Un collectif de militants de La France insoumise et du Nupes appelle à la démission du député Adrien Quatennens dans une tribune publiée lundi dans Le Monde. L’affaire marque une rupture entre la direction de La France insoumise et sa base militante, déterminée à être intraitable sur les violences sexistes et sexuelles.
L’affaire Quatennens continue de semer l’émoi et la zizanie au sein de La France insoumise (LFI) et, au-delà, de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). Plus d’un millier de militants ont signé une tribune, publiée lundi 26 décembre dans Le Monde, pour dénoncer la décision du mouvement de n’exclure que provisoirement de son groupe parlementaire le député Adrien Quatennens, condamné mi-décembre pour violences conjugales.
« Nous, membres de La France insoumise et du Nupes exigeons l’exclusion d’Adrien Quatennens », peut-on lire dans la tribune. « Nous appelons les militants à l’insoumission », poursuivent-ils, dénonçant un « système vertical qui privilégie la protection des cadres supérieurs au détriment des militants et des programmes ».
Suspendu quatre mois de son groupe à l’Assemblée nationale au lendemain de sa condamnation à quatre mois de prison avec sursis pour « violences » sur son épouse, le député du Nord a refusé de démissionner et annoncé un retour sur les bancs du palais Bourbon en Janvier.
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« Appliquez vos promesses, agissez : oui, le privé est politique, aucun agresseur n’a sa place dans nos partis, nos organisations, nos institutions, dans nos hémicycles », exhortent les signataires.
La publication de cette tribune est le signe que la base militante, et notamment les féministes et les jeunes, n’entend pas laisser LFI et Adrien Quatennens s’en tirer avec ce qu’elle considère comme une demi-mesure. Il symbolise une rupture entre la direction de LFI et sa base militante.
Vingt-cinq groupes rebelles en « grève militante »
Dès le 13 décembre, jour de la condamnation du député du Nord, les Jeunes insoumis de Poitiers ont franchi le pas et annoncé dans un communiqué sur Twitter « l’arrêt pour une durée indéterminée » du groupe d’action. Une semaine plus tard, les jeunes du Poitevin sont rejoints par plus d’une dizaine de groupes d’action dans cette « grève militante ». Au total, vingt-cinq collectifs estampillés France insoumise ont exprimé publiquement leur colère, selon un décompte du Discord Insoumis, un collectif qui rassemble près de 17 000 personnes sur les chaînes de discussion.
« On n’ira pas plus loin que la grève militante », explique le Discord Insoumis à l’AFP. Mais « nous pensons qu’exclure définitivement et au plus vite Adrien Quatennens du groupe parlementaire permettrait, justement, d’éviter d’arriver à une hémorragie militante ».
Des propos qui font écho aux critiques formulées par certains députés LFI après les interviews accordées par Adrien Quatennens à La Voix du Nord et BFM TV, quelques heures seulement après sa condamnation, dans lesquelles il affirmait ne pas être « un agresseur » et « un violent ». homme », tout en se disant victime d’un « lynchage médiatique ».
La députée Clémentine Autain a ainsi rapporté dans le Journal du Dimanche être « restée clouée au sol » en notant qu’il « réfutait méthodiquement tous les principes féministes ». « Il n’a tenu aucun compte du point d’équilibre trouvé démocratiquement au sein de notre groupe et des propos que nous avons posés », a-t-elle protesté, estimant même que « ses déclarations vont rouvrir le débat » au sein du groupe des députés LFI.
Comme beaucoup, je ressens un profond malaise face aux entretiens avec Adrien Quatennens.
Après une condamnation pour violences conjugales, on ne passe pas à la télé pour minimiser ou « contextualiser » en révélant le passé de la victime.
Cela va à l’encontre de notre combat féministe.
— Manon Aubry (@ManonAubryFr) 16 décembre 2022
« Comme beaucoup, je ressens un profond malaise face aux interviews d’Adrien Quatennens. Après une condamnation pour violences conjugales, on ne passe pas à la télé pour minimiser ou ‘contextualiser’ en révélant le passé de la victime », a tweeté Manon Aubry, députée européenne. Parlement européen et coprésident du groupe de gauche au Parlement européen. « Cela va à l’encontre de notre combat féministe », a-t-elle déclaré.
« Pas en mon nom, pas en notre nom »
« Révéler le passé, l’enfance, l’intimité de la victime. Minimiser et relativiser sa propre violence. Cette stratégie est caractéristique des auteurs de violences conjugales. C’est grave. Ça nuit à nos combats, contre toutes les formes de violences faites aux femmes », a pour sa part jugé la députée du Puy-de-Dôme Marianne Maximi sur Twitter.
Révéler le passé, l’enfance, l’intimité de la victime.
Minimiser et relativiser sa propre violence.Cette stratégie est caractéristique des auteurs de violence domestique.
C’est sérieux. Cela nuit à nos combats contre toutes les formes de violences faites aux femmes.#Quatennens
— Marianne Maximi (@MarianneMaximi) 15 décembre 2022
« Je n’ai qu’à réagir à la communication personnelle d’Adrien Quatennens : pas en mon nom, pas en notre nom », a également tweeté Sarah Legrain, députée de Paris et membre de la cellule contre les violences sexistes et sexuelles de LFI.
Ces propos ne concernaient toutefois que la stratégie médiatique d’Adrien Quatennens et ne remettaient pas en cause la décision collective des députés LFI de le suspendre pour quatre mois du groupe parlementaire. Seule la députée Pascale Martin a jusqu’ici publiquement dénoncé, sur BFM TV, « une erreur politique », estimant qu' »elle aurait dû être exclue du groupe ».
Au-delà de La France insoumise, c’est tout le bateau Nupes qui tangue. « Pour une sanction de cette nature, nous aurions prononcé l’expulsion », avait notamment déclaré le 13 décembre le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. « Ce n’est pas assez. Le message doit être clair. Quand un élu est reconnu coupable de violences sexistes et sexuelles, il doit démissionner », a déclaré la patronne du groupe Europe Ecologie-Les Verts à l’Assemblée, Cyrielle Chatelain.
Nous devons être intraitables sur les violences sexistes et sexuelles.
Pour les écologistes, un élu reconnu coupable de violences sexistes et sexuelles doit démissionner. Cette doctrine doit s’appliquer partout, pour tous. #AdrienQuatennens
— Cyrielle Chatelain (@Cyrielle_Chtl) 13 décembre 2022
La pression militante et ses partenaires du Nupes vont-ils pousser les insoumis à rouvrir le dossier Quatennens ? Alors que Jean-Luc Mélenchon est arrivé troisième à la dernière élection présidentielle et a réussi à fédérer la gauche derrière lui aux législatives, l’hégémonie de La France insoumise semble fragilisée en cette fin d’année 2022. Nul doute que le retour d’Adrien Quatennens à l’Assemblée en janvier va susciter de nouvelles réactions.
La base militante n’est pas près d’abandonner le combat. « Vous nous avez demandé de faire preuve de détermination et d’être implacables. Nous le sommes. Nous ne céderons rien, car vous l’avez dit : nous avons raison », conclut le collectif de militants dans sa tribune.
France 24