Roger Corman, le roi de la série B

Maître du cinéma fantastique américain des années 1960, Roger Corman, décédé à l’âge de 98 ans, s’est imposé comme le champion du film de genre à petit budget donnant ses lettres de noblesse à la série B et dénichant de nombreux talents du Nouvel Hollywood.

Figure précoce du cinéma indépendant, Roger Corman a tourné une cinquantaine de films et en a produit plus de 300 autres, lançant les carrières de Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Robert De Niro et Denis Hopper.

Parmi ses films les plus connus : “Le Corbeau”, “La Chute de la maison Usher”, brillantes adaptations de nouvelles d’Edgar Allan Poe – mais aussi “La Petite Boutique des horreurs”, film culte de la beat génération et de la l’un des premiers rôles de Jack Nicholson.

“Il était mon sang, ma force vitale et ce ne sont pas des paroles creuses”, confiait récemment l’acteur.

Films d’horreur, fantastiques, de gangsters, de science-fiction, western : cette figure hollywoodienne a reçu un Oscar d’honneur en 2009, une “incongruité pour moi qui ai toujours fait des films à petit budget”, a-t-il déclaré. il s’amusait alors.

En 2023, Quentin Tarantino lui rend hommage à Cannes : “J’aime les films bruts, étranges, tordus et s’il y a un réalisateur qui incarne ce principe, c’est bien Roger Corman”.

“Mon cinéma ne connaît aucune inhibition, il est plein d’excès, de rires”, rétorque le vieil homme, visiblement toujours amusé.

Roi du système D, il fascine par ses tournages éclairs : en 1960, il établit le record avec « La Petite Boutique des Horreurs » tourné en deux jours et une nuit.

Il lui est également arrivé de réaliser deux films simultanément pour couvrir ses frais, comme il l’explique dans son autobiographie « Comment j’ai fait 100 films à Hollywood sans jamais perdre un centime » (2018).

A Hollywood, on prétendait pouvoir tout réaliser depuis une cabine téléphonique : production en un coup de téléphone, financement avec changement d’appel et tournage sur place.

– Attaque des crabes géants –

Né à Détroit le 5 avril 1926, il étudie l’ingénierie à Stanford. Après la guerre, il débute comme coursier chez Fox, gravit les échelons et écrit son premier scénario en 1953, “Highway Dragnet”. Il rejoint AIP (American International Pictures), une société indépendante au budget limité, spécialisée dans le cinéma de genre. Il en devient le producteur phare.

En 1955, il réalise ses deux premiers westerns et s’aventure dans la science-fiction avec “Le Jour de la fin du monde”, introduisant l’un de ses thèmes favoris : le renversement de l’ordre social après une attaque nucléaire.

Homme de gauche, il critique le maccarthysme – “Il a conquis le monde” (1956) – et la ségrégation raciale – “L’Intrus” (1961). En 1967, le Département d’État intervient après la projection de “Wild Angels” à la Mostra de Venise : ce premier film sur les motards des Hell’s Angels ne reflète pas l’Amérique, contestent les diplomates américains.

Il renouvelle le film de vampires : dans « Pas de cette Terre » (1956), le personnage principal n’est plus une créature maléfique mais une personne ordinaire qui se promène avec une valise pleine de seringues. Puis il s’aventure dans le gothique avec “The Undead” (1956).

Ses titres alléchants promettent humour, frisson et sexe à un jeune public en quête de sensations : « L’Attaque des crabes géants » (1957), « La Femme guêpe » (1959), « La Créature de la mer hantée » (61), « La Masque de la Mort Rouge » (1964)…

Ses adaptations des nouvelles d’Edgar Poe avec son acteur fétiche Vincent Price sont considérées comme des chefs-d’œuvre qui auront une forte influence sur le cinéma d’horreur européen.

On lui doit aussi la distribution aux Etats-Unis de films de Truffaut, Bergman, Fellini, Kurosawa.

rap/maj/fio