Qui est Robert Fico, le Premier ministre slovaque « entre la vie et la mort » après avoir été abattu ?

Revenu au pouvoir en octobre 2023 en Slovaquie, cet homme politique de 59 ans avait déjà dirigé le gouvernement de son pays entre 2006 et 2010, puis de 2012 à 2018. Ancien communiste devenu social-démocrate, il a pris un virage nationaliste et populiste.

Publié


Temps de lecture : 4 min

Le Premier ministre slovaque Robert Fico lors d'une conférence de presse à Budapest, en Hongrie, le 16 janvier 2024. (ATTILA KISBENEDEK / AFP)

Ses jours sont en danger. Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, a été victime d’un « tentative d’assassinat », mercredi 15 mai, a annoncé le gouvernement. Le dirigeant de 59 ans a été abattu « plusieurs fois » après un meeting politique à Handlova, dans le centre du pays, et a été transporté par hélicoptère vers un hôpital. L’homme fait partie du paysage politique slovaque depuis plus de trente ans.

Né en 1964 dans une famille ouvrière, ce passionné de courses automobiles et de bodybuilding a débuté sa carrière au sein du Parti communiste en 1989, juste avant que la Révolution de velours ne balaye le régime de l’ex-Tchécoslovaquie, rappelle Gardien. Dix ans plus tard, il quitte le Parti de la gauche démocratique (SDL), héritier politique du Parti communiste, pour fonder Smer-Démocratie sociale (Smer-SD).

Il n’a fallu que sept ans au mouvement devenu populiste et nationaliste pour remporter une victoire écrasante aux élections législatives de 2006. Deux ans après l’adhésion de la Slovaquie à l’Union européenne, Robert Fico se retrouve catapulté au poste de Premier ministre. Il a ensuite formé une coalition avec le Parti national slovaque (SNS), un mouvement d’extrême droite, partageant sa rhétorique anti-réfugiés et ses tendances populistes. Il a profité de la crise financière mondiale de 2008 et 2009 pour renforcer sa popularité, refusant d’imposer des mesures d’austérité dans son pays.

Revenu dans l’opposition en 2010, Robert Fico revient au pouvoir deux ans plus tard, après la chute d’une coalition de centre droit sur fond d’allégations de corruption. Malgré une déception en 2014, lorsque ses ambitions présidentielles furent anéanties par la victoire du novice politique Andrej Kiska, il resta à la tête du gouvernement jusqu’en 2018.

Il a ensuite été poussé à la démission par une vague de manifestations née après le meurtre du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée. Ce journaliste s’apprêtait à révéler des informations compromettantes contre le gouvernement slovaque, accusé d’être corrompu et lié à la mafia italienne. Robert Fico a cependant réussi à conserver son siège au Parlement, avant de reprendre le pouvoir en octobre 2023, après la victoire de son parti aux élections législatives.

Ce troisième mandat de Robert Fico est scruté de près par les Vingt-Sept, soulignent Les échos. Cet avocat de profession, parlant couramment l’anglais, s’est bâti une réputation à Strasbourg et à Bruxelles en tant que représentant de son pays auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, de 1994 à 2000. Proche du Premier ministre hongrois eurosceptique Viktor Orban, il s’en prend aussi ouvertement à l’UE.

Comme son homologue hongrois, Robert Fico défend une politique anti-immigration, n’hésitant pas à tenir des propos xénophobes. Lors de la campagne pour les dernières élections législatives, il a affirmé que « Même Dieu ne sait pas qui parmi les migrants est un terroriste ou qui est porteur d’une maladie infectieuse ». Lors de la crise migratoire de 2015, il avait déjà adopté une position dure envers les migrants, refusant de « donner naissance à une communauté musulmane distincte en Slovaquie » et critiquant le programme de quotas de l’UE visant à répartir les réfugiés entre les différents États membres.

Plus récemment, Robert Fico s’en est également pris à la communauté LGBT+. Il a notamment critiqué le mariage pour tous et déclaré que l’adoption par les couples de même sexe était une « perversion »rapporte le Gardien.

Robert Fico est également connu pour ses positions pro-russes. Le chef du gouvernement slovaque a récemment assuré que « la guerre en Ukraine a commencé en 2014, lorsque les fascistes ukrainiens ont tué des victimes civiles de nationalité russe », reprenant la rhétorique du Kremlin. Il a également affirmé qu’il n’autoriserait pas l’arrestation de Vladimir Poutine, pourtant visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, si le président russe se rendait un jour en Slovaquie.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Bratislava, membre de l’UE et de l’OTAN, a fourni une aide militaire substantielle à Kiev. Mais, avant même sa réélection, Robert Fico s’était engagé à ne plus tenir ses promesses « une seule balle » en Ukraine une fois au pouvoir. Une promesse rapidement suivie d’effets. À l’automne, leLe nouvel exécutif a ainsi bloqué une livraison d’armes décidée par le précédent gouvernement, pour un montant de 40,3 millions d’euros.

Robert Fico a également été accusé de menacer l’État de droit, avec des réformes telles que le remplacement de l’audiovisuel public – faisant craindre une mainmise politique sur le service public d’information – ou la suppression du parquet spécial, responsable des grandes affaires de corruption et crime organisé – et dont les enquêtes visent plusieurs responsables du parti de Robert Fico.