Hyperactivité et rêverie
La conclusion de la première « déclaration de consensus » sur le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez les filles est on ne peut plus claire : « Il est important d’abandonner la perspective dominante selon laquelle le TDAH est un trouble du comportement, pour faire place à une présentation plus subtile et intériorisée. fréquent chez les femmes. »
« Malgré l’accumulation d’études, la plupart des spécialistes négligent les cas de TDAH qui n’ont pas d’impulsivité ou d’hyperactivité », explique Susan Young, une psychologue londonienne qui est l’auteur principal de cette revue de la littérature. publié en 2020 dans la revue BMC Psychiatrie.
Cette négligence est probablement responsable du risque plus élevé d’hospitalisation des filles atteintes de TDAH. Les déficits d’attention sans troubles du comportement, banalisés en « rêveries », conduisent souvent à des problèmes relationnels puis à des troubles affectifs comme la dépression.
Susan Young, psychologue londonienne et auteure principale de la revue de littérature publiée en 2020 dans BMC Psychiatrie
Martin Gignac, chef du département de psychiatrie à l’Hôpital de Montréal pour enfants, confirme le phénomène. « Les premières études sur le TDAH se concentraient principalement sur le comportement », explique le Dr.r Gignac. Ça a collé, même si on sait maintenant que les filles ont moins de problèmes de comportement. De plus, dans certains cas, l’impulsivité et l’hyperactivité diminuent à l’adolescence, à mesure que le cerveau devient plus mature. « Parfois, un déficit de l’attention est détecté lors d’une consultation pour un autre problème, par exemple la dépression, note Lila Amirali, chef du service de psychiatrie au CHU Sainte-Justine.

Il convient de noter que le déséquilibre entre les sexes pour le TDAH disparaît au début de l’âge adulte. « Il semble que de plus en plus de jeunes femmes adultes constatent que le déficit d’attention a des répercussions sur leur vie », déclare Mme.moi Jeune.
Le Dr Gignac, qui est président du conseil d’administration de la Canadian ADHD Resource Alliance (CADDRA), croit qu’une déclaration consensuelle comme celle de la BMC Psychiatrie montre l’évolution des pratiques cliniques. « On parle des différences entre filles et garçons dans la littérature CADDRA, mais il est sans doute temps de consacrer un chapitre entier à cette question. » La déclaration consensuelle du BMC Psychiatrie répertorie plus de 85 études.
les hormones
La prise en compte de l’impact du cycle hormonal féminin sur le TDAH est l’une des avancées significatives de ces dernières années, selon Mme.moi Young, qui est président du UK ADHD Partnership, similaire à CADDRA. « Beaucoup de recherches sont encore nécessaires pour bien comprendre la situation », déclare Mme.moi Jeune. Mais la plupart des psychologues constatent une vague de femmes en ménopause qui se demandent si leur difficulté à se concentrer est liée à un TDAH auparavant moins prononcé. »
Ce phénomène de traitement du TDAH à la ménopause est aussi présent au Canada, selon le Dr.r Gignac. Selon un document qu’il a envoyé à La pressela puberté féminine et certaines périodes du cycle menstruel peuvent diminuer l’efficacité des médicaments contre le TDAH, et le TDAH peut exacerber les symptômes prémenstruels.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES DE PRESSE
Le Dré Lila Amirali, chef du département de psychiatrie au CHU Sainte-Justine.
Nous sommes de plus en plus conscients des variations du TDAH dans le cycle menstruel.
Le Dré Lila Amirali, chef du département de psychiatrie au CHU Sainte-Justine
Grossesse
L’autre question de recherche urgente, selon Mmoi Young, c’est l’impact du TDAH sur la maternité. « Il est clair que le TDAH peut affecter négativement le sentiment de compétence des mères face aux besoins de leur bébé. Il existe très peu de données sur cette question, d’autant plus que les médicaments contre le TDAH sont généralement interrompus pendant la grossesse. Et ce, même si la seule méta-analyse sur le sujet ne conclut pas à des risques importants. À tout le moins, des médicaments à durée limitée pourraient être envisagés pendant l’allaitement. » Selon le Dr Gignac, les poussées hormonales peuvent aggraver le TDAH, ce qui peut augmenter le risque de dépression post-partum.
