Les Indiens sont appelés à voter à partir de vendredi pour élire leur assemblée. Ces résultats pourraient ou non reconduire l’actuel Premier ministre, Narendra Modi, pour un troisième mandat. Mais ces pratiques inquiètent certains défenseurs des droits humains.
Publié
Mise à jour
Temps de lecture : 5 minutes
C’est le plus grand exercice démocratique au monde. Dès vendredi 19 avril, et pendant six semaines, plus de 970 millions d’électeurs sont appelés aux urnes en Inde pour les élections législatives. Un vote qui pourrait reconduire Narendra Modi pour un troisième mandat, lui qui, depuis son arrivée au pouvoir il y a dix ans, a marqué de son empreinte ce pays de 1,4 milliard d’habitants.
Sous la forme, tout d’abord, d’une idéologie utilisée à des fins politiques : l’hindouisme. Elle vise à instaurer la domination des hindous au détriment des minorités et notamment des musulmans, qui représentent 200 millions de personnes. La campagne de Narendra Modi a débuté avec l’inauguration du temple deAyodhya, dans l’État de l’Uttar Pradesh, à la place d’une mosquée détruite dans les années 1990 par des extrémistes hindous. Le Premier ministre s’appuie également sur un récit national : une Inde qui se développe à une vitesse vertigineuse, tout en exaltant les racines séculaires de l’hindouisme, religion pratiquée par 80 % de la population.
Censure des associations, des médias…
Tout cela inquiète les intellectuels indiens les plus éminents. « Pour sauver la démocratie, nous devons nous demander ce que nous devons faire pour renforcer nos institutions afin que nous ne devenions pas si vulnérables aux pouvoirs des politiciens à plusieurs reprises. »s’inquiète Yamini Aiyar.
Jusqu’en février dernier, elle dirigeait l’un des centres de recherche les plus importants de la capitale indienne, le CPR (Center for Policy Research). Cette dernière a dû licencier la quasi-totalité de ses 200 employés après que le ministère indien de l’Intérieur a décidé de ne pas renouveler son accréditation qui lui permettait de recevoir des fonds de l’étranger.
De nombreuses ONG internationales comme Oxfam, Greenpeace ou Care ont subi le même sort car leurs rapports ne plaisaient pas au pouvoir. Les médias, quant à eux, sont de plus en plus soumis à la censure et les journalistes trop critiques sont qualifiés d’anti-nationaux. Siddharth Varadarajan est le fondateur des médias indépendants Le fil. « Je pense qu’il existe un sentiment de paranoïa et d’insécurité de la part du gouvernement, même s’il contrôle une grande partie des médias. »
“Le type de menace que Narendra Modi fait peser sur la démocratie indienne et la liberté de la presse est quelque chose de tout à fait unique, quelque chose que nous n’avons pas vu depuis des décennies.”
Siddharth Varadarajansur franceinfo
Sans précédent, à l’image de l’exercice solitaire du pouvoir de Narendra Modi. « Ce n’est pas quelqu’un qui a le sens du dialogue, il n’a pas tenu de conférence de presse depuis 10 ans, ce qui est rare pour quelqu’un qui dirige une démocratie de cette taille. pouvoir personnel”assure Balveer Arora, ancien professeur de sciences politiques à l’université Jawaharlal Nehru de Delhi.
Les opposants de Narendra Modi ont aussi une autre crainte : qu’il modifie la constitution indienne pour effacer le terme « laïc », l’équivalent de notre laïcité, s’il venait à remporter un troisième mandat. Comme Harsch Mander, 68 ans, infatigable militant indien des droits humains.
Son domicile a été perquisitionné en février dernier par des agents du CBI, l’équivalent du FBI américain. Il a notamment mis en avant les pogroms anti-musulmans de 2002 dans l’État du Gujarat, alors dirigé par Narandra Modi. “Je suis accusé d’insurrection, d’incitation à la haine, de blanchiment d’argent, d’irrégularités financières…”
“En Inde, les hindous croient en une seconde vie. Je pourrais donc passer toute cette vie et la suivante en prison si j’étais coupable de tous ces crimes.”
Harsch Mandersur franceinfo
Ce disciple de Gandhi dénonce un climat de peur instauré par le pouvoir. “Il y a une tentative de faire taire la dissidence, comme le font les dirigeants autoritaires partout dans le monde. Sauf qu’ici, cette tentative est couplée à une idéologie visant à transformer l’Inde en une Inde très différente de celle que nous avons choisie dans le cadre de la lutte pour la liberté du Mahatma Gandhi, qui est né de l’égalité des droits.
La chasse aux sorcières fonctionne : Harch Mander a de plus en plus de mal à publier des articles. Mais il refuse d’abandonner. “Je ne veux pas d’un pays marqué par les inégalités, la peur et la haine. Je veux un pays égal, juste et bienveillant. C’est vraiment une bataille pour laquelle il faut même être prêt à aller en prison et à donner sa vie.” Harsch Mander travaille actuellement à l’écriture d’un livre consacré à la montée du nazisme en Allemagne.
