Qui sont les « slashers-cueilleurs » qui alternent entre réunions Teams le matin et récolte de courgettes l’après-midi ?

TuUne fois rentré dans la routine du bureau, on se sent parfois comme un plant de tomates en manque de photosynthèse. Ce qui nous manque, même vaguement, ce n’est pas tant le farniente et le spritz de 16h que le contact avec la nature, cette sensation de faire partie d’un tout vibrant que les univers climatisés rendent parfois difficile à vivre. On aime alors rêver, se dire qu’on adorerait se lancer dans le maraîchage ou l’élevage de chèvres. Mais, de peur de renoncer à son confortable CDI, on finit par rediriger rapidement ses préoccupations nourricières vers la cantine (de toute façon, c’est trop court pour espérer faire pousser un panais à 12h45).

La vie dans le secteur tertiaire repose sur une abstraction cardinale du rapport à la subsistance : pendant que nous travaillons pour gagner notre vie (métaphoriquement, bien sûr), nous déléguons à d’autres le soin de s’occuper des moyens concrets de maintenir à flot nos variables physiologiques. Cette division des tâches est aujourd’hui remise en cause par un certain nombre de jeunes travailleurs. Ils veulent à la fois la visioconférence de 11 heures (pour savoir quel papier peint Martin a choisi) et la cueillette des courgettes de 17 heures (parce qu’il est bon de savoir ce que l’on mange : « Ce soir, ratatouille bio ! »).

Un site lancé en 2024, qui recense et encourage ce type d’expérience, a trouvé une terminologie charmante pour décrire ces profils émergents : « slasher-gatherers ». Une référence à nos ancêtres chasseurs-cueilleurs et aux slashers, qui exercent plusieurs activités professionnelles en même temps. Adeptes de l’aménagement hybride, les slasher-gatherers ont la particularité d’avoir un pied dans les champs, un pied dans le tertiaire. Ils sont maraîchers/banquiers ; vignerons/consultants en stratégie ; éleveurs/écrivains freelance…

Éleveur de poulets et rédacteur web

Comme il l’a récemment expliqué à parisienC’est en constatant que de nombreux agriculteurs ont une activité parallèle que Julien Maudet, jeune polytechnicien travaillant dans le conseil et investi une partie de la semaine dans un projet cidricole, a eu l’idée, avec Nicolas Baleynaud et Lola Dubois, d’encourager la démarche inverse en lançant le site Slasheurs-cueilleurs.fr. Objectif : aider les actifs du secteur tertiaire à embrasser une activité agricole en leur proposant des ressources (propositions de formation, conception d’un projet professionnel hybride…) et en valorisant l’expérience de ceux qui l’ont tentée.

Comme Cécile Cardeillac, éleveuse de poules pondeuses dans le Gers et rédactrice web en télétravail. Votre site Web est en train de tomber en ruine ? Laissez-moi rédiger votre contenu ! (Garantie sans fautes de frappe) »elle suggère, avec humour, sur son profil LinkedIn. Ici, l’activité de service permet d’amortir les chocs inhérents à l’élevage, comme lorsque la grippe aviaire vient alourdir le cheptel, et de modérer une activité agricole parfois dure et peu rentable. Quant aux 600 poules pondeuses, elles nécessitent un soin qui invite à relativiser les urgences artificielles de nos mondes numériques : “C’est la vie”dit Cécile, comme pour résumer un besoin de se réancrer.

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