La CAQ fait volte-face : après avoir martelé en campagne électorale qu’une hausse des seuils d’immigration serait « suicidaire », François Legault propose désormais d’accueillir plus de 60 000 nouveaux arrivants chaque année. La grande majorité d’entre eux devra maîtriser le français, mais les exigences seront modulées selon les métiers.
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Augmentation significative des seuils d’immigration
Lors de la campagne électorale de 2018, la CAQ a proposé de réduire les seuils à 40 000 nouveaux arrivants par année. Puis, l’automne dernier, François Legault a déclaré qu’accueillir plus de 50 000 immigrants serait « suicidaire », en plus de craindre une « louisianisation » du Québec.
Aujourd’hui, le gouvernement Legault présente deux scénarios : le statu quo ou une augmentation graduelle pour atteindre 60 000 admissions en 2027. Une décision sera prise à l’automne prochain, après consultations.
Mais attention, dans ce scénario, les étudiants étrangers diplômés en français au Québec peuvent également être admis via le Programme de l’expérience québécoise, sans travailler un an sur le sol québécois comme c’était le cas depuis la réforme de Simon Jolin-Barrette.
Cette nouvelle autoroute pourrait ajouter environ 8 000 personnes, pour un total de 68 000 nouveaux résidents permanents annuellement.
- Écoutez l’entrevue avec Christine Fréchette, ministre de l’Immigration du Québec sur QUB radio :
La cohésion sociale
Démarche « suicidaire », « louisianisation », lien entre immigration et violence : les propos de François Legault lors de la dernière campagne électorale se heurtent aux nouveaux seuils proposés.
Mais le Premier ministre estime que « tout le monde a compris » que sa proposition de limitation de l’immigration visait à « sauver les Français ». « Si on dit : on a un scénario pour aller à plus de 50 000, mais en n’ajoutant que des gens qui parlent français, au fond, on atteint l’objectif que je visais », affirme François Legault.
Il assure que le portrait a changé depuis qu’Ottawa a ouvert la porte à une augmentation de l’immigration économique au Québec, sans augmenter le nombre de personnes accueillies dans les autres catégories.
« La seule raison est que le gouvernement fédéral n’est ouvert qu’à l’augmentation de l’immigration économique », a-t-il déclaré.
Des exigences modulées selon le métier
Que le Québec aille de l’avant ou non avec l’augmentation des seuils, le gouvernement Legault révisera ses exigences en matière de français.
Jusqu’à présent, les candidats au Programme régulier des travailleurs qualifiés étaient sélectionnés selon une grille de points. Environ 12 % d’entre eux ont réussi à se faire accepter sans parler français.
Désormais, chacun devra avoir une connaissance de la langue de Molière.
Mais les exigences seront modulées selon la profession. Ainsi, un niveau 7 (semblable au collégial) sera exigé pour un poste de cadre ou de technicien en réseau informatique.
Les assistants dentaires, les baby-sitters et les ouvriers, par exemple, peuvent être acceptés avec seulement une compétence orale de niveau 5, sans exigences écrites.
« C’était une demande importante de moduler ces exigences en français car les niveaux de scolarité ne sont pas tous les mêmes entre les différentes catégories d’emplois », souligne la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette.
300 000 temporaires
Deuxièmement, Québec déposera un nouveau plan pour imposer également des exigences linguistiques aux immigrants temporaires. Quelque 300 000 d’entre eux sont présentement sur le sol québécois, soit comme travailleurs avec un permis limité, soit dans des établissements d’enseignement supérieur.
Une sélection sera faite lors de l’octroi du certificat d’acceptation du Québec. « Pour l’instant, le gouvernement du Québec n’exige pas la connaissance du français. Il y a donc encore de la place pour agir », a commenté le premier ministre François Legault.
Par ailleurs, il ne désespère pas de solliciter des « pouvoirs supplémentaires » d’Ottawa, dont le regroupement familial, malgré le refus du gouvernement fédéral.
Comme Couillard et Charest
Le Parti québécois n’a pas hésité à soulever les contradictions entre le discours de la CAQ en campagne électorale et les nouvelles cibles annoncées jeudi. «On normalise les taux de Jean Charest et de Philippe Couilard sous le Parti libéral du Québec, ça se fait tranquillement», a déclaré le député Pascal Bérubé.
Même son de cloche chez les libéraux, où Monsef Derraji a dénoncé le «décalage» entre les promesses de la CAQ et ses actions une fois au pouvoir. « En fait, François Legault est prêt à dire n’importe quoi en campagne électorale et à dire le contraire une fois élu », a-t-il dit.
Dans Québec solidaire, Guillaume Cliche-Rivard estime que la nouvelle mouture du PEQ est un « désaveu » de la réforme de Simon Jolin-Barrette lors du dernier mandat.
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