Surprescription

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Près de 7,7 % des jeunes de moins de 25 ans inscrits à l’assurance-médicaments publique avaient pris des médicaments pour le TDAH en 2019-2020.
L’automne dernier, une étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a tiré la sonnette d’alarme concernant la prescription de médicaments pour le TDAH. Près de 7,7 % des jeunes de moins de 25 ans inscrits à l’assurance-médicaments publique avaient pris des médicaments pour le TDAH en 2019-2020. Dans certaines régions, la proportion est encore plus grande. Selon le Centres gouvernementaux américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).
Vaut-il mieux prescrire un médicament à un enfant qui n’en a pas besoin, pour éviter qu’un autre – souvent une fille – réellement atteint de TDAH n’y ait pas accès ? Ou limiter les prescriptions, au risque que les filles atteintes de TDAH ne soient pas dépistées ? « Idéalement, nous ne voulons pas prescrire de médicaments inutiles ou manquer des cas », explique le Dr.ré Amiral.
Une étude de l’UQAM, dont les résultats ont été dévoilés pour la première fois cette semaine en La pressesemble montrer que les filles sont un peu moins touchées que les garçons par la surmédication : les « bébés de classe » mâles, nés en septembre, ont 8 % plus de risques d’être médicamentés pour le TDAH que ceux nés en octobre, alors que la différence est de 5 % pour les filles.
L’effet protecteur
Une autre piste explorée par les spécialistes du TDAH chez les filles est un « effet protecteur » contre certains gènes liés au TDAH. En 2016, dans le Journal de l’Académie américaine de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescentDes chercheurs britanniques et suédois ont conclu, sur la base de l’analyse de 11 000 paires de jumeaux des deux pays, que les filles diagnostiquées avec le TDAH ont une plus grande susceptibilité génétique que les garçons.
« L’idée est que quelque chose chez les filles protège contre les gènes du TDAH », explique Mme.moi Jeune. Les filles ont donc besoin d’une susceptibilité génétique plus élevée pour développer le TDAH. Chez les garçons, le seuil est plus bas. Est-elle liée à des caractéristiques culturelles qui favorisent certaines habitudes cognitives, comme l’organisation du temps, dans la scolarisation des filles par rapport aux garçons ? Il est trop tôt pour le dire, car d’autres études ne retrouvent pas cet effet protecteur. Un tel effet protecteur a également été postulé pour d’autres troubles du développement, y compris l’autisme.
Apprendre encore plus
- 15%
- Proportion de garçons ayant reçu un diagnostic de TDAH avant l’âge de 25 ans au Québec en 2015-2016
SOURCE : INSPQ
- 7,8 %
- Proportion de filles ayant reçu un diagnostic de TDAH avant l’âge de 25 ans au Québec en 2015-2016
SOURCE : INSPQ
- deux fois plus de garçons
- les filles reçoivent un diagnostic de TDAH avant l’âge de 12 ans au Québec.
SOURCE : INSPQ
- 1,4 fois plus de garçons
- les filles reçoivent un diagnostic de TDAH entre 12 et 17 ans au Québec.
SOURCE : INSPQ
- 1,2 fois plus de filles
- que les garçons reçoivent un diagnostic de TDAH entre 18 et 24 ans au Québec.
SOURCE : INSPQ
- 12,8 %
- des filles vivant avec le TDAH ont des problèmes de comportement avant l’adolescence.
LA SOURCE : Pédiatrie
- 25%
- des garçons vivant avec le TDAH ont des problèmes de comportement avant l’adolescence.
LA SOURCE : Pédiatrie
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