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Que peut faire Michel Barnier pour se remettre sur les rails en Europe ?


CDouze milliards d’euros, c’est le montant des économies que la France doit réaliser dans les prochaines années pour redresser ses finances publiques. Michel Barnier, qui va entamer un dialogue avec la Commission européenne d’Ursula von der Leyen, ne peut l’ignorer. La « vérité » que le nouveau Premier ministre a promise aux Français – même si elle est désagréable – est déjà sur son bureau.

Il lui suffit en effet de lire la dernière note du Conseil d’analyse économique (CAE), un think tank rattaché à Matignon. La note date de juillet dernier. Le diagnostic est connu et répété sans pénétrer les esprits de gauche : notre pays vit depuis trop longtemps au-dessus de ses moyens. La Commission de Bruxelles a placé la France en procédure de déficit excessif le 21 juin. Elle formulera des recommandations en novembre sur la base d’une prochaine proposition du gouvernement Barnier.

Le « quoi qu’il en coûte » doit-il céder la place à une austérité dévastatrice ? Pas tout à fait. Les économistes du CAE – Adrien Auclert de l’université de Stanford, Thomas Philippon de l’université de New York et Xavier Ragot de l’OFCE – préconisent une cure d’amaigrissement progressive, étalée sur sept à douze ans.

L’objectif ? Atteindre un excédent primaire (hors service de la dette) d’environ 1 % du PIB. Un effort titanesque quand on sait que le déficit primaire est actuellement proche de 3,5 % du PIB. Autre difficulté pour mettre en œuvre cette stratégie de long terme : les délais ne sont pas compatibles avec la réforme du semestre européen. Certes, les règles européennes ont été assouplies lors de la récente réforme, mais le retour à la normale doit se faire dans un délai de quatre à sept ans (réformes à la clé). Une trajectoire de sept à douze ans est donc bien trop longue pour la Commission de Bruxelles.

Une aide publique mieux ciblée

Côté dépenses, le CAE énumère des pistes d’économies à portée de main. Tout d’abord, recentrer les aides à l’apprentissage sur les jeunes peu qualifiés (4 milliards d’économies), cibler plus finement les exonérations de cotisations patronales (2 milliards d’euros) ou encore réformer le crédit d’impôt recherche (2,5 milliards d’euros). Côté recettes, la suppression des niches fiscales sur les droits de succession rapporterait 9 milliards d’euros.

Mais attention, le CAE ne se contente pas de gratter le fond du baril. Les économistes préviennent : ces mesures ne suffiront pas. Il faudra aller plus loin, quitte à bousculer certains tabous profondément ancrés dans notre modèle social.

Dans leur ligne de mire : la sacro-sainte indexation des prestations sociales sur l’inflation. Une sous-indexation permet de réaliser des économies substantielles, mais au prix d’une baisse du pouvoir d’achat des plus fragiles. Michel Barnier peut-il cautionner cette mesure impopulaire devant une Assemblée nationale où l’extrême gauche comme l’extrême droite jouent la carte du « peuple contre les élites » ?

À LIRE AUSSI La France doit-elle vraiment réduire ses dépenses publiques ? « À titre d’exemple purement illustratif, si l’indice de points de la fonction publique (Etat, territoriale et hospitalière), l’ensemble des prestations sociales en espèces et le barème de l’impôt sur le revenu étaient gelés en 2025, plutôt que revalorisés au niveau de l’inflation de 2024 (estimée à 2,5 %), cela rapporterait environ 20 milliards d’euros aux comptes publics », analysent les auteurs. Or, les électeurs ont voté aux législatives pour une hausse du pouvoir d’achat. Comme si elle était décrétée…

Cette cure d’austérité, si elle devait être entreprise, devrait se faire dans un contexte économique pour le moins défavorable. Une triple menace pèse sur nos finances publiques. D’abord, le vieillissement de la population, qui risque de faire exploser les dépenses de santé et de retraite. Ensuite, la transition écologique, un chantier colossal qui pourrait engloutir jusqu’à 2 points de PIB par an. Enfin, les tensions géopolitiques, qui poussent à gonfler le budget de la Défense.

Engrenage infernal

Autant de « vents contraires » qui menacent de faire dérailler le train des économies. Les experts du CAE ne cachent pas leur inquiétude : la facture pourrait s’alourdir de plusieurs points de PIB. Un scénario catastrophe qui rend l’équation budgétaire quasiment impossible à résoudre.

Face à ce défi herculéen, le CAE appelle à une refonte de la gouvernance des finances publiques. Exit le bricolage budgétaire, place à une vision de long terme portée politiquement à un niveau supérieur. Les économistes plaident notamment pour un renforcement des pouvoirs du Haut Conseil des finances publiques, qui deviendrait un véritable organe de surveillance indépendant. Michel Barnier, dont le gouvernement précaire cherche surtout à faire passer le budget, voit-il si loin ?

À LIRE AUSSI Pourquoi il faut se méfier d’une politique budgétaire très restrictiveLes auteurs tendent un miroir aux décideurs français en Italie. Dans les années 1980, l’Italie a vu sa dette s’envoler. Résultat ? Les taux d’intérêt ont grimpé en flèche, plus vite que la croissance. Rome a tenté de combler les écarts avec des excédents budgétaires. Peine perdue. La dette est restée bloquée au-dessus de 100 % du PIB. Puis sont arrivées la crise de 2008 et celle de 2020… La dette italienne a explosé, atteignant près de 140 %.

Les marchés s’affolent, les taux grimpent. C’est un cercle vicieux. Malgré des efforts dignes d’un plan d’austérité, la dette continue de gonfler. L’investissement public est sacrifié sur l’autel du désendettement. La croissance, anémique, ne suffit plus à desserrer l’étau. Sans croissance, les électeurs se détournent des partis traditionnels et se tournent vers les extrêmes, d’abord la Ligue de Salvini, puis les Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni.

La France est-elle sur la même pente glissante ? Les experts du CAE tirent la sonnette d’alarme. Notre pays doit agir vite, très vite, pour éviter ce piège à la romaine. Maîtriser la trajectoire de la dette avant que les taux ne s’envolent. Car une fois dans le piège, difficile d’en sortir. Les Italiens sont pris dans une spirale infernale. Ils voient leurs efforts réduits à néant par le poids écrasant des intérêts de la dette. Un avertissement que le gouvernement Barnier ferait bien de méditer. La France a encore une fenêtre d’opportunité pour se remettre sur les rails. Mais le temps presse.


Anna

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