Je suis très fermé à tout ça, car cela empiéterait trop sur mon univers imaginaire, qui a besoin de respirer, qui a besoin, comme l’enfant dont on parlait tout à l’heure, d’être seul. Et cette bulle parallèle à lui qu’il traîne partout, ce ballon à oxygène qu’est l’imagination, évidemment, que tout ce qui peut empiéter dessus, comme les réseaux, comme les téléphones portables et comme tout ce qu’est Internet aujourd’hui, aujourd’hui, c’est non.

Votre voyage a été solitaire depuis très longtemps et la solitude vous a toujours accompagné. Vous abordez également cette solitude dans vos textes. Quelle place occupe-t-il dans votre vie ? Est-ce nécessaire? Est-ce étouffant ?

Elle l’est et elle ne l’est pas. Parce qu’il y a la solitude et la non-solitude. Heureusement, j’ai été suivi, courtisé, accompagné, espéré, attendu dans plein d’endroits. Et pour faire simple, j’ai une sorte de malformation congénitale, qui fait que je ne m’attache pas. Je suis l’homme des marches, les unes après les autres. Et en voyage, c’était comme ça. Un jour c’était Bogota, un jour Manille. Et dans toutes ces histoires, j’ai encore la longévité de la littérature. Là, j’y retourne.

Les gens ressentent un énorme attachement envers vous. Comment le vivez-vous ? Vous n’aimez pas vous attacher, mais ils sont attachés à vous.

Oui, on dirait que quelque chose sort du sol. J’ai des manifestations d’estime, presque d’amour, beaucoup plus denses qu’avant. Je pense que cela devient indispensable pour certaines personnes. Maintenant, je ne vais pas citer de noms, je vais dire Biolay ou je ne sais qui, sont-ils indispensables ? Pour qui sont-ils indispensables ? Villon est essentiel, donc je suis désolé, c’est peut-être prétentieux, je ne sais pas, mais je fais partie de la catégorie de ces gens-là.

Enfin, avez-vous l’impression d’avoir réussi ou échoué dans votre vie, puisque vous chantez Sa vie lui manque ?

“Toute ma vie, j’ai refusé la télévision, j’ai refusé les tournées, j’ai tout refusé parce que je trouvais ce métier un peu particulier.”

Gérard Manset

sur franceinfo

Personnellement, je ne pense pas avoir raté ma vie. Je ne pense pas que dans les 25 albums, il y ait plus de trois phrases que je ne lâcherais pas, et que d’ailleurs, pour certains titres, j’avais supprimées à l’époque. Il y a deux ou trois choses que je trouvais un peu faciles, qui auraient plutôt été liées aux auteurs-compositeurs de la SACEM et je n’aime pas trop ça !

Juliette

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

Comment l’Irlande est devenue un bastion d’écrivains

Avec six lauréats du prix Booker et quatre lauréats du prix Nobel, l'Irlande est assurément une terre d'écrivains. La journaliste…

1 minute ago

Création d’un congé maternité, salaire minimum… Le basket féminin français se dote d’une convention collective « historique »

Le joueur de Villeneuve-d'Ascq Shavonte Zellous, le 12 avril 2024 à Mersin (Turquie). OZAN ​​KOSE / AFP Un peu plus…

6 minutes ago

Bastianini s’impose en Émilie-Romagne devant le leader Martin, Bagnaia au tapis

L'Italien Enea Bastianini (Ducati) a remporté dimanche à Misano le Grand Prix MotoGP d'Émilie-Romagne, devant le leader du championnat Jorge…

9 minutes ago

Alerte météo : fortes pluies et orages dans le sud-est jusqu’à lundi

De Dimanche 22 septembre à 12h00 À Lundi 23 septembre à 9h00 Situation Une dépression traverse le nord de la…

10 minutes ago

Des centaines d’enfants victimes d’abus sexuels dans des « maisons de l’horreur » découvertes en Malaisie

Par Rédaction de nouvelles Publié le 22 septembre 2024 à 16h11 Voir mes actualités Suivre l'actualité La police malaisienne a…

12 minutes ago

Main. Proligue. Ce qu’il faut retenir de la troisième journée du championnat

La 3e journée du championnat de Proligue s'est jouée les vendredi 20 et samedi 21 septembre 2024. Une journée marquée…

17 minutes ago