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« Rasmus », le disciple de Dominique Pélicot


SSous un soleil de plomb, Jean-Pierre M., 60 ans, jardine avec son fils dans un petit village de la Drôme en juillet 2021. Soudain, il se met à faire un semblant d’aveu : « Je suis fou, je ne sais pas ce que j’ai fait, j’ai fait venir quelqu’un à la maison », confie-t-il à son fils, qui n’a aucune idée de ce à quoi il fait référence. On en restera là. Une semaine plus tôt, Jean-Pierre M. avait, une nouvelle fois, fait venir dans sa chambre, la nuit, un retraité qu’il connaît à peine, pour qu’il viole sa femme dans leur propre lit. Il s’appelle Dominique Pélicot. Entre 2015 et 2020, une dizaine de viols auraient été commis sur la victime, Corinne (prénom modifié), endormie par son mari qui lui donnait des comprimés de Temesta. Les mêmes qu’utilisaient Dominique Pélicot pour abuser de sa femme Gisèle et la livrer à des dizaines d’inconnus pendant des années à Mazan (Vaucluse).

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Parmi les accusés, Jean-Pierre M. est le seul à n’être jamais allé à Mazan. Il a en revanche noué une relation très particulière avec Dominique Pélicot, qu’il a rencontré vers 2016 sur le site de tchat Coco.fr. Sous le pseudonyme « Rasmus », il échange avec « Marc », « Marcdorian », « Dompteur » ou « Pervers », les surnoms de Dominique Pélicot, sur un salon de tchat baptisé « À l’insu ». Quand sa femme lui demande ce qu’il fait, tard le soir, sur l’ordinateur, Jean-Pierre M. fait semblant de faire des recherches pour « jardiner ».

Les deux hommes échangent en réalité des photos de leurs épouses et parlent de leurs fantasmes. En « reconnaissance », Dominique Pélicot se rend dans la Drôme, au domicile de « Rasmus », et prend une photo de sa femme à son insu tout en lui demandant des renseignements. Le retraité de Mazan explique alors à « Rasmus », comme il l’a fait à de nombreux autres hommes, le sinistre mode opératoire qu’il utilise sur sa femme Gisèle. Voudrait-il lui aussi venir à Mazan ? « Je ne suis pas un violeur », se convainc Jean-Pierre M., qui décline. Un autre scénario se dessine alors. Jean-Pierre M. « se laisse convaincre » de livrer sa propre femme, à son domicile, à Dominique Pélicot. Toujours absent pour raisons de santé, il n’a pas pu être interrogé sur ces faits et le sera probablement la semaine prochaine.

« J’avais peur mais en même temps ça m’excitait »

Dominique Pélicot revient dans la Drôme pour donner à Jean-Pierre M. six comprimés de Temesta. Craignant des effets secondaires graves pour sa femme, « Rasmus » ne respecte pas vraiment « l’ordonnance ». « Ma femme pèse 50 kilos, alors je lui ai donné un demi-comprimé au lieu de quatre », avoue-t-il. Problème : la dose n’est pas suffisante car sa femme ne dort pas profondément.

L’état de demi-sommeil de la victime incite Dominique Pélicot à la prudence. Sur une dizaine de visites, il affirme n’être passé à l’acte que trois fois, sous le regard du mari. « J’avais peur mais en même temps ça m’excitait, confie Jean-Pierre M. au psychiatre. J’avais ce fantasme de voir ma femme coucher avec quelqu’un d’autre. »

L’expérience malsaine a pris fin un soir d’été 2020. La femme de “Rasmus” s’est réveillée et a trouvé dans sa chambre un inconnu bedonnant, aux cheveux gris, portant un polo turquoise et un short. Elle a également vu une lumière rouge. “Je n’ai pas eu le temps de me lever avant que l’homme ne soit parti par la fenêtre, j’ai couru dehors pour essayer de le rattraper”, a-t-elle raconté au tribunal mercredi. “Mon mari m’a dit que le type voulait voir mes sous-vêtements. Je n’y crois pas, mais soupçonner un viol… c’est impensable. Je me suis dit : peut-être qu’ils ont pris des photos…”

« Je ne peux pas oublier ce que nous avons vécu. »

Un an et demi plus tard, les enquêteurs tombent sur les photos en question. Elles se trouvaient sur le disque dur de Dominique Pélicot. Ils en parlent à la victime, qui reste incrédule. Mariée depuis 1997, elle a eu cinq enfants avec Jean-Pierre M. Elle n’aurait jamais soupçonné de tels agissements. « Il a toujours été quelqu’un de très bien, un papa très protecteur », raconte Corinne au bord des larmes, tandis que Jean-Pierre M. garde la tête basse dans le box des accusés. « Pendant toutes ces années, tout était normal, on ne s’est jamais disputés. Mon mari a toujours travaillé dur, fait des heures supplémentaires. Il ne m’a jamais demandé de choses absurdes dans notre relation intime. Quand je disais non, c’était non. Mon mari est pudique. Quand il prenait sa douche, il fermait la porte à clé… »

Corinne n’a jamais porté plainte. Elle n’a pas rejoint la procédure civile ni engagé de procédure de divorce contre l’homme qui l’a droguée et violée à plusieurs reprises. « C’est pour protéger mes enfants, ils ont assez souffert, explique-t-elle. J’ai tellement envie de tourner la page. Et puis, c’était un homme tellement merveilleux… Tout ce qu’on a traversé, je ne peux pas l’oublier. » Corinne ne l’a pas revu depuis son arrestation il y a trois ans. Elle se tourne vers lui sur le banc des accusés. « J’ai de l’affection pour lui, il a toujours été un père adorable, le regarde-t-elle, très émue. J’espère qu’il pourra à nouveau sortir, voir ses enfants. Je reste aussi Mme M. pour des raisons financières : je ne travaille pas et j’ai toujours les enfants à l’école. J’éprouve de la tristesse et de la pitié, mais plus d’amour. »

Un rôle contesté de « suiveur »

Pour Corinne, Jean-Pierre M. n’aurait jamais basculé dans la sordidité s’il n’avait pas croisé la route de Dominique Pélicot. A-t-il été manipulé ? « Je ne peux pas expliquer (pourquoi il a commis ces actes, NDLR), c’est quelque chose de pervers dans mon cerveau, c’est la rencontre avec ce type sinon je n’y aurais jamais pensé », a avoué l’accusé au psychiatre. Mais cette posture de « suiveur » est contestée. « Cela lui permet de se distancer d’une forme de culpabilité », estime l’expert psychiatre, qui le voit comme beaucoup plus « proactif » qu’il ne se décrit lui-même, sans doute pas totalement sous la coupe de Dominique Pélicot.

Il y a aussi quelques zones d’ombre sur le passé de « Rasmus ». Au début de l’enquête, il décrit une enfance merveilleuse. Un tableau qui est assombri par ses frères et sœurs, qui révèlent que leur père les battait et violait ses filles… à tel point que dans la ferme où ils ont grandi, les enfants se cachaient dans des clapiers à lapins pour lui échapper. « Quand mon beau-père a été placé en maison de retraite, ses filles n’ont pas voulu payer, elles ont dit qu’il méritait la prison, se souvient Corinne. Mais elles ne m’ont pas expliqué pourquoi. C’est une famille où on ne parle pas. » La victime se souvient simplement d’une réponse intrigante de Jean-Pierre M. à sa sœur, qui le remerciait un jour d’être « gentil », lui a répondu : « Je ne suis pas gentil, je ne suis pas ce que vous croyez. »


Anna

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