Les Montréalais doivent désormais certifier qu’ils ont droit à des services gouvernementaux en anglais pour consulter la version anglaise du site Internet de la Ville ou parler en anglais au 311.
La métropole a ajouté jeudi des messages sur ses lignes téléphoniques et sur son site internet pour indiquer que seuls les citoyens concernés par l’une des exceptions prévues par la loi Charte de la langue française pouvait recevoir des informations dans la langue de Shakespeare.
La Ville de Montréal affirme se conformer à la récente réforme de la loi 101. D’autres municipalités du Québec ont également ajouté des bannières d’information sur leur site Internet à ce sujet.
« Qui a le droit de consulter le site en anglais ? », demande désormais une bannière bleue placée en haut de chaque page du site de la Ville de Montréal.
« Si vous continuez à consulter le site en anglais, vous certifiez appartenir à l’un des groupes désignés dans la nouvelle loi. Ces groupes qui peuvent continuer à être servis en anglais comprennent tous les citoyens qui ont reçu des services en anglais avant le 13 mai 2021, ainsi que les immigrants arrivés il y a moins de six mois.
Au 311, un message préenregistré indique que pour avoir le droit d’appuyer sur la touche qui permet de parler à un opérateur en anglais, l’appelant doit certifier qu’il appartient à l’un de ces groupes.
En point de presse, la mairesse Valérie Plante a refusé de dire si elle était à l’aise avec ce changement. Théoriquement, la mairesse elle-même n’a pas le droit de consulter le site Internet anglophone de sa ville pour s’informer.
Ce sont les directives du gouvernement du Québec. Il est clair que ce n’est pas nous qui allons être la police. […] Nous suivons les règles du gouvernement du Québec à cet égard. Nous faisons ce qui doit être fait.
Valérie Plante, mairesse de Montréal
En anglais, à une journaliste francophone qui lui demandait s’il avait commis une infraction en consultant le site de la Ville en anglais, elle a répondu : « Vous devriez demander au gouvernement du Québec. « Ils nous ont demandé de mettre un message, alors on a mis un message, a-t-elle ajouté. À partir de là, si le gouvernement du Québec veut mettre sur pied un inspecteur linguistique ou quelque chose comme ça, il peut le faire. »
Sous le Loi concernant la langue officielle et commune du Québec, le français (Loi 96), adoptée en 2022, « les services au public doivent être fournis exclusivement en français », explique la Ville de Montréal sur son site Internet. « Dans certaines situations, cela permet à des organismes, dont la Ville, d’offrir des services dans une autre langue. »
En plus des anglophones qui se sont installés au Québec avant 2021 et des immigrants qui viennent d’arriver, les autochtones, ceux qui ne résident pas au Québec et ceux qui sont admissibles à l’école anglaise peuvent également consulter la version anglaise du site Web, toujours selon la Ville.
De nombreuses municipalités ont révisé leurs sites Web
CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE WEB DE LA VILLE DE MONTRÉAL
Une bannière bleue est apparue en haut de chaque page du site Internet de la Ville de Montréal.
CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE WEB DE LA VILLE DE LONGUEUIL
La municipalité de Longueuil indique maintenant en ligne que son site est offert exclusivement en français.
CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE WEB DE LA VILLE DE LAVAL
» Là Charte de la langue française et ses règlements régissent la consultation de contenu en anglais», peut-on lire sur le site de la Ville de Laval…
CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE WEB DE LA VILLE DE GATINEAU
…un message que l’on retrouve également sur le site Internet de la Ville de Gatineau.
CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE WEB DE LA VILLE DE CHÂTEAUGUAY
La Ville de Châteauguay a ajouté un module pour traduire automatiquement le contenu de son site Web avec Google Translate (en haut à droite).
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De son côté, la municipalité de Longueuil indique maintenant en ligne que son site est offert exclusivement en français pour se conformer aux obligations de la Charte de la langue française. Toutefois, la Ville invite ses citoyens qui parlent d’autres langues à utiliser, si nécessaire, « les outils de traduction de [leur] navigateur Web », tel que Google Traduction.
À Laval, une bannière a été ajoutée à la version anglaise du site Web avec un hyperlien menant à un site explicatif du gouvernement du Québec.
« Important » ou « ridicule » ?
Le cabinet du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, n’a pas immédiatement réagi à la demande d’entrevue avec La presse.
Mercredi, il a rappelé à l’Assemblée nationale l’entrée en vigueur des dispositions de la loi 96 sur la langue de communication dans les services publics.
Jeudi « est une date importante, car c’est la mise en vigueur d’une nouvelle partie de la loi », a déclaré le ministre Roberge. « Le français est la langue officielle et commune du Québec. Nous sommes préparés, l’Etat doit être exemplaire. »
Normalement, et c’est la règle de base, l’État communique en français avec les Québécois. C’est une date importante car c’est la mise en place d’une nouvelle partie de la loi.
Jean-François Roberge, ministre de la Langue française
Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste, est d’accord avec M. Roberge.
« On ne peut pas faire d’omelettes sans casser d’œufs », a-t-elle déclaré. Bien sûr que ça fait mal, mais je pense qu’il y aura une période d’adaptation. On s’habituera à ça, on s’habituera à ce que le français soit la langue commune. Je pense que c’est une bonne façon de se souvenir : c’est comme ça au Québec. »
Julius Grey, qui représente plusieurs groupes qui contestent le projet de loi 96, a eu un autre avis jeudi après-midi.
« Je pense que c’est ridicule. Cela a pour effet de ridiculiser le Québec. À long terme, cela va nous faire paraître comiques aux yeux des autres nations, a déclaré Mme.e Gray lors d’un entretien téléphonique. Préserver le français ne signifie pas éliminer l’anglais. En fait, si vous vous promenez dans Montréal, c’est une ville bilingue. Nous entendons les deux langues. »
La députée Madwa-Nika Cadet, porte-parole libérale de la langue française, estime également que la loi ne contribuera pas à assurer la pérennité du fait francophone. « Nous doutons que cette mesure aide à atteindre cet objectif », a-t-elle déclaré.
Le Quebec Community Groups Network (QCGN), qui représente les intérêts des Montréalais anglophones, a refusé d’accorder une entrevue à La presse.
« C’est un autre exemple criant des conséquences négatives de la loi 96 sur les services d’approche quotidiens pour les anglophones du Québec – particulièrement pour les aînés anglophones vulnérables qui sont beaucoup moins bilingues que notre cohorte de jeunes », a toutefois indiqué sa présidente, Eva Ludvig, sur les réseaux sociaux.
Selon les données du recensement de 2021, 13 % des Montréalais ne parlent que l’anglais. Pas moins de 84 % des habitants de la métropole parlent couramment le français, tandis que 2 % ne peuvent converser dans aucune des deux langues officielles.
Avec la collaboration de Hugo Pilon-Larose, La presse
Loi 96 en bref
- Cette réforme de la loi 101 est adoptée en mai 2022 et protégée des contestations judiciaires par la disposition dérogatoire de la Charte canadienne.
- La loi 96 restreint considérablement le nombre de Québécois qui pourront recevoir des services en anglais de l’État. Les immigrants arrivés au Québec depuis plus de six mois devront interagir en français avec les services publics
- Elle impose également des cours de français supplémentaires au cégep et étend l’application de la loi 101 aux entreprises.
- Elle a été durement critiquée par les promoteurs des libertés civiles et la communauté anglophone, mais est fortement défendue par le gouvernement Legault.
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