Les Indiens sont appelés à voter à partir de vendredi pour élire leur assemblée. Ces résultats pourraient ou non reconduire l’actuel Premier ministre, Narendra Modi, pour un troisième mandat. Mais ces pratiques inquiètent certains défenseurs des droits humains.
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C’est le plus grand exercice démocratique au monde. Dès vendredi 19 avril, et pendant six semaines, plus de 970 millions d’électeurs sont appelés aux urnes en Inde pour les élections législatives. Un vote qui pourrait reconduire Narendra Modi pour un troisième mandat, lui qui, depuis son arrivée au pouvoir il y a dix ans, a marqué de son empreinte ce pays de 1,4 milliard d’habitants.
Sous la forme, tout d’abord, d’une idéologie utilisée à des fins politiques : l’hindouisme. Elle vise à instaurer la domination des hindous au détriment des minorités et notamment des musulmans, qui représentent 200 millions de personnes. La campagne de Narendra Modi a débuté avec l’inauguration du temple deAyodhya, dans l’État de l’Uttar Pradesh, à la place d’une mosquée détruite dans les années 1990 par des extrémistes hindous. Le Premier ministre s’appuie également sur un récit national : une Inde qui se développe à une vitesse vertigineuse, tout en exaltant les racines séculaires de l’hindouisme, religion pratiquée par 80 % de la population.
Censure des associations, des médias…
Tout cela inquiète les intellectuels indiens les plus éminents. « Pour sauver la démocratie, nous devons nous demander ce que nous devons faire pour renforcer nos institutions afin que nous ne devenions pas si vulnérables aux pouvoirs des politiciens à plusieurs reprises. »s’inquiète Yamini Aiyar.
Jusqu’en février dernier, elle dirigeait l’un des centres de recherche les plus importants de la capitale indienne, le CPR (Center for Policy Research). Cette dernière a dû licencier la quasi-totalité de ses 200 employés après que le ministère indien de l’Intérieur a décidé de ne pas renouveler son accréditation qui lui permettait de recevoir des fonds de l’étranger.
De nombreuses ONG internationales comme Oxfam, Greenpeace ou Care ont subi le même sort car leurs rapports ne plaisaient pas au pouvoir. Les médias, quant à eux, sont de plus en plus soumis à la censure et les journalistes trop critiques sont qualifiés d’anti-nationaux. Siddharth Varadarajan est le fondateur des médias indépendants Le fil. « Je pense qu’il existe un sentiment de paranoïa et d’insécurité de la part du gouvernement, même s’il contrôle une grande partie des médias. »
“Le type de menace que Narendra Modi fait peser sur la démocratie indienne et la liberté de la presse est quelque chose de tout à fait unique, quelque chose que nous n’avons pas vu depuis des décennies.”
Siddharth Varadarajansur franceinfo
Sans précédent, à l’image de l’exercice solitaire du pouvoir de Narendra Modi. « Ce n’est pas quelqu’un qui a le sens du dialogue, il n’a pas tenu de conférence de presse depuis 10 ans, ce qui est rare pour quelqu’un qui dirige une démocratie de cette taille. pouvoir personnel”assure Balveer Arora, ancien professeur de sciences politiques à l’université Jawaharlal Nehru de Delhi.
Les opposants de Narendra Modi ont aussi une autre crainte : qu’il modifie la constitution indienne pour effacer le terme « laïc », l’équivalent de notre laïcité, s’il venait à remporter un troisième mandat. Comme Harsch Mander, 68 ans, infatigable militant indien des droits humains.
Son domicile a été perquisitionné en février dernier par des agents du CBI, l’équivalent du FBI américain. Il a notamment mis en avant les pogroms anti-musulmans de 2002 dans l’État du Gujarat, alors dirigé par Narandra Modi. “Je suis accusé d’insurrection, d’incitation à la haine, de blanchiment d’argent, d’irrégularités financières…”
“En Inde, les hindous croient en une seconde vie. Je pourrais donc passer toute cette vie et la suivante en prison si j’étais coupable de tous ces crimes.”
Harsch Mandersur franceinfo
Ce disciple de Gandhi dénonce un climat de peur instauré par le pouvoir. “Il y a une tentative de faire taire la dissidence, comme le font les dirigeants autoritaires partout dans le monde. Sauf qu’ici, cette tentative est couplée à une idéologie visant à transformer l’Inde en une Inde très différente de celle que nous avons choisie dans le cadre de la lutte pour la liberté du Mahatma Gandhi, qui est né de l’égalité des droits.
La chasse aux sorcières fonctionne : Harch Mander a de plus en plus de mal à publier des articles. Mais il refuse d’abandonner. “Je ne veux pas d’un pays marqué par les inégalités, la peur et la haine. Je veux un pays égal, juste et bienveillant. C’est vraiment une bataille pour laquelle il faut même être prêt à aller en prison et à donner sa vie.” Harsch Mander travaille actuellement à l’écriture d’un livre consacré à la montée du nazisme en Allemagne.