Recrutement de travailleurs intérimaires | Québec prépare sa « stratégie nationale »
(Québec) À l’heure où le gouvernement négocie avec les syndicats, les règles des conventions collectives, comme la notion d’ancienneté, constituent un « obstacle » au retour de la main-d’œuvre des agences privées dans le giron public, estiment les établissements de santé. .
Après avoir adopté au printemps sa loi visant à soustraire le réseau de la santé et des services sociaux aux agences de placement, le gouvernement Legault espère désormais recruter ces milliers de travailleurs et les convaincre de se joindre au secteur public. Il prépare une « stratégie nationale » pour atteindre son objectif, a-t-on appris.
Mais la tâche s’annonce ardue. Un document de travail obtenu par La presse rapporte une série d’obstacles et de « leviers » nommés par les établissements de santé eux-mêmes pour attirer ces salariés. Au cœur des préoccupations : les conventions collectives locales et nationales.
L’intégration de la main-d’œuvre indépendante ajoute également à la complexité des négociations entre le gouvernement et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), le plus grand syndicat d’infirmières, qui fait de nouveau la grève jeudi. et vendredi.
Parmi les contraintes, les établissements de santé notent également des problèmes dans l’organisation du travail, comme la présence des « heures supplémentaires obligatoires » (TSO), « l’omniprésence des équipes défavorables » et l’absence d’équipes de jour disponibles, peu attractives.
Le gouvernement Legault vise l’abolition du recours aux agences de placement d’ici 2026, et dès 2024 pour les grands centres urbains comme Montréal et Laval. Les régions « limitrophes » comme la Mauricie et les Laurentides devront le faire d’ici octobre 2025.
C’est aussi « un regroupement d’établissements » ciblé par la première et la deuxième vagues qui ont participé à l’enquête ciblant les enjeux anticipés, peut-on lire. Le document ne précise pas lesquels.
Fin du recours aux agences : cibles par région
- 20 octobre 2024 : Capitale-Nationale, Montréal, Chaudière-Appalaches, Laval et Montérégie
- 19 octobre 2025 : Saguenay–Lac-Saint-Jean, Mauricie, Centre-du-Québec, Estrie, Lanaudière, Laurentides
- 18 octobre 2026 : Bas-Saint-Laurent, Outaouais, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Nord-du-Québec, Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, Nunavik
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a expliqué La presse qu’il s’agit d' »un document de travail » ayant « servi à alimenter la discussion entre le ministère et certains établissements du réseau, le 25 octobre », en vue d’élaborer « une stratégie concertée » pour respecter les objectifs de la loi.
Cela dit, « aucune orientation ministérielle n’a été transmise au réseau à ce jour », ajoute-t-on dans un courriel.
Nous prévenons également qu’il est « prématuré de supposer que les informations contenues dans le document refléteront les orientations et les objectifs » du plan final.
Selon le document, les établissements devraient mettre en œuvre des « actions identifiées et priorisées » pour le recrutement en janvier 2024 afin d’en évaluer les impacts au 31 mars 2024.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Le ministre de la Santé, Christian Dubé
On indique également un objectif de recrutement de 80 % de main-d’œuvre indépendante, ce qui n’a jamais été évoqué dans l’espace public par le ministre de la Santé, Christian Dubé. Cette dernière a toujours exprimé le souhait de faire revenir le plus de soignants possible dans le public.
Le cabinet du ministre a indiqué qu’il ne souhaitait pas commenter « étant donné qu’il s’agit d’un document de travail non officiel du ministère et qu’il n’a pas été approuvé ».
Des défis considérables
Le document donne néanmoins un aperçu du défi qui attend le réseau pour convaincre les salariés des agences de le rejoindre.
Pour attirer les infirmières et les préposées aux bénéficiaires vers le réseau public, les CISSS et les CIUSSS voient plusieurs « obstacles » dans les dispositions prévues dans les conventions collectives.
Exemples d’« obstacles » dans les conventions collectives locales
- Incapacité de déplacer la main-d’œuvre
- Modalités prévues pour la période probatoire
- Impossibilité d’avoir accès aux congés sans solde dès l’embauche
- Incapacité d’offrir des quarts de travail autres que le soir, la nuit et la fin de semaine
- Aucun quart de jour disponible
Exemples de « barrières » dans les conventions collectives nationales
- Vacances (plus grande marge de manœuvre dans le secteur privé)
- Salaires et primes non compétitifs
- Pas de reconnaissance d’ancienneté
Source : Document de travail du MSSS
À cela s’ajoutent les enjeux liés à l’organisation des services, à la capacité d’accueillir les nouveaux employés et aux réalités régionales distinctes. Chaque « analyse des obstacles » est accompagnée des « leviers » disponibles dans le réseau pour les contrer.
Par exemple, promouvoir « différents types d’horaires » et offrir des programmes de formation et de développement professionnel. Le document indique que la « stratégie » d’attraction de chaque établissement « doit être construite avec les leviers actuels » et que les actions qui seront intégrées « doivent permettre de résoudre ou de réduire significativement l’impact des obstacles identifiés ».
Cela devrait également permettre de « maintenir le même niveau de service à la population » après le départ des agences.
Des négociations difficiles avec le syndicat
Selon nos informations, la reconnaissance d’une certaine ancienneté pour les salariées d’agence, qui peuvent parfois travailler dans le même établissement pendant plusieurs années, est l’un des enjeux à la table de négociation entre le gouvernement et la FIQ.
C’est aussi le syndicat qui, à l’époque, avait recommandé au ministre Christian Dubé de légiférer pour mettre fin au recours aux agences du réseau de la santé.
Lors de la présentation de son projet de loi en février dernier, le ministre de la Santé s’était dit « très, très ouvert » aux ajustements qui seraient apportés lors du renouvellement des conventions collectives pour les travailleurs intérimaires « qui aimeraient revenir dans le public ».
Le premier ministre François Legault est allé encore plus loin : « J’ai un message pour les syndicats infirmiers : ils doivent venir à la table pour négocier si on veut abolir les agences de placement privées.
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Julie Bouchard, présidente de la FIQ
Selon la présidente de la FIQ, la reconnaissance de l’ancienneté « n’est que cosmétique » et ne « règle pas le vrai problème ».
« Demandez à 100 professionnels de santé d’une agence privée si la reconnaissance de leur ancienneté suffirait à les faire revenir ; 99 fois sur 100, ils vous diront non», déplore Julie Bouchard, dans un communiqué transmis à La presse.
Il faut améliorer les conditions de travail, c’est ce qui va (les) ramener (…) dans le réseau.
Julie Bouchard, présidente de la FIQ
Une enquête réalisée en février par la plus grande association d’agences privées auprès de 2 000 de leurs salariés révélait que pour 8 professionnels de santé sur 10, il est « peu probable » de retourner dans le secteur public à la retraite.
Apprendre encore plus
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- 25%
- Augmentation du nombre d’infirmières dans les agences privées au cours des deux dernières années
source : MSSS
- 11 228
- Nombre d’intérimaires (calculé en équivalent temps plein) dans le réseau, dont 2 894 infirmiers
source : MSSS
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